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NO 2620

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 mars 2015

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

sur l’emploi des jeunes en Europe,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Philip CORDERY

Député

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 9

PREMIÈRE PARTIE : LA SITUATION DE L’EMPLOI DES JEUNES EN EUROPE : VERS UNE GÉNÉRATION SACRIFIÉE ? 13

I. UN ETAT DES LIEUX ALARMANT : DES JEUNES SOUVENT SANS EMPLOI ET MENACÉS DE PAUPÉRISATION 13

A. LES REPERCUSSIONS DE LA CRISE ECONOMIQUE SUR L’EMPLOI GLOBAL ET SUR L’EMPLOI DES JEUNES ONT ÉTÉ FORTES PARTOUT EN EUROPE 13

1. La crise qui sévit en Europe depuis 2008 a eu et continue d’avoir un impact très fort sur le marché de l’emploi en général… 13

2. … et sur l’emploi des jeunes en particulier 14

a. Une insertion des jeunes sur le marché du travail contrariée par l’approfondissement de la crise 14

b. Les bons résultats de l’Allemagne, de l’Autriche ou des pays scandinaves contrastent fortement avec la situation dramatique des pays du Sud de l’Europe 19

c. La France, bien qu’en situation médiane, n’échappe pas à une détérioration du marché de l’emploi des jeunes du fait de la crise 23

B. DES JEUNES MENACÉS DE PAUPÉRISATION : VERS UNE GÉNÉRATION SACRIFIÉE ? 26

1. Des jeunes Européens paupérisés dans un contexte d’augmentation constante de la pauvreté en Europe 26

a. L’Europe touchée par l’augmentation croissante de la pauvreté 26

b. Des jeunes Européens paupérisés et menacés de déclassement 28

2. La fuite des cerveaux en France : mythe et réalités 31

a. Partir quand on est jeune diplômé : peur de l’avenir ou désir d’acquérir une expérience internationale ? 31

b. Une mobilité des jeunes Français qui s’inscrit dans un contexte de mutation de l’expatriation en France comme à l’échelle internationale 32

c. Erasmus confirme les vertus de la mobilité étudiante sur l’insertion professionnelle des jeunes 33

II. LA DIFFICILE INSERTION DES JEUNES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL 37

A. DES DIFFICULTÉS D’INSERTION DUES À L’INADÉQUATION ENTRE L’OFFRE DE FORMATION ET LES BESOINS DU MONDE ECONOMIQUE 37

1. Si le niveau de diplôme détermine l’insertion dans le marché du travail dans l’ensemble des pays de l’OCDE comme en France… 37

a. Le niveau de diplôme détermine l’insertion dans le marché du travail dans l’ensemble des pays de l’OCDE… 37

b. … tout comme en France 38

2. … les élèves sont toutefois souvent mal préparés au monde du travail et l’offre de travail ne concorde pas toujours avec la demande de travail 39

B. LES DÉCROCHEURS : UNE POPULATION DE JEUNES PARTICULIÈREMENT VULNÉRABLE, UN DEFI POUR LES POLITIQUES PUBLIQUES 39

1. Les « NEET » : une population socialement prédéterminée, des coûts individuels et collectifs particulièrement élevés 39

2. Le décrochage : un problème pour le jeune, un problème pour la société 40

DEUXIEME PARTIE : LE MODELE DUAL GERMANIQUE DOIT-IL ETRE TRANSPOSÉ DANS L’ENSEMBLE DES PAYS DE L’UNION ? 43

I. LE MODELE DUAL : UNE FORMATION AU SERVICE DE LA COMPETITIVITÉ DE L’ÉCONOMIE, UNE BONNE INTÉGRATION DES JEUNES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL 43

A. UNE FORMATION DUALE REPOSANT SUR L’IMPLICATION DES PARTENAIRES SOCIAUX ET SUR LE CONCEPT DE MÉTIER QUI REMPLIT SON OBJECTIF EN MATIÈRE D’INSERTION SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL 43

1. Un système adapté aux besoins de l’économie et reposant sur une forte implication des partenaires sociaux 43

2. Une filière valorisée qui rencontre du succès auprès de la jeunesse 45

3. Une filière performante pour orienter les jeunes vers l’emploi 46

B. L’AUTRICHE : UNE POLITIQUE D’EMPLOI DES JEUNES VOLONTARISTE ET EFFICACE 47

1. L’apprentissage : un mode de formation très important en Autriche 47

a. Un mode de formation valorisé… 47

b. …qui bénéficie du soutien financier des pouvoirs publics 49

2. .… complété par différentes mesures qui viennent parfaire le dispositif destiné aux jeunes et assurer sa réussite 50

a. Le coaching des apprentis 50

b. Une attention particulière portée aux décrocheurs 50

c. Une augmentation importante des dépenses publiques en faveur de l’emploi des jeunes 51

II. LE MODÈLE DUAL EST-IL TRANSPOSABLE EN FRANCE ET DANS LES AUTRES PAYS DE L’UNION EUROPÉENNE ? 53

A. LE MODELE DUAL PEUT-IL ETRE UN MODELE POUR LES AUTRES PAYS DE L’UNION ? 53

1. Un modèle promu par l’Allemagne et source d’inspiration certaine pour les pays les plus en difficulté 53

2. L’impossibilité d’une transposition à l’identique 53

a. La nécessaire prise en compte des contextes économiques et socio-culturels nationaux 53

b. Un modèle qui rencontre certaines difficultés 54

B. LA FORTE MOBILISATION FRANCAISE POUR LE DEVELOPPEMENT DE L’APPRENTISSAGE 54

1. L’apprentissage, une composante de la formation professionnelle qui facilite l’accès à l’emploi 54

2. L’insertion professionnelle des jeunes apprentis 58

3. L’apprentissage : une priorité du quinquennat 58

TROISIÈME PARTIE : L’EMPLOI DES JEUNES ENFIN AU CœUR DES PRÉOCCUPATIONS DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES 61

I. L’INITIATIVE POUR L’EMPLOI DES JEUNES ET LA GARANTIE POUR LA JEUNESSE : UNE FORTE MOBILISATION DE L’UNION, DES RÉSULTATS ENCORE DÉCEVANTS 61

A. L’INITIATIVE POUR L’EMPLOI DES JEUNES MARQUE LA VOLONTÉ DE L’UNION DE SE MOBILISER POUR L’EMPLOI DES JEUNES 61

1. Le paquet « Emploi jeunes » de décembre 2012, plan d’action de la Commission en faveur de l’emploi des jeunes 61

2. La Garantie pour la jeunesse : activer les dépenses et favoriser les réformes structurelles 65

3. Une aide financière de l’Union qui répond à des modalités précises et contestables 68

B. LA « GARANTIE POUR LA JEUNESSE » UN AN APRÈS : UN BILAN EN DEMI-TEINTE 72

1. L’état des lieux mitigé dressé en avril 2014 par la Commission européenne, et par les chefs d’État lors du sommet de Milan d’octobre 2014 72

2. Le nouveau Parlement européen en faveur d’une extension de la Garantie pour la jeunesse et l’accélération de la mise en place de l’Initiative pour l’emploi des jeunes 74

C. LA MISE EN PLACE RAPIDE ET EFFICACE DE LA GARANTIE POUR LA JEUNESSE EN FRANCE VA PERMETTRE D’AMPLIFIER LES EFFETS DES ACTIONS ENTREPRISES DEPUIS 2012 POUR L’EMPLOI DES JEUNES 75

1. Un programme opérationnel validé par la Commission européenne et qui permet de renforcer tous les volets de l’emploi des jeunes 75

2. Les fonds IEJ : un levier en appui de la stratégie nationale en faveur des NEET 76

a. Un programme opérationnel français sous le sceau de la mobilisation organisationnelle et financière 76

b. La « Garantie jeunes » française : se concentrer sur les jeunes les plus en difficulté 77

II. STAGES, APPRENTISSAGE, MOBILITÉ, CREATION D’ENTREPRISE : L’EUROPE SE MOBILISE POUR L’EMPLOI DES JEUNES 81

A. LE CADRE DE QUALITÉ POUR LES STAGES : UNE AVANCEE POSITIVE MAIS INSUFFISANTE 81

1. Une réglementation européenne sur les stages qui demeure insuffisante… 81

2. ... mais qui est le signe de la volonté de doter l’Union d’une réglementation sur les stages qui favorise les conditions d’une saine mobilité des stagiaires 85

B. L’ALLIANCE EUROPÉENNE POUR L’APPRENTISSAGE 86

1. Promouvoir l’apprentissage en Europe pour favoriser l’emploi des jeunes 86

2. La Garantie pour la jeunesse et l’apprentissage 86

3. Garantir un apprentissage de qualité 86

4. Les actions de la Commission en faveur de l’apprentissage 87

C. FAVORISER LA MOBILITÉ DES JEUNES ETUDIANTS ET DES JEUNES TRAVAILLEURS DANS L’UNION EUROPÉENNE 88

1. Favoriser la mobilité des jeunes pendant leurs études ou leur formation 88

a. Le programme Erasmus + pour l’enseignement et la formation professionnels 88

b. Le programme Erasmus + pour l’enseignement supérieur 89

c. Le programme Erasmus + pour l’enseignement scolaire 89

2. Aider les jeunes à trouver un emploi en Europe : 90

a. Le portail EURES 90

b. Le rôle du réseau des services publics de l’emploi dans la mise en œuvre de la Garantie pour la jeunesse 91

D. PROMOUVOIR LA CREATION D’ENTREPRISE : LE PROGRAMME ERASMUS POUR JEUNES ENTREPRENEURS 92

QUATRIEME PARTIE : PROPOSITIONS DE LA MISSION 95

I. LES PROPOSITIONS À L’UNION EUROPÉENNE : INTENSIFIER LA LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE DES JEUNES 95

1. Créer les conditions pour renouer avec la croissance et l’emploi 95

2. Créer les conditions d’une pleine mise en œuvre de la Garantie pour la jeunesse 96

a. Demander à la Commission d’accélérer la validation des programmes opérationnels et de demeurer vigilante quant à leur contenu 96

b. Envisager un changement de périmètre de la Garantie pour la jeunesse 96

c. Améliorer les conditions de préfinancement et de cofinancement de l’IEJ 97

3. Orienter les jeunes vers les compétences requises pour les besoins du marché du travail 98

4. Améliorer les conditions d’exercice des stages 99

5. Continuer à promouvoir l’apprentissage et encourager la réflexion en cours sur le statut européen de l’apprenti 100

6. Promouvoir encore la mobilité intra-européenne 100

II. LES PROPOSITIONS À LA FRANCE : MAINTENIR LE CAP POUR SOUTENIR L’EMPLOI DES JEUNES 103

1. Améliorer les conditions de revenu des jeunes pour lutter contre leur paupérisation en instaurant un filet de sécurité en contrepartie d’engagements de leur part 103

2. Aider les jeunes peu qualifiés à accéder à l’emploi pour éviter qu’ils ne décrochent 104

3. Offrir un coaching personnalisé aux décrocheurs 104

4. Simplifier les démarches et développer les guichets uniques 105

5. Promouvoir et valoriser l’apprentissage 106

6. Adapter le système de formation aux métiers de demain 106

7. Fusionner la Garantie pour la jeunesse et la Garantie jeunes et assouplir le critère géographique 107

TRAVAUX DE LA COMMISSION 109

CONCLUSIONS ADOPTÉES 111

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 115

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le chômage des jeunes est sans aucun doute l’un des problèmes les plus cruciaux auxquels l’Union européenne et ses pays membres ont à trouver une solution dans des délais rapides. Nous devons, plus que jamais après les évènements qui ont touchés notre pays en janvier 2015, garder à l’esprit l’importance du rôle de structuration sociale de l’emploi pour éviter que la jeunesse en déshérence devienne la proie de tous les fanatismes. La jeunesse a besoin de nous comme nous avons besoin d’elle, car il n’y pas d’avenir ni pour notre pays ni pour notre continent sans les jeunes. Faisons ainsi notre cette belle phrase de François Mitterrand, prononcée devant l’Assemblée lors des évènements de 1968 : « Si la jeunesse n'a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort. »

Suite à la crise de 2008, l’économie européenne a subi en 2009 un recul sans précédent, son PIB se contractant de 4,5 %. Le répit de l’année 2010 s’est avéré de courte durée, et, 2011 et 2012 ont à nouveau été marqués par de fortes difficultés économiques ; derrière ces moyennes, certains États membres ont été peu touchés, d’autres l’ont été dramatiquement.

Les effets de la crise ont été nombreux ; en dépit d’une certaine stabilisation dans le secteur financier, l’accès au financement est demeuré limité, notamment pour les PME. Les taux de chômage et de pauvreté se sont envolés, passant de 7,1 % en 2008 à 10 % en octobre 2014, le chômage de longue durée augmentant de son côté de 2,6 % en 2008 à 4,7 % en 2012, tandis que plus de 120 millions de personnes sont menacées dans l’Union de pauvreté ou d’exclusion sociale. Ces effets ont, malheureusement, été largement amplifiés par les politiques d’austérité menées à l’échelle européenne.

La situation du chômage varie toutefois sensiblement d’un pays à l’autre –les taux de chômage s’établissant en 2013 de 5 % en Autriche à 27 ,6 % en Grèce – ainsi qu’en fonction des catégories de la population.

Les jeunes, et notamment les moins qualifiés d’entre eux, ont ainsi payé un très fort tribut à la crise, servant de variable d’ajustement à un marché du travail déstabilisé et fortement marqué par les inégalités entre « insiders », bénéficiant d’un emploi stable et de qualité, et « outsiders », occupant des emplois précaires ou au chômage. Ils ont été parmi les plus touchés, et ce de manière extrêmement préoccupante. Aujourd’hui, dans notre pays, 22,9 % des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage ; ce taux varie de 7,7 % à 58,3 % dans l’Union.

À l’échelle de l’Union, le taux de chômage des jeunes représente plus du double de celui des adultes, soit 21,9 % contre 10,3 % au deuxième trimestre 2014. Par ailleurs, alors que les jeunes rencontrent plus de difficultés que les autres catégories de la population à s’insérer sur le marché du travail – l’entrée sur le marché du travail étant pour eux un moment décisif – ils doivent se contenter plus que les autres d’emplois de moindre qualité et moins stables : en 2012, 42 % des jeunes salariés travaillaient dans le cadre d’un contrat temporaire (soit quatre fois plus que les adultes) tandis que 32 % travaillaient à temps partiel (soit près de deux fois plus que les adultes). Le risque est celui de la résignation… 12,6 % des jeunes inactifs souhaitaient travailler mais ne cherchaient pas d’emploi au troisième trimestre 2012, tandis qu’en 2011, 12,9 % des jeunes étaient sans emploi et ne suivaient ni études, ni formation.

Or, deux millions d’emploi sont vacants dans l’Union européenne. Au-delà de cet apparent paradoxe apparait en filigrane l’importance de l’inadéquation des compétences et des besoins du marché du travail. Une des pistes suggérées par l’Union, et que nous devons envisager avec le plus grand intérêt, réside dans la promotion de l’apprentissage. Mais ce n’est pas la seule : la mobilisation pour l’emploi de jeunes passe aussi par la facilitation de la mobilité ainsi que par l’amélioration de la règlementation sur les stages. Des efforts soutenus et importants à destination des décrocheurs, population particulièrement fragile et qui nécessite un accompagnement ciblé, sont en outre absolument nécessaires : ils sont 14 millions de NEET de moins de 29 ans dans l’Union, c’est-à-dire de jeunes qui ne sont ni dans l’emploi, ni en formation, ni en cours d’étude. Enfin, nous devons tout mettre en œuvre pour accompagner les jeunes dans la création d’entreprise et pour simplifier les démarches administratives.

