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Les emplois francs incitent-ils à embaucher des personnes résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ?

En 2022, 77 % des employeurs déclarent qu’ils auraient embauché la même personne sans l’aide.

Selon les employeurs ayant eu recours aux emplois francs en 2022, dispositif qui donne accès à une aide en cas d’embauche d’un habitant d’un quartier prioritaire de la politique de la ville, 6 % des recrutements n’auraient pas eu lieu en l’absence de ce dispositif et 5 % auraient bénéficié à une autre personne. Dans 77 % des cas, l’embauche aurait été conclue avec la même personne, traduisant un fort effet d’aubaine. Pour 13 % des embauches en emploi franc, l’employeur déclare ne pas savoir s’il aurait recruté le même candidat, un autre candidat ou s’il n’aurait pas recruté en l’absence de cette aide financière.

L’effet sur l’emploi de ce dispositif est un peu plus important dans les établissements de moins de 10 salariés, ainsi que dans les secteurs du commerce et de l’hébergement-restauration. Il varie peu selon les caractéristiques des salariés embauchés.

Les emplois francs améliorent la qualité des emplois qui auraient été créés sans l’aide. D’après les employeurs, parmi les embauches n’étant pas associées à une création d’emploi, la part de CDI et celle des contrats à temps complet auraient été moins élevées en l’absence du dispositif.

Effet du dispositif Emplois francs sur la décision de recruter

  Embauches en emploi franc en 2022
Effet d'emploi : en l'absence d'aide, l'embauche n'aurait pas eu lieu à ce moment-là 6
Effet de substitution : en l'absence d'aide, l'embauche aurait eu lieu mais aurait bénéficié à une autre personne 5
Effet d'aubaine : en l'absence d'aide, l'embauche aurait eu lieu au même moment et avec la même personne 77
Ne sait pas 13
Ensemble 100

Note: la somme des valeurs non arrondies des quatre indicateurs est de 100.
Lecture: en 2022, 77 % des employeurs déclarent qu’ils auraient embauché la même personne sans l’aide. 
Champ: France, embauches en emploi franc en 2022.
Source: Dares, enquête Emplois francs auprès des employeurs.

Le questionnaire de l’enquête Emplois Francs comportait une question d’opinion à choix multiples sur l’impact de l’aide : « Dans le cadre du recrutement de < PRENOM,  NOM>, diriez-vous que le dispositif Emplois francs…

  • A eu un impact sur la décision de créer ou prolonger ce poste
  • A eu un impact sur la décision de proposer un CDI / CDI intérimaire / CDD sur ce poste, plutôt qu’un autre type de contrat
  • A eu un impact sur la décision d'embaucher < PRENOM, NOM> plutôt qu'une autre personne sur ce poste
  • A eu un impact sur le salaire proposé sur ce poste
  • Vous a permis de dépasser des difficultés à recruter sur ce poste
  • A eu un autre impact, préciser :
  • N'a pas eu d'impact sur ce recrutement
  • Ne sait pas »

Croiser les réponses à cette question d’opinion avec les effets emploi, de substitution et d’aubaine estimés via les réponses fournies aux questions plus factuelles exploitées dans l’étude permet d’en analyser la cohérence. Ainsi, pour 4 % des embauches associées à un effet emploi, les employeurs répondent que le dispositif n’a eu aucun impact sur le recrutement de la personne ; c’est le cas de 11 % de celles associées à un effet de substitution et de 61 % de celles associées à un effet d’aubaine. Inversement, pour seulement 8 % des embauches associées à un effet d’aubaine, l’employeur considère que l’aide a eu un impact sur la décision de créer ou prolonger le poste et pour 10 % sur la décision de recruter une personne plutôt qu’une autre. 

Au total, pour 15 % des embauches, les employeurs déclarent que l’aide a eu un impact sur la décision de créer ou prolonger le poste et pour 12 % que l’aide n’a pas eu d’impact sur la décision de créer ou prolonger le poste mais a eu un impact sur la décision de recruter une personne plutôt qu’une autre. La formulation de la question d’opinion, qui ne mentionne pas de temporalité, peut conduire les employeurs qui ont anticipé leur recrutement en raison de l’existence de l’aide à déclarer que l’aide a eu un impact sur la décision de créer ou prolonger le poste. En revanche, pour tenir compte des délais inhérents aux processus de recrutement, il a été considéré dans cette étude que l’embauche correspondait à un effet d’aubaine lorsque les employeurs ont répondu aux questions plus factuelles qu’ils auraient recruté la même personne dans les six mois1  en l’absence de l’aide.

Pour 50 % des embauches, les employeurs ont répondu que l’aide n’a pas eu d’impact sur le recrutement. De plus, pour 18 % des embauches, les employeurs ont déclaré que l’aide a eu un impact, mais qui ne portait ni sur la décision de créer le poste ni sur la décision d’embaucher la personne effectivement recrutée plutôt qu’une autre. Ces 68 % d’embauches se rapprochent du périmètre des effets d’aubaine mesurés _via_ les questions factuelles. Enfin, pour 5 % des embauches les employeurs ne se prononcent pas sur les impacts des emplois francs.

Tout en restant limités, les proxys des effets emploi et de substitution estimés à partir de la question d’opinion sont plus élevés que les effets évalués à partir de l’exploitation des questions plus factuelles. Cela tient notamment au caractère plus subjectif de la question d’opinion, qui peut conduire à surestimer les impacts du dispositif. Afin de rapprocher les estimations d’impact réalisées à partir d’enquêtes auprès de bénéficiaires de politiques publiques des estimations obtenues par des méthodes d’évaluation contrefactuelles, des travaux récents estiment qu’il est nécessaire d’utiliser des questions qui demandent explicitement au répondant de se positionner dans une situation contrefactuelle (« si vous n’aviez pas eu l’aide,… ») et concrète, plutôt que de poser des questions de sentiment général par rapport au dispositif. C’est la méthode retenue dans cette étude. En mobilisant trois questions séquentielles qui ont pour objectif de faire se remémorer au répondant la situation dans laquelle il était au moment de recruter, il est possible d’estimer les effets emploi, de substitution et d’aubaine. Cette même méthode, utilisée précédemment dans une enquête auprès d’employeurs de contrats aidés[4], a permis de produire des estimations d’effets emploi proches de celles résultant d’une analyse contrefactuelle.

  • 1Ce choix a été rendu en cohérence avec celui dans [4]

Enquête / source