Longtemps négligée par les politiques européennes, la question de l’emploi des jeunes est fort heureusement, et sous l’impulsion de la France, devenue un sujet à part et à part entière des politiques sociales européennes. Depuis décembre 2012 et le Paquet emploi jeunes, l’Europe se mobilise pour les jeunes, notamment à travers la Garantie pour la Jeunesse et l’Initiative pour l’emploi des jeunes.

De son côté, le Gouvernement français met tout en œuvre pour lutter contre le fléau du chômage des jeunes, que ce soit via des mesures nationales ou en faisant en sorte de maximiser les opportunités liées aux politiques mises en œuvre à l’échelle de l’Union. La Garantie Jeunes, expérimentée en 2014 dans dix départements, se développera ainsi en 2015 pour proposer un accompagnement renforcé vers l’emploi à près de 50 000 jeunes de 18 à 25 ans en situation de précarité, en leur versant une allocation d’un montant équivalent au revenu de solidarité active (RSA), représentant un effort financier de 100 millions d’euros par rapport à 2014. Ce dispositif comporte aussi un accompagnement renforcé vers la formation et l’emploi qui pourra concerner, à l’horizon de 2017, près de 100 000 jeunes. De plus, les emplois d’avenir et le contrat de génération, dont le lancement a fait partie des projets structurants du début du quinquennat, seront également pérennisés et consolidés en 2015.

Après avoir auditionné un grand nombre de personnalités qualifiées, et s’être rendu à l’étranger – en Espagne, pays gravement touché par le chômage des jeunes, mais aussi en Finlande et en Autriche, afin de comprendre les recettes de leurs succès – il apparaît qu’aucune recette miracle ne s’impose pour lutter contre le chômage des jeunes, mais que c’est bien la convergence de tous nos efforts, à l’échelle nationale et européenne, qui pourra nous permettre d’emporter des succès en la matière.

PREMIÈRE PARTIE : LA SITUATION DE L’EMPLOI DES JEUNES EN EUROPE : VERS UNE GÉNÉRATION SACRIFIÉE ?

I. UN ETAT DES LIEUX ALARMANT : DES JEUNES SOUVENT SANS EMPLOI ET MENACÉS DE PAUPÉRISATION

A. LES REPERCUSSIONS DE LA CRISE ECONOMIQUE SUR L’EMPLOI GLOBAL ET SUR L’EMPLOI DES JEUNES ONT ÉTÉ FORTES PARTOUT EN EUROPE

1. La crise qui sévit en Europe depuis 2008 a eu et continue d’avoir un impact très fort sur le marché de l’emploi en général…

Comme le souligne un rapport récent de l’Institut syndical européen (ETUI) et de la Confédération européenne des syndicats (CES) (1), les derniers indicateurs sociaux restent sans surprise « dans le rouge ». L’Europe reste de fait plongée dans un cercle vicieux « qui génère de la récession dans certains pays, ainsi qu’une augmentation des inégalités sociales, en parallèle avec l’affaiblissement des mécanismes de solidarité nationale et du démantèlement des modèles sociaux nationaux. »

Alors que les chiffres du chômage ont explosé, les taux d’emploi ont depuis 2008 continué à décroître. La crise a, de plus, servi d’accélérateur à des tendances préexistantes qui ont généré inégalités d’accès à l’emploi, polarisation de l’emploi et développement du travail atypique.

L’emploi est en effet en crise, et les taux d’emploi dans l’Union ont très fortement baissé du fait de la crise de 2008 : entre 2008 et 2010, le taux d’emploi global dans l’Union à 28 a baissé de 1,7 point. Pour la seconde moitié de 2013, seulement 64 % des 15-64 ans étaient employés, ce qui est en-deçà de l’objectif de Lisbonne fixé à 70 %, ainsi que de la stratégie Europe 2020, qui a fixé le taux d’emploi des 15-64 ans à 75 %.

Par ailleurs, l’emploi classique – à temps plein et en CDI – recule au profit des formes d’emploi atypique. Au second semestre de 2013, un cinquième des travailleurs de l’Union à 28 était employé à temps partiel, celui-ci touchant particulièrement les femmes, puisque 9 % des employés hommes travaillaient à temps partiel contre 32 % des femmes employées.

2. … et sur l’emploi des jeunes en particulier

a. Une insertion des jeunes sur le marché du travail contrariée par l’approfondissement de la crise

L’insertion des jeunes sur le marché du travail en Union européenne a été contrariée par l’approfondissement de la crise. Au-delà des spécificités nationales, les jeunes diplômés européens doivent s’insérer sur un marché du travail successivement détérioré par la crise financière de 2008 et par celle des dettes souveraines de l’été 2010.

Depuis la crise de 2007, le taux de chômage des jeunes en Europe n’a cessé d’augmenter. Selon la Commission Européenne, près de 5,6 millions (2) de jeunes Européens (hors étudiants) n’avaient pas d’emplois en avril 2013.

Le taux de chômage des jeunes est dans tous les pays de l’Union au moins deux fois supérieur au taux de chômage moyen, à l’exception notable de l’Allemagne (7,8 % contre 5,1 %) et de certains pays où il s’approche du double sans l’atteindre (6,5 %-12,6 % au Danemark, 10,8-20,4 % en Lituanie, 7,2-11,3 % aux Pays-Bas, et 4,9-9,5 % en Autriche).

Chômage des jeunes (moins de 25 ans) corrigé des variations saisonnières

 

Taux ( %)

Nombre de personnes (en milliers)

Mars 13

Déc 13

Jan 14

Fév 14

Mars 14

Mars 13

Déc 13

Jan 14

Fév 14

Mars 14

ZE18

24,0

23,7

23,8

23,7

23,7

3 592

3 475

3 479

3 436

3 426

UE28

23,5

23,0

23,0

22,8

22,8

5 662

5 448

5 422

5 365

5 340

Belgique

22,9

24,0

24,4

24,2

23,9

94

99

99

98

96

Bulgarie

28,3

28,1

28,3

28,3

28,3

68

61

61

61

60

Rép. tchèque

19,5

18,6

17,8

16,5

16,4

72

66

63

59

59

Danemark

12,8

13,6

13,4

12,9

12,6

57

59

59

56

55

Allemagne

7,8

7,9

7,9

7,9

7,8

352

350

347

344

341

Estonie

19,3

18,1

19,0

15,7

 :

12

11

11

9

 :

Irlande

27,9

25,6

26,0

26,0

25,9

60

53

54

54

54

Grèce

58,8

57,1

56,8

 :

 :

182

170

167

 :

 :

Espagne

55,4

54,4

54,4

53,9

53,9

976

908

905

880

873

France

25,3

23,7

23,7

23,6

23,4

720

663

663

662

656

Croatie

50,5

48,6

49,0

49,0

49,0

76

72

73

73

73

Italie

39,6

41,7

42,9

42,8

42,7

640

675

688

674

683

Chypre

35,8

40,8

43,2

43,2

43,2

15

18

19

19

19

Lettonie

23,0

23,9

 :

 :

 :

22

23

 :

 :

 :

Lituanie

22,4

20,5

21,1

21,1

20,4

28

25

27

26

26

Luxembourg

18,6

17,4

17,6

17,4

17,2

3

3

3

3

3

Hongrie

27,5

24,1

22,7

20,7

 :

84

76

73

68

 :

Malte

13,7

13,7

13,8

13,8

13,7

4

4

4

4

4

Pays-Bas

10,5

11,3

11,1

11,5

11,3

150

160

156

162

157

Autriche

8,2

10,2

10,3

9,6

9,5

49

60

61

56

56

Pologne

27,3

26,9

26,9

26,7

26,3

412

396

392

386

376

Portugal

40,1

34,3

34,6

35,0

35,4

158

129

131

133

135

Roumanie6

23,1

24,1

 :

 :

 :

185

191

 :

 :

 :

Slovénie6

21,9

19,9

19,8

19,8

19,8

16

14

13

13

13

Slovaquie

33,6

33,4

32,6

32,4

32,5

75

69

68

68

69

Finlande7

19,9

20,0

20,2

20,4

20,5

66

67

67

68

68

Suède

24,8

22,7

22,9

23,6

23,5

166

150

153

160

154

Royaume-Uni

20,3

19,5

18,9

 :

 :

922

879

850

 :

 :

Islande

11,5

10,3

10,4

10,4

10,5

4

3

3

3

3

Norvège

9,5

9,6

8,8

8,0

 :

37

36

33

29

 :

 : Données non disponibles

Source : Eurostat.

Taux de chômage corrigés des variations saisonnières ( %)

 

Hommes

Femmes

Mars 13

Déc 13

Jan 14

Fév 14

Mars 14

Mars 13

Déc 13

Jan 14

Fév 14

Mars 14

ZE18

11,9

11,7

11,7

11,7

11,7

12,1

12,0

12,0

12,0

12,0

UE28

10,9

10,5

10,5

10,5

10,4

10,9

10,7

10,7

10,6

10,6

Belgique

8,5

8,7

8,8

8,8

8,7

8,1

8,2

8,2

8,1

8,2

Bulgarie

14,2

14,1

14,1

14,0

14,0

11,7

12,1

12,1

12,1

12,1

Rép. tchèque

6,3

5,6

5,5

5,5

5,6

8,6

8,0

8,1

8,0

8,2

Danemark

6,6

6,6

6,6

6,4

6,1

7,5

7,6

7,3

7,4

7,0

Allemagne

5,7

5,5

5,4

5,4

5,4

5,0

4,8

4,8

4,8

4,8

Estonie

8,9

8,7

8,5

8,3

 :

8,7

8,0

7,9

7,3

 :

Irlande

15,7

13,4

13,2

13,2

13,1

11,3

10,3

10,2

10,2

10,3

Grèce

24,1

24,3

24,1

 :

 :

30,5

31,2

30,2

 :

 :

Espagne

25,9

24,9

24,8

24,7

24,6

26,8

26,3

26,2

26,0

26,1

France

10,5

10,2

10,3

10,4

10,4

10,2

10,3

10,4

10,4

10,4

Croatie

17,5

17,3

17,6

17,7

17,6

15,6

17,2

17,3

17,3

17,0

Italie

11,2

11,9

11,9

12,1

12,0

13,0

13,5

13,8

13,6

13,6

Chypre

15,0

18,0

17,2

17,6

18,4

14,5

15,8

15,8

16,1

16,4

Lettonie

13,7

12,3

 :

 :

 :

11,6

11,0

 :

 :

 :

Lituanie

14,3

12,2

12,5

12,8

11,9

10,5

9,7

10,2

10,2

9,7

Luxembourg

5,2

5,7

5,6

5,5

5,5

6,2

6,7

6,9

6,8

6,9

Hongrie

10,8

8,4

7,9

7,6

 :

10,4

9,1

8,6

8,3

 :

Malte

6,3

6,8

6,9

6,8

6,7

6,6

6,7

6,9

7,0

6,9

Pays-Bas

6,8

7,4

7,4

7,6

7,4

6,0

6,6

6,8

6,9

7,1

Autriche

4,9

4,8

4,8

4,8

4,9

4,8

5,3

5,1

4,9

4,9

Pologne

9,9

9,3

9,2

9,0

8,9

11,4

10,6

10,6

10,5

10,4

Portugal

17,6

15,0

14,9

15,0

14,9

17,1

15,7

15,6

15,5

15,5

Roumanie

7,7

7,9

7,8

7,7

7,8

6,6

6,5

6,5

6,6

6,4

Slovénie

10,2

9,2

9,1

9,0

8,8

11,3

10,5

10,6

10,6

10,7

Slovaquie

13,7

14,3

14,3

14,3

14,2

14,7

13,8

13,6

13,5

13,5

Finlande

8,8

8,9

8,9

9,0

9,0

7,3

7,8

7,8

7,9

8,0

Suède

8,4

8,1

8,4

8,3

8,3

8,3

7,9

7,9

7,9

7,8

Royaume-Uni8

8,1

7,4

7,1

 :

 :

7,2

6,7

6,5

 :

 :

Islande

5,8

5,6

5,7

5,6

5,6

5,3

5,0

5,1

5,1

5,1

Norvège

3,9

3,7

3,5

3,5

 :

3,4

3,7

3,5

3,5

 :

 : Données non disponibles

Source : Eurostat.

Selon les statistiques européennes, le taux de chômage des jeunes représentait dans l’Union à 28, en mars 2014, 22,8 % contre 9,3 % pour le chômage total. Plus inquiétant encore, les chances qu’un jeune sans emploi trouve un emploi sont faibles : seuls 29,7 % des jeunes de 15 à 24 ans au chômage en 2010 ont trouvé du travail en 2011. En effet, une des caractéristiques de l’emploi des jeunes est la difficulté d’insertion dans des marchés du travail caractérisés par de fortes inégalités entre « insiders » – salariés avec un contrat stable – et « outsiders » – travailleurs précaires ou chômeurs.

Le manque de stabilité caractérise ainsi souvent l’emploi des jeunes, pour qui l’accès à un travail stable et décent est très long. En Europe, en 2012, 42 % des jeunes salariés travaillaient dans le cadre d’un contrat temporaire (soit quatre fois plus que les adultes) et 32 % travaillaient à temps partiel (soit près de deux fois plus que les adultes). Selon les projections actuelles, le chômage des jeunes ne descendra pas au-dessous de 17 % avant 2016.

Les facteurs concourant à la montée du chômage des jeunes sont nombreux : démographie, précarisation de l’emploi avec la multiplication des stages souvent non rémunérés, départs à la retraite trop tardifs ou encore niveau de salaires trop élevé face à la crise.

Les jeunes qui ont abandonné prématurément leurs études ou leur formation constituent un groupe à risque : 55,5 % d’entre eux sont au chômage En 2013, 15,4 % des jeunes de 15 à 29 ans étaient sans emploi et ne suivaient ni études, ni formation.

Face aux difficultés à trouver un emploi, de plus en plus de jeunes se découragent ; 12,6 % des jeunes inactifs souhaitaient travailler mais ne cherchaient pas d’emploi au troisième trimestre 2012.

Paradoxalement, malgré la crise, plus de deux millions d’emplois sont vacants dans l’Union Européenne. Cette contradiction met en lumière des inadéquations importantes entre l’offre et la demande d’emploi.

Cette situation n’est pas propre à l’Union européenne.

Selon un rapport de l’Organisation Internationale du Travail publié en mai 2013 (3), 73 millions de jeunes seraient au chômage dans le monde. Ce taux, qui représente 12,6 % des jeunes en âge de travailler en 2013, est proche du sommet qu’il avait atteint durant la crise de 2008. Ce rapport souligne en outre l’existence d’une inadéquation persistante entre l’offre et la demande de main d’œuvre et la coexistence croissante de deux populations : une sur-éduquée et sur-qualifiée, qui s’insère relativement facilement sur le marché du travail mais parfois sur des postes en inadéquation avec ses compétences et faiblement rémunérés, et une sous-éduquée et sous-qualifiée, qui est tenue éloignée de l’emploi.

Or, le chômage de longue durée entraine aussi une obsolescence des compétences, préjudiciable pour les jeunes sur le moyen terme et le long terme, avec des conséquences néfastes pour leurs carrières et leurs rémunérations à moyen et long termes.

Enfin, l’inadéquation entre offre et demande de travail complique l’élaboration de solutions pérennes à la crise, tandis que la société perd les compétences des jeunes et le gain de croissance de la productivité qu’elle aurait réalisé si ces jeunes avaient été employés au niveau de qualification approprié.

Le coût personnel du non-emploi des jeunes est évident sur le plan de leur autonomie et de leur confiance en l’avenir ; mais le non-emploi des jeunes a aussi un coût collectif, en ce qu’il fragilise le contrat social et la cohésion entre les générations.

b. Les bons résultats de l’Allemagne, de l’Autriche ou des pays scandinaves contrastent fortement avec la situation dramatique des pays du Sud de l’Europe

En termes strictement financiers, le seul coût du non-emploi des jeunes éloignés du marché du travail – les NEET – s’élève à 100 milliards d’euros annuels pour l’Union à 28.

Si certains pays de l’Union parviennent à contenir le chômage des jeunes, d’autres connaissent des situations réellement dramatiques.

Certains pays ont obtenu de bons résultats

En Allemagne, le taux de chômage des 15-25 ans s’élevait en 2013 à 5,9 % – plaçant l’Allemagne dans une situation particulièrement favorable en Europe. Parmi eux, 44 % poursuivaient leurs études, 31 % avaient un emploi, 16 % suivaient une formation professionnelle.

La situation dans ce pays est toutefois contrastée puisque les Länder de l’Est voient ce taux passer à 9,4 % en moyenne, et s’élever à 11,4 % à Berlin, soit bien plus que le taux de 2,9 % dans le Bade-Wurtenberg.

Ces bons résultats s’expliquent notamment par la place prépondérante de l’apprentissage dans la formation des jeunes et par son efficacité en matière d’insertion professionnelle (cf. infra).

Le marché du travail en Autriche, où votre Rapporteur s’est rendu en mars dernier, se caractérise par la coexistence de bonnes performances tant pour le chômage global (4,9 % en mars 2014) que pour le chômage des jeunes, jusqu’à présent relativement contenu (9,5 % en mars 2014). Dans un pays au fort tissu de PME, notamment industrielles, et comme en Allemagne, le modèle autrichien, conjuguant grande flexibilité pour les entreprises, formation de qualité et protection des salariés, repose sur une forte implication des partenaires sociaux et des entreprises dans la formation des jeunes, en lien avec les besoins de l’économie. Des inquiétudes se font jour quant à la pérennité de ce modèle, du fait d’un certain désengagement des entreprises de par le ralentissement de leur activité économique (voir infra).

Les pays scandinaves (Finlande, Norvège, Suède, Pays-Bas) présentent aussi de relativement bons résultats en matière d’emploi des jeunes.

Au Sud de l’Europe, les jeunes, premières variables d’ajustement des marchés du travail sinistrés, vivent des situations dramatiques

En Espagne, où votre Rapporteur s’est rendu en février dernier, la situation est vécue par tous, élus, représentants syndicaux, membres de la société civile, comme extrêmement critique. Dans un pays doublement frappé par la crise de 2008 et l’éclatement de la bulle immobilière, le chômage, qui demeure au plus haut (près de 26 %), s’est transformé en chômage structurel pour de nombreux travailleurs : ex-salariés de la construction, du BTP et des travaux publics, ou seniors sans qualification. La pauvreté a progressé dans la population et les situations de détresse sont fortes, comme en témoignent le nombre important de personnes reçues par les associations. La situation est d’autant plus douloureusement vécue qu’avant la crise de 2008, grâce au « miracle espagnol », les taux de chômage, tant des jeunes que global, étaient proches de la moyenne européenne.

La critique du modèle européen tel qu’il se dessine après la crise est forte : le sentiment domine que les personnes ont été oubliées, que l’économie et les questions budgétaires ont primé, et que le projet européen, défenseur des droits de l’homme et des droits sociaux, a reculé.

La situation des jeunes est particulièrement préoccupante. Dans les années de prospérité économique, du fait notamment du boom de l’immobilier, beaucoup ont été incités à quitter leurs études pour travailler dans le secteur de la construction et du BTP, qui assurait de bons salaires aux jeunes peu qualifiés. Avec la crise de l’immobilier, ces jeunes sans qualifications se sont retrouvés sans emploi et sans possibilité de rebondir dans une autre filière.

De 18 %, en 2006, le chômage des jeunes a explosé à plus de 55 % en 2013. Il inquiète particulièrement l’ensemble des acteurs concernés, d’une part du fait de son niveau mais aussi, d’autre part, du fait du risque de désespérer toute une génération qui ne peut pas s’insérer sur le marché du travail et, de ce fait, ne parvient pas non plus à trouver sa place dans la société. En effet, on assiste actuellement à une désaffection, voire une défiance, vis-à-vis des institutions, qui peut se révéler inquiétante pour le fonctionnement de cette société démocratique. L’idée que les possibilités de bien-être et de prospérité pour les jeunes dans un futur proche et éloigné sont menacées est dominante.

En outre, au moment du déclenchement de la crise, les jeunes travailleurs espagnols ne bénéficiaient que rarement d’emplois de qualité, travaillant le plus souvent à temps partiel sur des contrats à durée déterminée. La législation espagnole jusqu’à date récente était en effet marquée par une dualité entre les contrats à durée indéterminée, très réglementés, notamment en matière d’indemnités de licenciement, et les autres contrats, très peu règlementés. Ce sont ces contrats qui étaient le plus utilisés pour employer les jeunes : 59 % des travailleurs des 16-24 ans et 42 % de ceux de 25-29 ans étaient ainsi en contrat temporaires en 2008.

Longtemps préoccupé par le sauvetage des banques, le Gouvernement espagnol a cependant réagi, et lancé entre 2010 et 2012 une réforme du marché du travail visant à lever les rigidités.

En 2012, le Gouvernement a un plan de réformes pour essayer de réduire les différences entre les CDI et les CDD, avec comme effet attendu un bénéfice pour les jeunes. Les indemnités de licenciement pour les CDI ont été réduites ; celles pour les contrats temporaires ont été accrues. Les contrats temporaires justifiés sur la base de l’accomplissement d’un travail de durée incertaine, comme les travaux de construction, sont désormais limités à une durée maximale de trois ans. D’autres mesures ont directement visé à réduire le taux de jeunes sans emploi : avantages fiscaux, réductions sur les contributions de sécurité sociale et subventions salariales pour les entreprises embauchant des jeunes. Cependant, ces réformes n’ont pas permis d’enrayer la hausse constante du chômage des jeunes, qui demeure à un niveau extrêmement élevé.

À l’issue du déplacement de votre Rapporteur, le sentiment qui prévaut est que le Gouvernement n’a que la baisse des charges sociales en tête, comme si celle-ci était la solution macroéconomique « miracle ». A l’inverse, il existe des initiatives au niveau micro-économique, comme celles de l’Institut de la jeunesse, l’INJUVE (4), qui cherche à développer les micro-projets, notamment dans le secteur des nouvelles technologies, pariant sur leur pérennité et leur développement. Les accords de formation avec l’Allemagne, qui propose de former en allemand des jeunes Espagnols pour pouvoir les intégrer aux cursus allemands d’alternance, ne sont pas vécus par les pouvoirs publics et les acteurs concernés comme une intrusion mais comme une chance pour la jeunesse espagnole, dont l’avenir est totalement obscurci sur son propre sol. L’expatriation est présentée comme une chance à saisir à court terme en attendant que la situation se redresse, dans l’espoir que le pays se redressera vite et que cette immigration « forcée » sera de courte durée. Ce sentiment n’est toutefois pas partagé par l’ensemble, comme l’ont montré les protestations publiques de certains groupes tels que les « Juventud sin futuro » (5)  jeunes sans futur – ou le mouvement des « Indignados » – »  Indignés » –, qui s’insurgent sur le fait que les jeunes générations soient condamnées à la précarité, au chômage ou à l’exil.

Le chômage des jeunes au Portugal a connu une forte croissance, passant de 16,1 % en 2005 à 37,7 % en 2012. Comme en Espagne, les raisons de ce fort chômage tiennent aux répercussions de la crise de 2008 ainsi qu’à la structure du marché du travail – fortes inégalités entre « insiders » et « outsiders » – qui laisse peu de perspectives aux nouveaux entrants. Le système de formation crée des diplômés qui ne trouvent pas à s’insérer sur le marché du travail. En outre, les mesures draconiennes d’assainissement des finances publiques – baisse des salaires, des pensions et des allocations – affectent toute la société. Il s’en suit un appauvrissement ainsi qu’une désespérance pour ces jeunes, qui, pour beaucoup, sont tentés par l’immigration. En 2012, 122 000 Portugais ont quitté leur pays pour le Brésil, le Canada, l’Allemagne, la France ou les pays lusophones d’Afrique : Angola, Cap-Vert, Mozambique. Leurs compatriotes ne leur en tiennent pas rigueur, à l’instar du Premier ministre Pedro Passos Coelho qui les a incités en 2012 à « laisser leur zone de confort » en allant chercher du travail à l’étranger.

Conséquence de la forte récession que subit la Grèce depuis six ans, le taux de chômage des 15-24 ans a dépassé en 2012 le seuil des 50 %, atteignant 55,3 % de cette population. La situation dans ce pays focalise toute l’attention de la communauté européenne et des pouvoirs publics grecs. Après le creux dans les chiffres du chômage des années 2000-2007, qui correspond à l’avènement de l’euro et à une période de faiblesse des taux d’intérêt ayant permis de soutenir artificiellement les économies, à coup d’investissements et de bulles diverses, le problème du chômage et notamment du chômage des jeunes a refait surface de manière tragique. De problème économique, il est devenu problème politique, les jeunes rejetant de plus en plus le système national ainsi que le projet européen dans son ensemble.

La récession a aussi fortement frappé l’Italie, imputant la structure de l’emploi, et notamment de l’emploi des jeunes ; mais l’’intégration des jeunes dans le marché du travail est une préoccupation ancienne. Bien avant 2008, les jeunes étaient durement touchés par le chômage, avec des taux de chômage trois fois supérieurs au taux de chômage global, et un taux de NEET supérieur à 20 %.

La géographie du chômage des jeunes en Italie atteste de fortes disparités régionales, entre les régions du Sud du pays et celles du Nord. Dans le Sud et les îles, le chômage des jeunes était supérieur à 30 % avant 2008, alors qu’il s’établissait à 15 % dans le Nord du pays.

L’une des raisons de ce fort chômage des jeunes, qui s’élevait à 35,3 % en 2012, tient dans la dualité du marché du travail. Les jeunes servant de variable d’ajustement en cas de difficultés économiques, et sont les premiers touchés par la crise. En 2013, les taux d’emploi s’établissaient à 16,3 % pour les 15-24 ans, 68,5 % pour les 25-54 ans et 42,7 % pour les 55-64 ans, avec un taux d’emploi global de 55,6 % ; entre 2008 et 2012, le taux d’emploi des jeunes de moins de 25 ans a baissé de 24 %, contre 1 % pour les adultes.

Les difficultés d’accès à l’emploi des jeunes italiens s’expliquent par ailleurs aussi par une inadéquation du système d’éducation et de formation aux besoins de l’économie, et notamment par la faiblesse du système d’apprentissage, ainsi que des réticences à la mobilité géographique de la part des jeunes ; rappelons que dans ce pays 81 % des jeunes hommes de 16 à 29 ans vivaient encore chez leurs parents en 2012. (6)

c. La France, bien qu’en situation médiane, n’échappe pas à une détérioration du marché de l’emploi des jeunes du fait de la crise

Le chômage des jeunes en France est un problème ancien, puisque depuis plus de trente ans, le taux de chômage des moins de 25 ans dépasse les 15 % et a régulièrement franchi la barre des 20 % ; il était en 2012 de 23,8 %, ce qui plaçait la France à un niveau médian en Europe et au sein des pays de l’OCDE.

TAUX DE CHÔMAGE DES JEUNES

 % de la population active des jeunes (15-24 ans)

 

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Australie

10,6

10,0

9,4

8,8

11,5

11,5

11,3

11,7

Autriche

10,3

9,1

8,7

8,1

10,0

8,8

8,3

8,7

Belgique

21,5

20,5

18,8

18,0

21,9

22,4

18,7

19,8

Canada

12,4

11,7

11,2

11,6

15,2

14,8

14,2

14,3

Chili

19,7

18,3

17,8

19,7

22,6

18,6

17,5

16,3

République tchèque

19,3

17,5

10,7

9,9

16,6

18,3

18,0

19,5

Danemark

8,6

7,7

7,5

8,0

11,8

14,0

14,2

14,1

Estonie

15,3

11,8

9,8

11,7

26,8

32,0

21,6

19,9

Finlande

18,9

17,6

15,7

15,7

21,6

20,3

18,9

17,8

France

20,6

21,6

19,1

18,6

23,2

22,8

22,0

23,8

Allemagne

15,2

13,6

11,7

10,4

11,0

9,7

8,5

8,1

Grèce

26,0

25,2

22,9

22,1

25,8

32,9

44,4

55,3

Hongrie

19,4

19,1

18,0

19,9

26,5

26,6

26,1

28,1

Islande

7,2

8,4

7,2

8,2

16,0

16,2

14,6

13,6

Irlande

9,8

9,9

10,3

12,4

25,5

28,3

29,9

33,0

Israël (1)

17,8

18,2

16,1

12,6

14,6

13,7

11,6

12,1

Italie

24,0

21,6

20,3

21,3

25,4

27,9

29,1

35,3

Japon

8,6

8,0

7,7

7,2

9,1

9,2

8,0

7,9

Corée

10,2

10,0

8,8

9,3

9,8

9,8

9,6

9,0

Luxembourg

13,7

16,2

15,2

17,9

17,2

14,2

16,8

18,8

Mexique

6,6

6,2

6,7

7,0

10,0

9,4

9,8

9,4

Pays-Bas

9,4

7,5

7,0

6,4

7,7

8,7

7,7

9,5

Nouvelle-Zélande

9,7

10,0

10,1

11,4

16,6

17,1

17,3

17,7

Norvège

12,0

8,6

7,3

7,5

9,2

9,3

8,6

8,6

Pologne

37,8

29,8

21,7

17,3

20,7

23,7

25,8

26,5

Portugal

16,1

16,2

16,6

16,4

20,0

22,3

30,1

37,7

République slovaque

29,9

26,6

20,1

18,8

27,3

33,6

33,2

34,0

Slovénie

15,9

13,9

10,1

10,4

13,6

14,7

15,7

20,6

Espagne

19,7

17,9

18,2

24,6

37,9

41,6

46,4

53,2

Suède

22,0

21,1

19,2

20,2

24,9

24,8

22,8

23,7

Suisse

8,8

7,7

7,1

7,0

8,4

7,8

7,7

8,4

Turquie

19,9

19,1

20,0

20,5

25,3

21,7

18,4

17,5

Royaume-Uni

12,2

13,8

14,2

14,1

19,0

19,3

20,0

21,0

États-Unis

11,3

10,5

10,5

12,8

17,6

18,4

17,3

16,2

OCDE-Total

13,4

12,6

12,0

12,7

16,7

16,7

16,2

16,3

(1) Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.

Source : Statistiques du marché du travail ; Données sur la marché du travail par sexe et âge : indicateurs, Statistiques de l’OCDE sur l’emploi et le marché du travail (base de données).

Les jeunes français rencontrent de réelles difficultés d’insertion sur le marché du travail. Au cours de l’année 2012, le taux d’emploi des jeunes a baissé de 0,8 point, la part de ceux au chômage a augmenté de 0,9 point, celle des jeunes ni en emploi ni en formation de 0,5 point. Le taux de chômage des jeunes a fortement augmenté depuis 2000, tandis que depuis 2006, une proportion croissante des jeunes de 15-29 ans en emploi sont non-salariés et qu’inversement, de moins en moins travaillent dans la fonction publique. Depuis 2008, un quart des emplois occupés par des jeunes de moins de 26 ans bénéficient d’une aide de l’État.

Cette situation s’explique notamment par une plus forte sensibilité au chômage : les jeunes sont en France une variable d’ajustement du marché du travail. Occupant plus souvent des emplois précaires, ce sont les premiers à pâtir de la raréfaction des emplois d’intérim et des contrats à durée déterminée. Le marché du travail français se caractérise en effet par la coexistence entre « insiders », qui bénéficient d’emplois de qualité et stables et « outsiders », occupant des emplois précaires. C’est dans ce dernier groupe que se trouvent la majorité des jeunes ; derniers entrés sur le marché du travail, ce sont aussi les premiers à en être éjectés en cas de ralentissement ou de difficultés économiques.

Dans une étude récemment rendue publique, le Céreq (7) a établi, qu’en 2013, 22 % des jeunes actifs étaient encore en recherche d’emploi trois ans après leur sortie du système éducatif, soit une hausse par rapport à la génération 2004 de 16 points pour les non-diplômés et de 3 points pour les diplômés de l’enseignement supérieur long. De fait, compte tenu des spécificités du fonctionnement du marché du travail français, les jeunes débutants sont doublement pénalisés : non seulement ils sont plus touchés lorsque la conjoncture économique se dégrade, mais, en outre, cela entraîne un impact de moyen et long terme sur l’ensemble de leur trajectoire professionnelle.

Selon l’étude précitée, les jeunes de la génération de 2010 ont ainsi passé plus de temps au chômage que ceux de la génération de 2004, soit en moyenne sept mois en recherche d’emploi – un mois de plus que ceux de la génération 2004. Environ 12 % des jeunes ont connu une trajectoire très éloignée de l’emploi – avec moins de 10 % de leur temps en emploi – soit quatre points de plus que pour la génération 2004.

En outre, et sans surprise, l’importance du diplôme en France détermine fortement les modalités d’insertion professionnelle et de déroulement de la carrière, mais aussi d’intégration sociale des jeunes.

Les enquêtes « Génération » du Céreq confirment régulièrement que plus le niveau de diplôme est élevé, plus il protège du chômage. Dans le contexte actuel de développement de l’économie de la connaissance, où par ailleurs les emplois peu qualifiés se raréfient – notamment dans l’industrie – cette situation est amenée à perdurer. En 2010, 75 % des jeunes sortis avec un master trois ans plus tôt avaient connu une trajectoire d’accès rapide et durable à l’emploi, contre la moitié des titulaires de CAP ou BEP.

Or, les jeunes peu ou pas diplômés sont le plus souvent issus de milieux populaires ; l’origine sociale impacte fortement le diplôme et l’accès à l’emploi, et un enfant d’ouvrier a presque autant de chance de sortir du système scolaire sans diplôme (24 %) que d’être diplômé du supérieur. Ceci pose des questions importantes en termes d’égalité sociale.

B. DES JEUNES MENACÉS DE PAUPÉRISATION : VERS UNE GÉNÉRATION SACRIFIÉE ?

1. Des jeunes Européens paupérisés dans un contexte d’augmentation constante de la pauvreté en Europe

a. L’Europe touchée par l’augmentation croissante de la pauvreté

En 2012, 124,5 millions de nos concitoyens européens, soit 24,8 % de la population, se sont retrouvés en situation de risque de pauvreté ou d’exclusion sociale (8), contre 24,3 % en 2011 et 23,7 % en 2008. Ces personnes étaient ainsi confrontées à au moins l’une des trois formes d’exclusion suivante : le risque de pauvreté, la situation de privation matérielle sévère, ou la vie dans un ménage à très faible intensité de travail.

Si on observe séparément chacun des trois éléments définissant le risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, on constate que 17 % de l’Union européenne à 28 en 2012 était en situation de pauvreté après prise en compte des transferts sociaux et que 10 % de la population était en situation de privation matérielle sévère, situation caractérisée par des conditions de vie limitées par un manque de ressources telles que l’impossibilité financière de régler les factures, de chauffer correctement son logement, de se nourrir correctement, ou de prendre une semaine de vacances en dehors du domicile.

Ces chiffres sont alarmants. Le risque de pauvreté n’a cessé de croître depuis 2008, avec une nette accélération en 2011 et 2012. Les conséquences de la crise économique et financière et des politiques d’austérité menées en Europe sont donc réelles ; entre 2008 et 2011, la frange de la population menacée d’exclusion sociale est passée de 23,7 % à 24,3 % soit une augmentation de 0,6 %. Les pays les plus touchés en 2012 étaient la Bulgarie (49 %), la Roumanie (42 %), la Lettonie (37 %) ainsi que la Grèce (35 %) ; à l’inverse, les plus faiblement touchés étaient les Pays-Bas et la République Tchèque (15 %), la Finlande (17 %), la Suède et le Luxembourg (18 %).

Selon l’Observatoire des inégalités, avec un seuil de pauvreté fixé à 50 % du niveau de vie médian, la France comptait 4,9 millions de pauvres en 2011 ; elle en comptait 8,7 millions avec un seuil à 60 % du niveau de vie médian. Dans le premier cas, le taux de pauvreté était de 7,9 % ; il était de 14,3 % dans le second. En 2011, le seuil de pauvreté, situé à 60 % du revenu médian pour une personne seule, était de 977 euros mensuels ; celui à 50 % de 81 euros.

En France, la pauvreté a baissé des années 1970 au milieu des années 1990. Elle est ensuite restée relativement stable jusqu’au début des années 2000. Depuis 2002, le nombre de personnes pauvres au seuil de 50 % a cependant augmenté de 1,1 million – soit de plus de 30 % – tandis que le nombre au seuil de 60 % progressait de son côté de 1,2 million – soit une progression de 16 %. Sur cette même période, les taux de pauvreté sont passés respectivement de 6,5 à 7,9 % et de 12,9 à 14,3 %.

Selon l’observatoire, le mouvement de hausse, de plus en plus net, constitue un tournant dans l’histoire sociale de notre pays depuis les années 1960. La dégradation économique enregistrée depuis 2008 pèse tout particulièrement sur les personnes les moins favorisées. Pour la seule période de 2008 à 2011, le nombre de pauvres au seuil de 50 % a augmenté de 584 000, et de 893 000 si l’on considère le seuil de 60 %.

Ce constat est corroboré par le Secours catholique dans son rapport annuel pour 2013 (9), qui souligne que la pauvreté en France continue de s’étendre, concernant de plus en plus de couples avec enfants, tandis que les plus fragiles ont de moins en moins accès à l’emploi.

En 2012, l’association humanitaire a rencontré 1,43 million de personnes, dont 672 000 enfants. La très grande majorité vivait sous le seuil de pauvreté (977 euros par mois en 2011), voire de très grande pauvreté (644 euros) ; près d’une personne sur six (17 %) ne disposait d’aucune ressource et 45 % ne vivaient que d’aides sociales.

Si les familles monoparentales (31 %) et les hommes seuls (24 %) représentaient toujours une part importante des bénéficiaires, la part des couples avec enfants était croissante (23 %). Un tiers des bénéficiaires étaient étrangers (dont 48 % avec un titre de séjour), avec des niveaux de vie encore plus faibles.

Les impayés liés aux dépenses contraintes, en hausse, ont touché près de 6 personnes sur 10, pour un montant mensuel médian de 797 euros. Il s’agissait principalement d’impayés liés au loyer, aux dépenses d’énergies et aux découverts bancaires. Le « reste à vivre » continue à se réduire, alors que le marché de l’emploi est quasiment inaccessible aux plus précaires ; parmi les bénéficiaires des aides de l’organisation, 18 % étaient des travailleurs pauvres et 37,5 % étaient au chômage, dont 26 % sans indemnité.

b. Des jeunes Européens paupérisés et menacés de déclassement

Les jeunes européens sont paupérisés par rapport à la génération qui les a précédés. En France, comme dans beaucoup de pays de l’Union, le taux de pauvreté, s’élevant à 20,1 % en 2008, est supérieur à la moyenne pour la tranche des 15-25 ans. Cette situation, qui perdure et s’accroisse depuis les années 1970, diffère de la période précédente, où la pauvreté touchait alors essentiellement les personnes âgées. Aujourd’hui, et contrairement à ce qui pouvait sembler dans les Trente Glorieuses être un mouvement naturel de l’histoire, la génération actuelle n’est plus à même de rêver de se voir offrir un avenir meilleur que la génération qui l’a précédée. Cette situation est porteuse de tensions entre les générations et de risques pour la cohésion sociale.

L’une des raisons de la paupérisation des jeunes provient de leur difficulté à obtenir un emploi stable et durable, auquel ils accèdent de plus en plus tardivement. Ce constat est d’autant plus vrai pour les jeunes peu ou non- diplômés ou qualifiés. En moyenne, les jeunes Français n’accèdent à un emploi stable qu’à 28 ans.

Dans l’ensemble de l’Union européenne, lorsque les jeunes travaillent, leur emploi est souvent moins stable ; ainsi, en 2012, 42 % des jeunes salariés travaillaient dans le cadre d’un contrat temporaire – soit quatre fois plus que les adultes – et 32 % travaillaient à temps partiel – soit près de deux fois plus que les adultes (10).

De fait, avant d’accéder à un emploi stable, les jeunes sont-ils contraints d’enchaîner contrats précaires, contrats courts, intérim, voire périodes de stages, de sorte que l’essentiel de la flexibilité du marché du travail repose sur eux. En 2009, la moitié des salariés embauchés en France en CDD, en stage ou en apprentissage avait moins de 29 ans, alors que la moitié des salariés recrutés en CDI avait plus de 43 ans.

Cet accès difficile à l’emploi a des conséquences sur l’autonomie des jeunes, qui, disposant de ressources financières limitées, sont amenés à dépendre financièrement de leurs parents plus longuement. En 2010, seuls 35 % des étudiants français touchaient une rémunération d’activité, soit en moyenne 619 euros par mois.

Afin de permettre la poursuite des études ou de soutenir la phase de transition vers un emploi stable, l’aide financière des parents reste essentielle. La France est à ce titre l’un des pays de l’Union où les parents soutiennent le plus le paiement du logement de leurs enfants étudiants (à hauteur de 61 % en moyenne), tandis qu’aux Pays-Bas, en Suède ou en Finlande, la prise en charge s’élève respectivement à 5 %, 22 % et 23 %, du fait d’une implication plus forte de l’État dans le financement de la vie étudiante. En France, dans les familles les moins fortunées, l’accession à un logement autonome pour les étudiants est souvent difficile et conduit à une cohabitation entre parents et enfants qui obère l’autonomisation des jeunes, ceux-ci se retrouvant de facto dans une situation infantilisante.

Par ailleurs, comme l’a souligné l’OCDE (11), les jeunes étant rentrés sur le marché du travail au plus fort la crise ont de grandes chances d’en subir les conséquences tout le long de leur carrière, par « effet cicatrice » : plus le chômage dure, plus le salaire à l’embauche est tiré à la baisse, ce qui engendre un retard dans l’échelle des salaires qu’il sera difficile de combler.

Comme l’expriment les auteurs de l’étude OCDE précitée, « perdre son emploi dans un marché du travail sans vigueur, alors que les offres d’emploi sont rares et que la compétition est intense entre demandeurs d’emploi, est une situation difficile à gérer pour tous les travailleurs. Mais pour les jeunes défavorisés qui n’ont pas acquis de savoir de base, ne pas arriver à trouver ou garder un premier emploi peut avoir des conséquences négatives à long terme sur leurs perspectives de carrière (…). Au-delà des effets négatifs sur leur futur salaire ou sur leur employabilité, de longues périodes sans emploi pendant la jeunesse créent souvent des stigmates permanents de par leur effet négatifs plusieurs années après sur différents aspects de la vie comme le bonheur, la satisfaction au travail ou la santé ».

Les difficultés d’insertion dans la vie professionnelle touchent l’ensemble de la jeunesse européenne. Néanmoins, leur accès à l’autonomie varie d’un pays à un autre. Cette différence est notamment le fruit de politiques publiques et de cultures différentes.

Dans les deux tiers des pays de l’OCDE, comme dans beaucoup de pays de l’Union, les jeunes à la sortie de l’école n’ont pas droit à des allocations chômage, et n’ont pas toujours droit à l’aide sociale et aux revenus minimum.

En France, les aides publiques visent principalement à soutenir les familles et non à autonomiser le jeune ; en outre, les minima sociaux ne sont pas accessibles en dessous de 25 ans (malgré les dérogations qui ont été apportés en 2010).

À l’inverse, dans les pays du Nord, les jeunes encore scolarisés bénéficient d’une autonomie grâce au financement public de la vie étudiante, comme par exemple le Bafög en Allemagne ou grâce à l’existence d’un revenu minimum dès l’âge de 18 ans, pour les non scolarisés. De même, en Finlande, tout étudiant a accès au dispositif global d’aide financière, dont l’objectif est d’apporter aux étudiants un soutien financier pour assumer les coûts relatifs à leurs études, l’État considérant que cela n’est pas de la responsabilité des parents mais de la sienne. Cette aide est constituée d’une bourse d’étude, d’une aide au logement, ainsi que d’une garantie du Gouvernement pour les prêts étudiants. Pour en bénéficier, les étudiants, qui travaillent souvent pour financer leurs études, ne doivent pas travailler plus de 20 heures par semaine. Par ailleurs, le montant de ces aides, universelles, dépend de la situation financière des parents et du cycle d’étude des étudiants.

Tous les pays de l’Union n’ont pas la même politique concernant l’accès des jeunes au revenu minimum. Les pays membres peuvent ainsi être classés selon leur tendance à restreindre ou non l’octroi d’une telle aide, comme cela ressort d’une étude effectuée par l’Insee en 2012. (12)

La France et le Luxembourg, pays les plus restrictifs, excluent les jeunes de moins de 25 ans du bénéfice du revenu minimum garanti pour leur propre compte, sauf s’ils ont la charge d’un enfant.

La majorité des pays européens, dont l’Allemagne, l’Autriche, l’Irlande, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède ouvrent l’accès au revenu minimum garanti pour leur compte propre aux jeunes vivant en dehors du foyer parental, s’ils ne sont pas étudiants. S’ils vivent dans le foyer parental, le revenu minimum est aussi délivré à l’ensemble du ménage.

Enfin, au Danemark, en Finlande et aux Pays-Bas, les jeunes majeurs non étudiants peuvent bénéficier du revenu minimum garanti dès lors que leurs propres ressources sont en dessous d’un plafond, même s’ils habitent avec leurs parents. Au Danemark, l’allocation versée est toutefois réduite pour les jeunes de 18 à 24 ans, et elle est de surcroît divisée par deux pour les jeunes qui vivent chez leurs parents. Aux Pays-Bas, les jeunes demandant le revenu minimum sont prioritairement orientés vers l’emploi ou la reprise d’études.

Enfin, l’Espagne et l’Italie ne peuvent être classées dans aucune des trois catégories précédentes en raison de la décentralisation de leur dispositif de revenu minimum garanti. Toutefois, l’Espagne prévoit une condition d’âge 25-65 ans pour le bénéfice du revenu minimum.

Dans de nombreux pays de l’Union, les étudiants travaillent parallèlement à leurs études. Le nombre d’étudiants actifs est toutefois très variable selon les pays : ceux-ci représentent ainsi 40 % des moins de 25 ans aux Pays-Bas et au Danemark, contre 7 % en France, selon une étude du Conseil d’orientation de l’emploi.

Les jeunes issus des pays nordiques sont en effet très incités à rechercher des expériences professionnelles variées pendant leur formation et à gagner en autonomie tout en continuant leurs études.

Il s’agit là d’une différence culturelle majeure avec d’autres pays, qui s’explique par la place centrale du projet professionnel dans le déroulement des études mais aussi du développement personnel, qui passe par la possibilité d’articuler diverses périodes d’études ou d’activité, y compris via l’expatriation. A l’inverse, en France, où les jeunes commencent et terminent plus tôt leurs études, les titres scolaires et universitaires, ainsi que les études dites élitistes ont une place importance. Cet environnement n’incite pas particulièrement à faire des pauses pour enrichir son expérience professionnelle ou à se développer personnellement.

2. La fuite des cerveaux en France : mythe et réalités

a. Partir quand on est jeune diplômé : peur de l’avenir ou désir d’acquérir une expérience internationale ?

On évoque de manière récurrente une fuite massive des cerveaux, qui mettrait en péril le dynamisme de notre économie. La situation économique actuelle et les difficultés rencontrées par les jeunes sur le marché du travail induisent certes du pessimisme chez certains jeunes, et notamment les jeunes diplômés des grandes écoles, mais la réalité est plus nuancée.

Selon le journal Le Figaro (13), qui s’appuie sur un sondage effectué pour le compte de l’Observatoire des grandes écoles auprès de treize grandes écoles, près d’un étudiant français sur cinq en dernière année dans ces écoles postulera exclusivement à l’étranger à la fin de ses études, soit 17 %, dont 6 % « par pessimisme face aux opportunités professionnelles en France » – ils sont 34 % à envisager un départ pour booster leur carrière et 60 % à l’envisager par « choix de vie. » De fait, parmi les jeunes qui quittent la France, les plus diplômés sont en proportion les plus nombreux ; pour les non-diplômés, le taux d’expatriation ne dépasse pas 0,04 %, contre 2,1 % pour le titulaire d’un doctorat, soit plus de 50 fois plus.

Il faut noter que 15 % des jeunes diplômés avaient commencé leur carrière à l’étranger en 2013. Mais ce phénomène n’est pas forcément le signe d’une fuite, et plus que d’expatriation, il s’agit là d’une mobilité motivée par l’acquisition d’une expérience internationale utile dans une économie ouverte et mondialisée. Les profils internationaux tendent en effet à devenir la règle, et comme l’a indiqué M. Pascal Faure, directeur général de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) au ministère de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique à la commission d’enquête sur l’exil des forces vives de France (14), « les jeunes voient le monde autrement que leurs aînés, surtout les jeunes diplômés. Aujourd’hui, dans un cursus de formation, aller à l’étranger est naturel et indispensable. Cela est même sain, car cela correspond aux standards internationaux. La culture internationale des jeunes est importante et vient conforter l’envie classique de découvrir le monde. »

Ce constat est corroboré par une étude du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po, publiée en mars 2014 (15) ; ses deux auteurs, MM. Pierre-Henri Bono et Etienne Wasmer estiment qu’il n’y a pas en France de fuite massive des personnes les plus qualifiées, et que la France est même parmi les pays de l’OCDE les moins touchés par ce phénomène.

b. Une mobilité des jeunes Français qui s’inscrit dans un contexte de mutation de l’expatriation en France comme à l’échelle internationale

Cette mobilité des jeunes français s’inscrit dans un contexte de mutation de l’expatriation, tant de par son augmentation que de par son changement de nature.

À l’échelle internationale, on recense aujourd’hui 232 millions de migrants, c’est-à-dire de personnes vivant durablement en dehors de leur lieu de résidence habituel ; ce nombre a augmenté de 65 % dans les pays du Nord et 34 % dans ceux du Sud au cours des dix dernières années. Il est à noter que l’immigration de travail ne représente qu’une faible partie de l’immigration totale, soit 5 % en 2010 dans l’ensemble du monde ; l’essentiel des phénomènes migratoires est, en effet, lié à des raisons familiales ou concerne des étudiants.

Partout la mobilité internationale est de moins en moins perçue dans les pays d’origine comme une fuite de cerveaux mais comme un atout, puisqu’elle permet l’acquisition de formations et d’expériences, très valorisées au sein des élites notamment. (16)

S’agissant de la France, on observe le même phénomène d’accélération des flux, même si ceux-ci ne sont pas toujours bien recensés, l’immatriculation des Français installés à l’étranger n’étant pas obligatoire. Cette accélération est liée à un phénomène de rattrapage, la France étant plus faiblement concernée par l’expatriation que ses partenaires européens.

On recensait ainsi 1,6 million de Français expatriés en 2013, auxquels s’ajoutent, selon les estimations, 500 000 non-inscrits, soit plus de 2 millions au total. Ce nombre s’est accru d’un tiers ces dix dernières années et a doublé en vingt ans. Selon le Quai d’Orsay, l’expatriation des Français augmente depuis dix ans de 3 à 4 % par an et concerne davantage les jeunes et les profils qualifiés. Ainsi, plus de la moitié des 1,5 à 2 millions de Français installés à l’étranger possède un niveau master ou doctorat.

La tendance est régulière et ne révèle ni rupture ou fort infléchissement. Dans plus de la moitié des cas, les expatriés Français vivent dans des pays de l’Union européenne. Le taux d’immigration des Français est par ailleurs de 2,9 %, contre 5,2 % pour les Allemands, 7,6 % pour les Britanniques et 6 % pour les Italiens, pays qui connaissent également une croissance de l’expatriation.

Une enquête de la Chambre de commerce de Paris et d’Ile-de-France, publiée en mars 2014 (17), conforte ces données. Il ressort de cette enquête plusieurs constats :

- si la tendance à l’expatriation des français s’accentue, le phénomène est moins marqué que dans les pays voisins. Ainsi, la population des Français à l’étranger est estimée de 1,5 à 2 millions avec une croissance annuelle de 3 à 4 % depuis 10 ans. Mais l’idée d’un mouvement massif de fuite des talents, spécifique à la France, ne semble pas correspondre à la réalité ;

- il y a bien un changement majeur de comportement des jeunes générations, avec une nette accélération de leur mobilité, ce qui est une caractéristique marquante de ce début de XXIème siècle, bien qu’on ne puisse, pour l’instant, parler de développement de l’émigration permanente mais simplement d’augmentation de la mobilité globale ;

- en outre, la crise économique a transformé structurellement la population des expatriés français, qui sont devenus plus indépendants, avec un moindre recours aux contrats d’expatriation et de détachement et un accroissement de l’entrepreneuriat. Ainsi, 2 sur 10 expatriés sont créateurs d’entreprises contre 1 sur 10 il y a 10 ans ;

- enfin, plus de la moitié des mouvements d’expatriation se fait vers des pays européens, ce qui semble participer de la création d’un espace commun au sein de l’Union, et attester de l’émergence d’une citoyenneté européenne.

c. Erasmus confirme les vertus de la mobilité étudiante sur l’insertion professionnelle des jeunes

Selon une étude réalisée par des experts indépendants, rendue publique le 22 septembre 2014 par Mme Androulla Vassiliou, commissaire européenne à la Culture, l’Éducation, au Multilinguisme et à la Jeunesse, les jeunes diplômés qui ont acquis des compétences et une expérience à l’étranger grâce au programme Erasmus ont sensiblement plus de chances et de meilleures aptitudes que les étudiants non mobiles pour trouver un emploi et pour accéder à des postes à responsabilité dans leurs pays d’origine ou à l’étranger.

Ils sont par ailleurs plus nombreux à vouloir créer leur entreprise et ont plus de facilité à partir vivre à l’étranger ou à partager leur vie avec une personne d’une autre nationalité.

En outre, leur probabilité de devenir chômeur de longue durée est deux fois moins importante que celle des étudiants non mobiles et leur taux de chômage cinq ans après l’obtention de leur diplôme est inférieur de 23 % à celui de leur camarade restés dans leurs pays.

Par ailleurs, côté employeurs, les étudiants passés par la filière Erasmus sont perçus comme présentant plus souvent des compétences transversales recherchées (curiosité, aptitude à résoudre des problèmes, tolérance, ouverture d’esprit, confiance en soi) ; 64 % d’entre eux voient dans l’expérience internationale un atout important pour le recrutement, et estiment qu’une expérience internationale ouvre la voie à davantage de responsabilité dans l’entreprise.

Enfin, Erasmus aide au développement de l’esprit d’entreprise : un dixième des stagiaires Erasmus créent leur propre entreprise et les trois-quarts l’envisagent.

Erasmus et Erasmus + : démocratiser la mobilité des jeunes

Créé en 1987, programme phare de la construction européenne, Erasmus contribue à la réalisation d’un espace européen de l’enseignement supérieur en poursuivant plusieurs objectifs tels que l’amélioration de la qualité et le renforcement de la dimension européenne de l’enseignement supérieur, l’accroissement de la mobilité des étudiants, des enseignants et du personnel universitaire, le renforcement de la coopération multilatérale entre établissements d’enseignement supérieur et entre établissements d’enseignement supérieur et entreprises, et la transparence et la reconnaissance des qualifications acquises dans l’enseignement supérieur et la formation professionnelle supérieure en Europe.

Erasmus favorise les actions de mobilité en Europe pour les étudiants – périodes d’études ou de stage –, le personnel enseignant – mission d’enseignement –, ainsi que l’ensemble des personnels des établissements d’enseignement supérieur – périodes de formation.

Erasmus facilite également la coopération entre établissements d’enseignement supérieur par l’élaboration de programmes intensifs, de réseaux, et de projets multilatéraux. En France, la totalité des universités françaises participent aujourd’hui à Erasmus, ainsi que la plupart des établissements d’enseignement supérieur non universitaires, comme les lycées, qui assurent des formations de type BTS.

Depuis 2013, Erasmus a donné son nom au programme intégrateur Erasmus +, dont l’objectif global, au-delà de l’enseignement supérieur, est de faire que plus de quatre millions de personnes puissent bénéficier d’une aide pour aller étudier, suivre une formation, travailler ou faire du bénévolat à l’étranger, dont deux millions d’étudiants de l’enseignement supérieur, 650 000 étudiants en formation professionnelle ou en apprentissage et plus de 500 000 jeunes désireux de participer à des échanges ou de faire du bénévolat à l’étranger.

Outre sa nouvelle appellation intégratrice, Erasmus + entend rationaliser l’instrument qui était jusqu’alors en vigueur. Le précédent programme pour l’Éducation et la Formation tout au long de la vie (EFTLV) se déclinait en effet en 6 sous-programmes – dont Erasmus – et poursuivait 50 objectifs et plus de 60 actions. Désormais, le nouveau programme Erasmus + regroupe l’ensemble des programmes actuels de l’Union européenne en faveur de l’éducation, de la formation, de la jeunesse et des sports, notamment le programme EFTLV (Erasmus, Leonardo da Vinci, Comenius, Grundtvig), le programme « Jeunesse en action » et cinq programmes de coopération internationale comme Erasmus Mundus, Tempus, Alfa, Edulink et le programme de coopération avec les pays industrialisés. Il se décline ainsi en trois piliers – l’éducation et la formation, la jeunesse, et le sport.

Pour la période 2014-2020, le nouveau programme Erasmus +, pour lequel le Gouvernement français s’est fortement engagé lors des négociations budgétaires et techniques, a été doté d’un budget de 14,2 milliards d’euros auxquels s’ajoutent 1,7 milliard pour sa dimension internationale, soit 40 % de plus que les programmes précédents. Il devrait donner la possibilité de séjourner à l’étranger – Union européenne et pays tiers – à environ 4 millions de jeunes et d’enseignants : 2 millions d’étudiants de l’enseignement supérieur, 650 000 du secondaire et de l’enseignement professionnel, 800 000 membres du personnel enseignant et 500 000 jeunes dans le cadre du volontariat, et permettre de cautionner les prêts de plus de 200 000 étudiants de master.

Sources : http ://www.europe-education-formation.fr/page/erasmus, et Sandrine Doucet, Rapport d’information no 1840 sur la démocratisation d’Erasmus, Assemblée Nationale, 4 mars 2014.

II. LA DIFFICILE INSERTION DES JEUNES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL

A. DES DIFFICULTÉS D’INSERTION DUES À L’INADÉQUATION ENTRE L’OFFRE DE FORMATION ET LES BESOINS DU MONDE ECONOMIQUE

1. Si le niveau de diplôme détermine l’insertion dans le marché du travail dans l’ensemble des pays de l’OCDE comme en France…

a. Le niveau de diplôme détermine l’insertion dans le marché du travail dans l’ensemble des pays de l’OCDE…

Dans les pays de l’Union européenne, comme dans tous les pays de l’OCDE, plus les élèves ont poursuivi leurs études, plus les taux d’emploi sont élevés. Ainsi, les taux de chômage sont trois fois plus élevés chez les individus qui ne sont pas diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire (18) (13 % en moyenne dans les pays de l’OCDE) que chez les diplômés de l’enseignement tertiaire– 5 %.

En Allemagne, bien que le taux de chômage moyen des 15-25 ans soit faible, l’insertion dans le monde professionnel des jeunes est toutefois tributaire de leur niveau de diplôme, les jeunes sans qualification formant 46 % des chômeurs de cette tranche d’âge. Il convient de noter toutefois que les jeunes travaillent essentiellement à temps partiel – à 82 % – et que les jeunes issus de l’immigration sont moins diplômés que les Allemands de souche, puisque 52 % d’entre eux n’ont aucune qualification professionnelle.

Les économies des pays développés sont tributaires d’une offre suffisante de travailleurs hautement qualifiés, et des taux de chômage élevés peuvent signaler une inadéquation entre le niveau de formation de la population et la demande de compétences sur le marché du travail. Depuis le début de la crise de 2008, ce sont les individus non diplômés de l’enseignement secondaire qui ont été le plus durement touchés par le chômage, leur taux de chômage grimpant de 8,8 % en 2008 à 12,6 % en 2011.

Les diplômés de la filière professionnelle du deuxième cycle de l’enseignement secondaire sont plus susceptibles de travailler – 76 % – que ceux de la filière générale – 70 % –, et sont de ce fait aussi moins susceptibles d’être au chômage – 7,4 % contre 8,4 %. Il convient toutefois de noter de fortes variations selon les pays : c’est ainsi le cas au Danemark, en Hongrie, ou en Slovénie mais n’est pas le cas en France, en Suède, en Grèce ou en Irlande.

Par ailleurs, la probabilité de travailler à temps plein augmente avec le niveau de formation : au sein de l’OCDE, si 64 % des non-diplômés du second cycle d’enseignement secondaire travaillent à temps plein, celui-ci concerne 71 % des diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire et 75 % des diplômés de l’enseignement tertiaire.

b. … tout comme en France

Face à la crise, le fossé dans l’accès à l’emploi des jeunes se creuse en France aussi en fonction du niveau de diplômes. (19)

Malgré les difficultés engendrées par la dégradation de la conjoncture économique, la majorité des jeunes continue d’accéder rapidement à l’emploi : 62 % y accèdent en moins de trois mois. Fait notable et positif : les conditions d’emploi des jeunes ne se dégradent pas de manière significative. En effet, la part des emplois atypiques dans l’emploi des jeunes diplômés reste stable. Entre 2004 et 2010, la part d’emploi à temps partiel contraint est demeurée à 9 %. Un tiers des jeunes ayant obtenu un emploi est directement recruté en emploi à durée indéterminée ; au bout de trois ans, ils sont deux tiers dans cette situation, soit une stabilité par rapport à la génération de 2004. Enfin, les conditions salariales sont restées comparables, puisque la moitié des jeunes de la génération 2010 a débuté avec un salaire mensuel net supérieur à 1 340 euros, soit un salaire supérieur de 70 euros à celui de leurs ainés, inflation comprise.

Toutefois, les non-diplômés demeurent les plus touchés par le chômage. Ceci n’est pas surprenant, l’absence de diplôme ayant été identifiée depuis le début des années 1970 et la montée du chômage de masse comme un frein majeur à l’insertion professionnelle. De fait, lorsque la conjoncture se dégrade, les jeunes non-qualifiés subissent la concurrence des jeunes qualifiés sur des emplois qui devraient normalement leur être destinés. En 2013, plus d’un jeune actif non-diplômé sur deux se déclarait en recherche d’emploi trois ans après la sortie du système éducatif, soit une hausse de seize points par rapport à la génération 2004. Mais, surtout, les jeunes non-diplômés ont passé en moyenne quatorze mois au chômage, soit deux fois plus de temps que l’ensemble des jeunes tous niveaux confondus, et ont ainsi passé dans les trois ans qui suivent leur sortie du système scolaire autant de temps au chômage qu’en emploi.

En outre, ces jeunes doivent plus que les autres faire face à une précarisation des conditions d’emploi : seuls quatre sur dix d’entre eux avaient un emploi à durée indéterminée trois ans après la sortie du système de formation, tandis qu’ils étaient 18 % à être dans un emploi à temps partiel contraint – contre 14 % pour la génération 2004.

Alors que la mise en place progressive du LMD entre 2003 et 2006 a incité les étudiants à prolonger leurs études jusqu’au niveau licence, master ou doctorat, réduisant les sorties aux niveaux bac +2 et bac +4, le nombre de jeunes sortant sans diplômes représentaient encore 16 % de la génération 2010 – contre 18 % pour la génération 2004 – et ce en dépit de l’objectif, fixé au niveau européen, de réduction de leur nombre.

2. … les élèves sont toutefois souvent mal préparés au monde du travail et l’offre de travail ne concorde pas toujours avec la demande de travail

Le progrès technologique rapide a transformé les besoins sur le marché du travail, alors même que les entreprises évoluent sur un marché mondial où la concurrence fait rage. Au total, au niveau mondial, ce sont les travailleurs les plus instruits ou possédant des compétences spécifiques qui sont les plus demandés, tandis que les travailleurs peu qualifiés risquent davantage de voir leur emploi automatisé.

Or, selon un rapport récent de l’OCDE (20), un élève sur cinq ne serait pas préparé au monde du travail. Mesurant les performances dans l’enquête PISA 2012 de près de 85 000 jeunes de 15 ans dans 44 pays de l’OCDE, l’organisation a jugé que « les élèves âgés de 15 ans aujourd’hui qui ont une capacité médiocre en résolution de problèmes seront demain des adultes qui auront des difficultés à trouver et garder un emploi. Les décideurs et les éducateurs devraient refondre les systèmes éducatifs et les programmes d’enseignement de manière à aider les élèves à développer les capacités de résolution des problèmes dont ils auront de plus en plus besoin dans les économies contemporaines ». Les pays asiatiques sont à cet égard en tête du classement, tandis que neuf pays de l’Union européenne, dont la France, réalisent un score au-dessus de la moyenne de l’OCDE aux côtés du Canada, des États-Unis et de l’Australie : Finlande, Royaume-Uni, Estonie, France, Pays-Bas, Italie, République Tchèque, Allemagne et Belgique.

Dans les pays où les filières professionnelles sont performantes et parviennent à assurer une bonne insertion des élèves sur le marché du travail, il apparaît que les élèves acquièrent des compétences spécifiques qui sont directement demandées par les employeurs. En revanche, les compétences acquises dans les filières générales de second cycle de l’enseignement secondaire sont moins étroitement associées aux besoins des marchés du travail ; c’est pourquoi les diplômés du second cycle général ont-ils plus de mal à s’insérer sur le marché du travail que ceux du second cycle professionnel.

B. LES DÉCROCHEURS : UNE POPULATION DE JEUNES PARTICULIÈREMENT VULNÉRABLE, UN DEFI POUR LES POLITIQUES PUBLIQUES

1. Les « NEET » : une population socialement prédéterminée, des coûts individuels et collectifs particulièrement élevés

Le décrochage des jeunes recoupe des réalités multiples : sortie avant terme d’un cursus de formation, sortie du système scolaire avant diplôme, échec dans l’enseignement supérieur ou rupture du contrat d’apprentissage.

Les jeunes décrocheurs sont communément désignés par l’acronyme « NEET », issu de l’anglais « not in employment, education or training ». Il s’agit en effet des jeunes – généralement entendus de 15 à 24 ans ou de 15 à 29 ans selon les études ou les institutions– qui, indépendamment de leur niveau d’éducation, ne sont ni employés, ni étudiants, ni en formation ; ceux-ci composent un groupe relativement hétérogène qui pose aux pouvoirs publics des difficultés majeures quant aux moyens à mettre en œuvre pour assurer leur retour sur le marché du travail ou dans le système éducatif.

L’Union européenne en compte 14 millions (21), soit 15,4 % de la classe d’âge. Ce pourcentage, qui varie fortement d’un pays à l’autre, s’élevait ainsi en octobre 2012 (22)à 5,5 % aux Pays-Bas, 6,6 % au Luxembourg, 7,6 % au Danemark, 7,8 % en Suède, ainsi qu’à 21,1 % en Espagne, 22 % en Irlande, 22,7 % en Italie et 24,6 % en Bulgarie.

Du fait de l’accroissement du chômage des jeunes, les NEET sont devenus un objet d’étude des chercheurs, ce qui nous permet de connaître les facteurs qui accroissent le risque de devenir un NEET :

- le fait d’être issu d’un ménage à faible revenu ;

- le fait de vivre dans une région reculée (1,5 fois plus de risque) ;

- le fait d’être issu de l’immigration (+ 70 % de risque) ;

- le fait d’avoir des parents dont le niveau d’éducation est faible (+ 50 % de risque) ;

- le fait d’être atteint d’un handicap (+ 40 % de risque) ;

- un faible niveau d’éducation (+ 1/3 de risque) ;

- le fait d’avoir des parents divorcés (+ 30 % de risque) ;

- le fait d’avoir des parents qui ont connu le chômage (+ 17 % de risque).

Si les NEET ne doivent pas être compris comme une population homogène mais comme un ensemble de sous-groupes tous ont en commun de ne pas accumuler de capital humain par les voies traditionnelles et d’être ainsi susceptibles de demeurer de manière structurelle dans le « non-emploi ». De ce fait, de problème individuel, le décrochage devient un problème collectif.

2. Le décrochage : un problème pour le jeune, un problème pour la société

Le chômage précoce des jeunes produit tout d’abord des effets sur leur employabilité à long terme. Plus un jeune quitte tôt les études ou la formation et plus il rentre tard dans la vie professionnelle, plus il aura du mal à obtenir un emploi de qualité et correctement rémunéré et risque d’être relégué dans des emplois précaires : « la forte dégradation des perspectives d’emploi des jeunes durant la crise est particulièrement préoccupante car l’expérience du chômage et les difficultés sur le marché du travail rencontrées par les jeunes au début de leur vie active peuvent compromettre leur parcours professionnel à long terme et leurs perspectives de gains futurs (on parle d’ »  effet stigmatisant ») (23). »

Le fait d’être un NEET peut en outre s’accompagner d’une série de conséquences plus globales telles que la désaffection à l’égard de l’emploi, l’isolement, la délinquance juvénile, les troubles de la santé physique ou mentale, ou la désaffection à l’égard des institutions.

Les décrocheurs entraînent également un coût très lourd pour l’économie, évalué en détail en 2011 par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (24).

Pour la Fondation, le coût des NEET de 16 à 29 ans résulte de la somme des coûts en ressources – manques à gagner – et des coûts sur le plan des finances publiques – excédents de transferts ; elle estime qu’en 2011 et pour l’Union à 21 pays, l’absence des NEET sur le marché du travail coûtait 2 milliards d’euros par semaine à leurs concitoyens, soit un total annuel de 100 milliards d’euros – correspondant à 1 % du PIB cumulé – se répartissant entre 94 milliards de manque à gagner et 7 milliards d’euros d’excédents de transfert.

Au niveau national, l’Italie payait la note la plus élevée – 26 milliards d’euros –, suivie par le Royaume-Uni – 16 milliards ; relativement au pourcentage du PIB, l’Irlande et la Bulgarie étaient les plus touchées – plus de 2 % du PIB –, suivies par l’Italie – 1,7 %. A l’inverse, le coût des NEET était relativement limité pour le Luxembourg – 0,34 % du PIB – et l’Allemagne – 0,65 %.

COÛT ANNUEL DU GROUPE NEET (PAR NEET ET AU TOTAL)

Pays

Total des coûts en ressources (en milliards d’euros)

Total des coûts liés aux finances publiques (en milliards d’euros)

Total des coûts imputables aux NEET (en milliards d’euros)

Coût des NEET en part du PIB (en %)

AT

2,876

0,235

3,111

1,1

BE

3,437

0,734

4,171

1,2

BG

0,928

0,006

0,934

2,6

CV

0,220

0,009

0,229

1,3

CZ

1,699

0,034

1,733

1,2

DE

13,850

2,259

16,109

0,7

EE

0,231

0,006

0,238

1,5

ES

10,472

0,935

11,406

1,1

HU

1,580

0,085

1,665

1,6

IE

3,335

0,510

3,845

2,1

IT

26,237

0,304

26,631

1,7

LT

0,258

0,014

0,272

0,8

LU

0,123

0,012

0,135

0,3

LV

0,313

0,011

0,324

1,4

NL

4,497

0,217

4,714

0,8

PL

5,020

0,365

5,386

1,5

PT

1,844

0,093

1,937

1,1

RO

1,170

0,031

1,201

0,9

SI

0,339

0,004

0,344

0,9

SK

0,553

0,022

0,575

0,9

UK

14,817

1,545

16,363

0,9

EU21

93,889

7,431

101,320

1,1

Source : Eurofound. DK, EL, FI, FR, MT et SE sont écartés de l’analyse en raison du manque de disponibilité de variables.

DEUXIEME PARTIE : LE MODELE DUAL GERMANIQUE DOIT-IL ETRE TRANSPOSÉ DANS L’ENSEMBLE DES PAYS DE L’UNION ?

I. LE MODELE DUAL : UNE FORMATION AU SERVICE DE LA COMPETITIVITÉ DE L’ÉCONOMIE, UNE BONNE INTÉGRATION DES JEUNES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL

L’Allemagne, l’Autriche, la Suisse et le Danemark bénéficient d’un système efficace d’apprentissage organisé en alternance – système dual – issu d’une longue tradition et faisant l’objet d’un large consensus au sein de la société. Ce système, au vu des bonnes performances des pays en question en matière d’insertion professionnelle des jeunes, fait depuis longtemps l’objet d’une attention particulière des pouvoirs publics des autres pays de l’Union ; il est, depuis l’approfondissement de la crise économique et l’aggravation des difficultés d’accès à l’emploi des jeunes dans la majorité des pays membres, présenté comme un modèle.

Pour performant qu’il soit, ce modèle, fruit d’une histoire et d’une organisation des rapports sociaux particulière, ne saurait être transposé de manière homothétique dans les autres pays membres mais seulement demeurer une source d’inspiration. En outre, il fait l’objet de critiques dans les pays qui en bénéficient, du fait des difficultés rencontrées, depuis l’approfondissement de la crise économique.

A. UNE FORMATION DUALE REPOSANT SUR L’IMPLICATION DES PARTENAIRES SOCIAUX ET SUR LE CONCEPT DE MÉTIER QUI REMPLIT SON OBJECTIF EN MATIÈRE D’INSERTION SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL

1. Un système adapté aux besoins de l’économie et reposant sur une forte implication des partenaires sociaux

En Allemagne, la pérennité et le succès du modèle dual reposent sur son mode de régulation, partagée entre l’État fédéral, les Länder, le patronat et les syndicats ; la gestion du modèle dual est décentralisée et fonctionne grâce à la performance de la négociation sociale.

Les entreprises occupent une place centrale dans le dispositif.

La formation est basée sur le concept de métier pour assurer la transférabilité des compétences ; à noter que, depuis 1969, la formation dans le cadre du système dual n’est plus axée sur les besoins spécifiques des entreprises qui accueillent les apprentis mais plutôt destinée à fournir les compétences nécessaires à l’exercice d’un métier (25). Les entreprises occupent un rôle central dans la définition des programmes et des enseignements, et participent aux instances consultatives qui fixent le nombre d’entrants dans le système et décident du nombre d’apprentis engagés annuellement. Les chambres consulaires ont un rôle essentiel dans l’organisation de l’apprentissage : elles s’assurent que les lieux de formation remplissent les conditions requises, contrôlent la mise en œuvre des modalités de formation dans les entreprises, établissent un registre des contrats de formation et assurent l’organisation des examens de fin de formation.

En contrepartie, le mode de financement repose fortement sur les entreprises : si la partie théorique de la formation est du ressort des Länder, et donc financée par la sphère publique, la quasi-totalité de la formation pratique est à la charge des entreprises. Toutefois, ce mode de financement fait débat ; il n’y a pas, comme en France, de mécanisme de mutualisation des coûts de formation : les entreprises qui n’embauchent pas d’apprentis n’ont aucune obligation de financer l’apprentissage, tandis que celles qui les embauchent supportent la quasi-totalité des coûts, à hauteur de 1 % du PIB ; ceci explique en grande partie la raréfaction des places offertes en apprentissage en période de ralentissement économique.

Depuis la fin des années 1990, les entreprises qui accueillent des apprentis se situent majoritairement dans les services ; une très grande majorité d’entre elles sont des PME.

Un système éducatif visant à faciliter la transition entre éducation et vie professionnelle

Après un tronc commun d’une durée de 6 ans –  4 ans d’école primaire et 2 ans de cycle d’orientation – les élèves peuvent intégrer trois types différents d’écoles d’enseignement général secondaire en fonction de leurs résultats scolaires : la Hauptschule, la Realschule et le Gymnasium. Les deux premières filières ne couvrent que le premier cycle alors que la seconde s’étend sur deux cycles.

La Hauptschule est destinée à fournir un enseignement général de base de 3 années avant d’accéder au système dual ou à une école professionnelle à plein temps (berufsfachschule). L’enseignement couvre les matières suivantes : langue allemande, une langue étrangère, mathématiques, physique-chimie, biologie, histoire-géographie, travail et social, musique, art, sport et religion.

La Realschule est une école qui offre un enseignement général plus étendu dans les mêmes matières que la Hauptschule d’une durée de 4 années et sanctionné par un certificat de fin d’études qui donne accès à certaines professions administratives ou à des écoles d’enseignement technique de second cycle puis ensuite aux universités techniques (Fachhochschulen).

Enfin, la dernière filière, d’une durée de 6 ou 7 ans, est le Gymnasium, lycée d’enseignement général débouchant normalement sur l’université et qui est sanctionné par un diplôme équivalent au baccalauréat (Abitur ou Hochschulreife). Il existe en outre des Gesamtschulen (surtout dans le nord de l’Allemagne) qui sont des établissements intégrant les trois filières dans une sorte de collège unique.

La répartition des élèves entre les différentes filières a évolué de façon considérable depuis les années 50. Ainsi le poids de la Hauptschule a beaucoup diminué au profit de celui des filières de niveau plus élevé comme le Gymnasium ou la Realschule. Le poids de cette dernière est toutefois stable depuis les années 1980.

Source : « Le modèle dual allemand, caractéristiques et évolution de l’apprentissage en Allemagne », Guillaume Delautre, Documents d’études n°185, Dares septembre 2014.

2. Une filière valorisée qui rencontre du succès auprès de la jeunesse

Le succès de l’apprentissage en Allemagne s’explique d’une part par ses résultats en termes d’insertion professionnelle – trois ans après leur apprentissage, 70 % des jeunes sont dans l’emploi –, et, d’autre part, par le statut qu’il occupe au sein de la société.

En Allemagne, le modèle dual est une voie normale et non une voie secondaire : mode de formation valorisé, il s’adresse à un grand nombre de jeunes. Dans les années 1980, près des deux tiers des jeunes Allemands sont passés par cette formation – proportion moindre dans les années 2000, de l’ordre des trois cinquièmes. (26) Chaque année, près de 600 000 jeunes Allemands rentrent en apprentissage. En 2010, 1,5 million de jeunes étaient inscrits dans un cycle d’apprentissage en alternance, soit environ 16 % de la population âgée de 15 à 24 ans contre seulement un peu plus de 5 % en France.

Alors que le système dual était destiné aux élèves sortant de la Hauptschule, son attractivité a entraîné ces dernières années une élévation du niveau d’éducation des apprentis ainsi que de l’âge au moment de l’entrée en apprentissage. Ainsi, seul un tiers des nouveaux apprentis est actuellement issu de la Hauptschule, et un cinquième a déjà obtenu un diplôme qui lui permettrait d’accéder à l’Université. Il s’ensuit, dans un contexte de rationnement des places, un phénomène d’éviction des moins diplômés.

En outre, alors qu’au début des années 1990, 52,6 % des apprentis étaient âgés de moins de 18 ans, ces derniers ne représentent plus aujourd’hui que 28 % des entrées ; l’âge moyen d’entrée en apprentissage était ainsi de 19,8 ans en 2009. L’élévation du niveau d’éducation a en outre entraîné une plus grande différenciation des parcours parmi les bénéficiaires du système dual. Ainsi les choix des filières dépendent-ils fortement de la provenance des apprentis ; les élèves sortant de la Hauptschule sont surreprésentés dans les métiers requérant un faible niveau de compétence, tandis que les diplômés du Gymnasium sont très présents dans les filières plus exigeantes telles que la banque, l’informatique ou l’assurance. Parallèlement, les salaires des apprentis sont très variables en fonction des secteurs de professionnalisation ; dans les secteurs de l’industrie et du commerce, le salaire moyen est de 759 euros dans les Länder de l’Ouest et de 670 euros dans les Länder de l’Est ; dans l’artisanat, il est respectivement de 512 et 439 euros. Au total, le salaire moyen brut des apprentis s’élevait en 2010 à 688 euros à l’Ouest et à 612 euros à l’Est, ce qui représente 30 % du salaire moyen.

Sans surprise, les garçons et les filles font des choix de métiers différents : les jeunes filles se dirigent en priorité vers les métiers de vendeuse, employée de commerce, assistante médicale, coiffeuse, employée de bureau, aide-dentiste, et agent commercial dans l’industrie, qui concentrent 40,4 % des apprenties. Les jeunes hommes se dirigent à 26,2 % vers les métiers suivants : mécanicien automobile, employé de commerce, mécanicien dans l’industrie, cuisinier, vendeur, électricien, plombier-chauffagiste.

Malgré les bons résultats du modèle allemand d’apprentissage, plus d’un jeune sur cinq ne va pas jusqu’au terme de son contrat d’apprentissage ; cette proportion dépasse 27 % dans l’artisanat. Les deux tiers des jeunes qui rompent leur contrat d’apprentissage sont des jeunes de faible niveau d’éducation ; 36,3 % sont sans diplôme et 30,8 % sortent de la Hauptschule. La majorité des ruptures a lieu au cours de la première année.

3. Une filière performante pour orienter les jeunes vers l’emploi

Si le taux d’emploi des apprentis s’est fortement dégradé entre le début et le milieu des années 2000, du fait de la morosité du marché de l’emploi, l’apprentissage demeure en Allemagne une filière performante pour orienter les jeunes vers l’emploi. Trois ans après leur sortie de l’apprentissage, 74,9 % des anciens apprentis et 71,7 % des anciennes apprenties sont dans l’emploi ; ils étaient respectivement 8,7 % et 7,7 % à être encore en études.

Malgré une offre de place structurellement inférieure aux candidatures depuis le début des années 1990, certaines entreprises ont du mal à recruter des apprentis dans les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration (serveur, cuisinier, employé), l’alimentation (boulanger, boucher, employé), le nettoyage ou le transport routier. La proportion d’entreprises connaissant des difficultés de recrutement est passée de 12 % en 2004 à 21 % en 2008 ; elle est particulièrement forte en Allemagne de l’Est (34 %).

C’est pourquoi les autorités ont mis en place des dispositifs publics pour inciter à la création de places d’apprentissage supplémentaires, comme les stages en entreprise d’accession à l’apprentissage – qui offrent une subvention à l’entreprise pour embaucher un jeune de moins de 25 ans à l’essai en stage pendant une période de 6 à 12 mois avant de lui proposer un apprentissage – ou la prime à l’apprentissage, versée par le service public de l’emploi aux entreprises qui embauchent un apprenti ayant déjà cherché un poste d’apprentissage sans succès les années précédentes – son montant varie suivant la rémunération de l’apprenti entre 4 000 euros et 6 000 euros. En 2012, les dépenses relatives à cette prime s’élevaient à 32 millions d’euros.

B. L’AUTRICHE : UNE POLITIQUE D’EMPLOI DES JEUNES VOLONTARISTE ET EFFICACE

Votre Rapporteur s’est rendu au printemps 2014 à Vienne, où il lui a été permis d’étudier en profondeur le modèle autrichien. L’Autriche, qui fait figure de bon élève en Europe en matière d’emploi en général et d’emploi des jeunes en particulier, a en effet inspiré en partie, tout comme d’autres pays tels que la Finlande où la mission s’est également rendue, les propositions de la Commission européenne, analysées dans la suite de ce rapport.

En Autriche, l’emploi des jeunes est en effet une priorité politique, traduite depuis fort longtemps par une politique volontariste en la matière ; les entreprises en sont le pivot, via l’apprentissage, lequel, jumelé à une politique de « garantie de formation » des moins de 19 ans et de « garantie d’emploi » des moins de 25 ans, permet à l’Autriche de réaliser, avec un taux de chômage des jeunes de 9,4 % en novembre 2013, la deuxième meilleure performance de l’Union européenne derrière l’Allemagne.

Conscients de l’importance de la formation pratique, et afin de pallier un manque éventuel de places en entreprise du fait du ralentissement économique, les pouvoirs publics autrichiens ont mis en place des formations professionnelles en centres dédiés pour les jeunes qui ne trouvent pas de place dans les filières classiques d’apprentissage au sein des entreprises.

Au-delà, le pays a mis en place des mesures d’aide à l’insertion professionnelle des jeunes sans diplômes, tandis que des « coachings » spécifiques sont offerts afin de mieux gérer les transitions école - formation puis formation - premier emploi, dont on sait qu’elles sont des périodes particulièrement importantes dans les parcours d’accès à l’emploi.

L’Autriche a également pris des mesures pour mieux adapter les formations aux besoins du marché du travail, tandis que les droits à l’indemnisation chômage pour les jeunes de moins de 25 ans ont été élargis. L’ensemble des mesures en faveur de l’emploi des jeunes a ainsi représenté 613 millions d’euros en 2012, soit environ 0,2 % du PIB.

1. L’apprentissage : un mode de formation très important en Autriche

a. Un mode de formation valorisé…

Forte de sa longue tradition d’apprentissage, l’Autriche est largement reconnue comme un modèle pour l’intégration professionnelle des jeunes. Il est notable que, dans ce pays encore fortement industrialisé – l’industrie comptait, selon la Banque mondiale, pour 29,2 % du PIB du pays en 2012 (27)– qui affiche le niveau de vie le plus élevé de toute l’Union après le Luxembourg, où le dialogue social a tout son sens, et où le tissu de PME est solide et marqué par la prépondérance des PME familiales, l’apprentissage est considéré non pas comme un dernier recours pour les élèves en échec scolaire, mais comme un pont entre l’éducation et l’emploi et une assurance contre le chômage.

De fait, comme l’exprime bien un ingénieur français installé dans ce pays depuis près de trois décennies et interviewé par le journal Libération (28), « le système historique autrichien de partenariat social entre les syndicats et le patronat, qui reste performant, permet de désamorcer les conflits par des négociations en amont et offre de la stabilité aux travailleurs, tout en assurant la flexibilité réclamée par les entreprises. Ensuite, le réseau d’apprentissage, développé et favorisé, permet d’intégrer efficacement les jeunes sur le marché de l’emploi. Enfin, l’industrie autrichienne est, comme en Allemagne, entre les mains des familles (…) ; celles-ci pensent à long terme et adaptent leur politique de dividendes à la conjoncture. Quand ça va mal, elles sont moins gourmandes que les entreprises cotées en bourse qui pensent à un horizon de trois mois et à rétribuer leurs actionnaires, quoiqu’il arrive. »

L’apprentissage autrichien est basé sur un système de formation par alternance – »  système dual » – alliant formation théorique à l’école (20 % du temps d’apprentissage) et formation en entreprise (80 % du temps d’apprentissage).

Au 31 janvier 2012, 117 000 jeunes apprentis se répartissaient dans les 35 000 entreprises proposant des contrats d’apprentissage dans environ 250 métiers. Afin d’augmenter le nombre de places d’apprentissage, un système d’apprentissage alternatif (überbetriebliche Ausbildung, ÜBA) a été créé en 1998 ; la formation s’effectue dans ce cas exclusivement dans des institutions spécialisées disposant d’ateliers et non à proprement parler en entreprise. Pour l’année scolaire 2011-2012, ce système concernait 12 300 jeunes, soit 7 % du total des apprentis, pour un coût total de 195 millions d’euros, pris en charge par le budget de l’AMS (l’équivalent du Pôle emploi). Les coûts prévisionnels pour l’année 2012-2013 s’élevaient à 175 millions d’euros pour 11 700 places, soit un coût moyen de 13 909 euros.

La part totale des jeunes s’orientant vers un de ces deux types de formation professionnelle s’élevait en 2012 à 40 %, ce pourcentage atteignant les 80 % pour les jeunes décidant d’arrêter l’école à 15 ans (âge de fin de la scolarité obligatoire).

L’ÜBA, système alternatif de formation en apprentissage

La loi sur la formation professionnelle (Ausbildungsgarantie) impose à l’État de proposer à tous les jeunes de 18 ans et moins une formation professionnelle. L’action « avenir jeunesse » (Aktion Zukunft Jugend) offre quant à elle la garantie aux 19-24 ans de se voir proposer dans un délai de 6 mois une offre d’emploi, une formation ou un emploi subventionné.

Afin de répondre à ces obligations de formation dans un contexte de tarissement des offres d’apprentissage des entreprises, a été mis en place en 1998 et reconnu au même titre que l’apprentissage « classique » en 2008, un système alternatif de formation en apprentissage dans lequel la partie formation en entreprise est remplacée par un travail en atelier dans les centres de formation (überbetriebliche Ausbildung, ÜBA). Dans ces centres, les jeunes, dont 40 % sont issus de l’immigration, suivent une formation à temps plein qui se veut le plus proche possible de l’apprentissage « classique » et comprend en outre un dispositif étendu d’aide et de soutien (mise à niveau des connaissances scolaires et générales, formations linguistiques etc.).

b. …qui bénéficie du soutien financier des pouvoirs publics

Afin de faire face aux effets de la crise économique sur l’emploi des jeunes, les mesures de soutien financier aux entreprises proposant des contrats d’apprentissage ont été élargies de manière significative depuis 2008. Celles-ci s’élevaient ainsi en 2011 à environ 200 millions d’euros.

Cette même année, ont ainsi été financés à hauteur de 159,6 millions d’euros une subvention dite « de base » pour chaque place d’apprentissage, équivalent à trois fois la rémunération mensuelle d’un apprenti (soit environ 1000 euros) et une aide générale à la mise en place de formations de qualité. Ces sommes provenaient d’un fonds financé par les entrepreneurs et géré par les Chambres économiques.

A ces aides sont venus s’ajouter 22,23 millions d’euros de dépenses de l’AMS en faveur de l’orientation d’environ 13 000 jeunes défavorisés vers des contrats d’apprentissage en entreprise ainsi que l’aide à l’intégration de 1 400 apprenties filles dans des métiers dits « masculins ». Notons que l’AMS cherche par ailleurs également à améliorer la qualité des formations dispensées en promouvant des regroupements de formation inter-entreprises ou en offrant des primes aux entreprises dont les apprentis obtiennent une mention « bien » ou « très bien ».

Enfin, les services sociaux (Bundessozialamt) ont consacré, en 2011, un budget de 20,76 millions d’euros pour l’insertion de jeunes défavorisés ou handicapés dans les formations de type apprentissage.

2. .… complété par différentes mesures qui viennent parfaire le dispositif destiné aux jeunes et assurer sa réussite

a. Le coaching des apprentis

Alors que les différentes mesures proposées permettent à un grand nombre de jeunes de s’orienter vers les postes d’apprentissage, beaucoup d’entre eux ne terminent par leur apprentissage ou ne réussissent pas l’examen de fin d’apprentissage. En outre, la participation des entreprises et des jeunes dans certains secteurs est jugée insuffisante par l’AMS, qui aimerait réorienter la demande des jeunes, et notamment des filles, qui sont majoritairement présentes dans les métiers traditionnellement féminins tels que la coiffure ou l’esthétique. Afin de remédier à ces situations, la mise en place d’un « coaching des apprentis » (Lehrlingscoaching) est entrée en vigueur le 1er janvier 2012. L’apprenti ou l’entreprise formatrice peuvent à présent solliciter le conseil d’un « coach » spécifiquement formé pour conseiller les jeunes sur leurs perspectives ou procéder, le cas échéant, à une médiation. Par ailleurs, les coaches soutiennent les apprentis dans leur choix de formation ultérieure ou complémentaire ainsi que dans la préparation de l’examen final, en prenant en compte leur situation personnelle et familiale. Depuis le 1er juillet 2012, des projets-pilotes ont ainsi été mis en place en Haute-Autriche, en Styrie, au Tyrol et à Vienne. La phase test de cette mesure s’est achevée le 31 décembre 2013. Elle doit faire l’objet d’une évaluation continue.

b. Une attention particulière portée aux décrocheurs

Afin de réduire le nombre de jeunes qui quittent l’école après leurs 15 ans sans formation complémentaire (environ 10 000 jeunes par an actuellement), un véritable service public d’orientation, le « Jugendcoaching » – coaching de la jeunesse – a été mis en place. Chaque jeune est tenu d’effectuer deux jours de coaching avant la fin de sa scolarité obligatoire, ce qui répond à la nécessité d’identifier les éventuels décrocheurs, dans la mesure où c’est une fois que le jeune a décroché qu’il devient très difficile de l’amener dans un parcours de retour à l’emploi.

En outre, depuis la rentrée 2011-2012, les enseignants proposent-ils aux jeunes susceptibles de décrochage scolaire un système de coaching pendant leur période de recherche de formation puis lors de leur formation proprement dite. Il s’agit de lutter contre l’abandon en cours de formation, qui concerne environ 10 000 personnes environ par an. Un système parallèle est actuellement mis en place pour aider les jeunes à s’insérer sur le marché du travail à l’issue de leur formation.

Enfin, des projets pilotes dans le cadre du projet EDGAR (Erlangung der grundsätzlichen Ausbildungs-reife – »  obtention de la maturité de base en vue d’une formation ») visent à atteindre les jeunes susceptibles d’être relégués en marge de la société et qui ne possèdent ni les connaissances, ni l’aptitude personnelle pour un apprentissage ou un travail. Les premiers projets-pilotes ont été mis en place début 2013 à Vienne et en Styrie afin de permettre aux jeunes de combler, par des méthodes non scolaires et individuelles et un soutien socio-pédagogique, leurs déficits en connaissances et d’acquérir la maturité nécessaire en vue de l’obtention d’un brevet sanctionnant la scolarité obligatoire.

Un soutien particulier pour les jeunes en difficulté ou délaissés

Reprenant le modèle danois, la première « école de production » (Produktionsschule) a été mise en place en 2001. L’Autriche compte actuellement une vingtaine de ces écoles – en partie cofinancées par des moyens du FSE – qui s’adressent à des jeunes socialement défavorisés qui ne sont pas en mesure des suivre le programme ÜBA en raison de problèmes scolaires ou de motivation. Les écoles de production ont en effet pour objectif de permettre aux jeunes de se stabiliser et d’acquérir la maturité par un soutien socio-pédagogique ainsi que d’atteindre un niveau de qualification de base. Elles leur permettent également de réfléchir à leur orientation professionnelle grâce à un suivi individuel.

Environ 2 400 jeunes ont bénéficié d’une formation dispensée dans les écoles de production en 2011. Alors que les écoles de production traditionnelles visent les métiers manuels, un nouveau type d’école vient d’être créé à Vienne : la « Produktionsschule FIT » (Produktionsschule inklusive fachspezifische Schule für individualisierte Teilausbildungen) de la diaconie de Vienne, centrée sur les métiers de services.

Selon une étude du BMASK (ministère du travail, des affaires sociales et de la protection des consommateurs), 62 % des élèves des écoles de production étaient en 2011 issus des milieux immigrés, 50 % étaient des filles, 88 % avaient moins de 19 ans, 25 % n’avaient pas de certificat scolaire de base et 22 % ne visaient pas de place d’apprenti mais une activité de manœuvre sans qualification complémentaire. Douze mois après être passé par une école de production, 33 % des participants disposaient d’une place de travail non subventionné, 16 % d’un travail subventionné, 9 % suivaient un programme de qualification, 15 % étaient au chômage et 27 % étaient sortis du système.

c. Une augmentation importante des dépenses publiques en faveur de l’emploi des jeunes

L’Autriche ne lésine pas sur les moyens injectés dans la politique en faveur des jeunes. Les moyens publics affectés à l’emploi, au soutien et à la qualification des jeunes, de 168,8 millions d’euros en 2001 sont passé à 632 millions d’euros en 2011, soit plus qu’un triplement en dix ans, représentant 0,2 % du PIB. Cette même année, 452 millions d’euros étaient mis à disposition par l’AMS dans le cadre de la politique dite active de l’emploi. A ce montant s’ajoutaient des budgets complémentaires d’environ 180 millions d’euros, dont 159,3 millions d’euros provenant du fonds IEF destinés à la promotion des places d’apprentissage en entreprise et 20,7 millions d’euros du budget de l’Office d’assistance sociale – Bundessozialamt – à destination des jeunes défavorisés.

Au total, le taux d’emploi des jeunes de 15 à 24 ans était de 54,9 % en 2011, soit parmi les plus élevés en Europe, l’Autriche occupant la troisième place dans le classement de l’UE à 27 derrière les Pays-Bas (63,5 %) et le Danemark (57,5 %), mais devant l’Allemagne (47,9 %) et loin devant la moyenne de l’UE à 27 (33,6 %) et la France (29,9 %).

Avec un taux de 8,3 %, l’Autriche affichait par ailleurs le deuxième taux de chômage des jeunes le plus faible de l’Union en 2011, derrière les Pays-Bas, dont le taux s’élevait à 7,6 %.

II. LE MODÈLE DUAL EST-IL TRANSPOSABLE EN FRANCE ET DANS LES AUTRES PAYS DE L’UNION EUROPÉENNE ?

A. LE MODELE DUAL PEUT-IL ETRE UN MODELE POUR LES AUTRES PAYS DE L’UNION ?

1. Un modèle promu par l’Allemagne et source d’inspiration certaine pour les pays les plus en difficulté

Le modèle dual est présenté comme la principale raison des bons chiffres du chômage des jeunes dans les pays qui en disposent, ce qui conduit les autres pays de l’Union à vouloir s’en inspirer. L’Allemagne elle-même est soucieuse d’exporter son modèle, et a ainsi signé des accords avec l’Espagne, le Portugal et l’Italie, pour les aider à améliorer leur système.

Ainsi l’Espagne promeut-elle l’apprentissage pour sortir les jeunes du marasme économique. Depuis 2013, le nombre de centres d’apprentissage en Espagne a doublé tandis que celui des entreprises accueillant des apprentis triplait, et que le nombre d’apprentis passait de 4 292 en 2013 à 9 555 en 2014. Certaines régions se sont particulièrement impliquées, telles que la Catalogne, le Pays Basque, Castilla-La Mancha et Valence. De nombreuses coopérations ont par ailleurs été initiées avec des entreprises allemandes telles que BASF, BMW, Siemens ou Bosch, ainsi qu’avec la Chambre de commerce de Munich et de Haute-Bavière. Par ailleurs, le contenu même de l’apprentissage a été modifié, puisque la durée de celui-ci a été portée à trois ans (deux auparavant) et que le temps en entreprise est passé de 15 % du temps de formation à un tiers.

2. L’impossibilité d’une transposition à l’identique

a. La nécessaire prise en compte des contextes économiques et socio-culturels nationaux

Une transposition à l’identique du système dual n’est ni possible, ni opportune. D’une part, il convient de tenir compte des contextes nationaux. Les pays où ce modèle fonctionne sont marqués par une forte tradition de dialogue social, un tissu de PME important, et la force du secteur secondaire de l’économie. Ce sont des conditions décisives dans le bon fonctionnement de ce système.

A contrario, le développement de la formation par alternance en France se heurte aujourd’hui à un certain nombre d’obstacles institutionnels : manque d’articulation entre le monde éducatif et le monde économique, faible engagement de certaines entreprises dans la formation professionnelle initiale, complexité du pilotage institutionnel de l’apprentissage (29).

b. Un modèle qui rencontre certaines difficultés

En outre, le système dual affronte actuellement des difficultés qui, sans entraîner une remise en cause de sa légitimité, amoindrissent son efficacité et ont conduit les pouvoirs publics des pays qui en sont dotés à prendre des mesures d’adaptation, comme explicité précédemment.

Une des premières difficultés tient aux obstacles croissants que rencontrent les jeunes les moins qualifiés ou les moins performants pour accéder à une place d’apprentissage, notamment au Danemark. En effet, la conjugaison de l’augmentation du niveau de formation des candidats et de la raréfaction des places offertes par les entreprises du fait des effets de la crise économique conduit à exclure les plus faibles du système de formation dual classique. C’est le cas aussi en Autriche.

En Allemagne, à l’inverse, l’essoufflement du modèle est dû à la raréfaction des candidats à l’apprentissage, qui explique la volonté actuelle du pays d’exporter son modèle national et de recruter des apprentis dans les autres pays de l’Union européenne, notamment du Sud de l’Europe. Se cumulant à la baisse de la démographie, le fait qu’un nombre toujours plus important de jeunes Allemands se dirigent vers les études générales et universitaires joue au détriment de l’apprentissage. Cette baisse des effectifs s’accompagne d’une entrée en apprentissage plus tardive, après des études secondaires de plus en plus poussées. Face à cette diminution du nombre d’apprentis, les entreprises allemandes remplissent difficilement leurs places en apprentissage et s’en inquiètent.

B. LA FORTE MOBILISATION FRANCAISE POUR LE DEVELOPPEMENT DE L’APPRENTISSAGE

1. L’apprentissage, une composante de la formation professionnelle qui facilite l’accès à l’emploi

L’apprentissage, tout comme les stages, permet de faciliter la transition entre les études et la vie professionnelle. C’est pourquoi les pouvoirs publics cherchent depuis quelques années à favoriser son développement.

À la suite de l’entrée en application, début 2005, du plan de cohésion sociale (30), le statut de l’apprenti est en train d’évoluer, afin notamment d’en renforcer l’attractivité : désormais « apprenti étudiant des métiers », le jeune qui bénéficie de ce statut peut obtenir, entre autres, des aides au logement et au transport, ainsi qu’une carte nationale d’apprenti.

Historiquement utilisé dans le secondaire, l’apprentissage s’est étendu à l’enseignement supérieur, que ce soit pour des filières courtes – BTS-DUT – ou longues – grandes écoles. La part d’apprentis parmi les diplômés de l’enseignement supérieur a ainsi presque doublé entre 2004 et 2010 (31).

Les diplômes classés du niveau V au niveau I, vont ainsi du CAP au diplôme d’ingénieur.

L’apprentissage concerne cependant toujours majoritairement des jeunes n’ayant pas poursuivi une scolarisation générale et suivant une formation du second cycle professionnel. Les apprentis, en majorité des garçons, sont présents essentiellement dans les spécialisations tournées vers la production industrielle ou mécanique. Les filles, qui empruntent peu la voie de l’apprentissage, se spécialisent en général dans le secteur des services : services aux personnes, services à la collectivité, échanges ou gestion. L’apprentissage demeure en effet encore très sexué. En 2010, un jeune sortant des études sur cinq était issu d’une formation en apprentissage ; seul un sur trois était une femme.

Pour l’année scolaire 2010-2011, le nombre d’apprentis était de 420 000 environ, soit un peu moins d’un quart de l’ensemble de la population étudiante, selon l’Insee.

À mi-chemin entre formation et études, l’apprentissage constitue une composante de la formation professionnelle. L’apprenti n’est pas sous statut scolaire, à la différence des autres filières professionnelles, telles que les lycées professionnels et les enseignements techniques post-bac.

La formation dans le cadre d’un apprentissage est ainsi encadrée juridiquement par un contrat d’apprentissage. Ce contrat est un contrat de travail qui s’adresse aux jeunes âgés de 16 à 25 ans révolus souhaitant compléter leur formation initiale. Il permet de suivre une formation générale, théorique et pratique, en vue d’acquérir une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre professionnel. Ce contrat alterne périodes d’enseignement général en Centre de formation d’apprentis (CFA) et périodes de travail en entreprise.

La durée du contrat d’apprentissage varie de 1 à 3 ans en fonction du type de profession et de la qualification préparée.

Tout employeur du secteur privé peut embaucher un apprenti. L’apprentissage est ouvert au secteur public, où il est encore faiblement développé. Le jeune est suivi par un maître d’apprentissage. Celui-ci a pour mission de contribuer à l’acquisition par l’apprenti des compétences nécessaires à l’obtention du titre ou du diplôme préparé, en liaison avec le CFA.

L’apprenti perçoit en France une rémunération déterminée en pourcentage du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) dont le montant varie en fonction de son âge et de sa progression dans le cycle de formation. Toutefois, sa rémunération peut être supérieure au SMIC si l’entreprise applique des accords (de convention collective ou de branches professionnelles, d’entreprises...) proposant un salaire minimum supérieur au SMIC. Le salaire de l’apprenti est également totalement exonéré de l’impôt sur le revenu, dans la limite du SMIC. Le salaire de l’apprenti est totalement exonéré des charges sociales patronales et salariales, donc le salaire net est égal au salaire brut (à noter certaines exceptions pour certaines entreprises, cf. article L.118-6 du code du travail article et article 83 de la loi 88-1149).

REMUNERATION DES APPRENTIS EN FRANCE

Première année

Avant 18 ans, 25 % du SMIC soit 357,56 euros

De 18 à 20 ans, 41 % du SMIC, soit 586,39 euros

21 ans et plus, 53 % du SMIC soit 758,02 euros

Deuxième année

Avant 18 ans, 37 % du SMIC soit 529,18 euros

De 18 à 20 ans, 49 % du SMIC, soit 700,81 euros

21 ans et plus, 61 % du SMIC soit 872,43 euros

Troisième année

Avant 18 ans, 53 % du SMIC soit 758,02 euros

De 18 à 20 ans, 65 % du SMIC, soit 929,64 euros

21 ans et plus, 78 % du SMIC soit 115,57 euros

Source : www.lapprenti.com, portail de l’alternance.

L’apprentissage est financé en partie par l’État et par la taxe d’apprentissage, contribution obligatoire des employeurs à la formation continue. Par ailleurs, l’entreprise peut bénéficier d’un crédit d’impôt pour la première année de formation de l’apprenti.

L’apprentissage est surtout présent dans les TPE. En 2008, les établissements de moins de dix salariés employaient plus de la moitié des apprentis ; seules 11,2 % des entrées en apprentissage se faisaient dans les entreprises de plus de 500 salariés.

Les jeunes apprentis en formation de niveau V et IV représentaient la majeure partie des jeunes en apprentissage lors de l’année scolaire 2011-2012, soit 71,8 %. Les jeunes suivant une formation en apprentissage préféraient à 59,1 % se spécialiser dans les domaines de la production, notamment les apprentis en formation de niveau V – 73,5 % d’entre eux suivaient cette voie. A contrario, les apprentis suivant une formation de niveau III ou supérieur se tournaient majoritairement vers le secteur des services.

Les filles, sous-représentées dans la formation en apprentissage, forment une part prépondérante des apprentis dans les domaines des services, quel que soit le niveau de formation : elles représentent 64 % des jeunes apprentis spécialisés dans le secteur des services tous niveaux confondus. La surreprésentation est particulièrement marquante lorsqu’elles suivent des formations de niveau V, où elles représentent 73,2 % des jeunes apprentis, et de niveau IV – 69,2 %. Elles sont a contrario sous-représentées dans les domaines de la production, où elles représentent 9,7 % des apprentis. Cette sous-représentation est d’autant plus forte dans les formations de niveau V spécialisées dans le domaine de la production, où elles ne sont que 8,4 %.

Les écarts se resserrent dans les formations de niveau II et I. Les filles représentent ainsi environ la moitié des apprentis spécialisés dans les services, et environ 30 % d’entre eux lorsque la spécialisation est orientée vers le secteur de la production pour les formations de niveau II.

Enfin, les filières privilégiées par les jeunes effectuant une formation en apprentissage, tous niveaux et sexes confondus, sont le secteur des échanges et de la gestion (19,9 %), les transformations (16,6 %), la mécanique, l’électricité et l’électronique (16 %), suivis par le génie civil, les constructions, le bois (15,8 %) et les services aux personnes.

Les Centres de Formation d’Apprentis (CFA)

Un Centre de Formation d’Apprentis (CFA) est un établissement de formation géré par un organisme gestionnaire. On compte plus de 2 340 CFA en France métropolitaine.

Selon l’Article L116-2 du Code du travail, « la création des Centres de Formation d’Apprentis fait l’objet de conventions conclues avec l’État, dans le cas des centres à recrutement national, ou conclues avec la région, dans tous les autres cas, par les organismes de formation gérés paritairement par les organisations professionnelles d’employeurs et les syndicats de salariés, les collectivités locales, les établissements publics, les Chambres de Commerce et d’Industrie, les Chambres de Métiers, les Chambres d’Agriculture, les établissements d’enseignement privés sous contrat, les organisations professionnelles ou interprofessionnelles représentatives d’employeurs, les associations, les entreprises ou leurs groupements, ou toute autre personne physique ou morale ».

La création d’un CFA peut être initiée par les organismes de formation gérés paritairement par les organisations professionnelles d’employeurs, les collectivités locales, les établissements publics, les organismes consulaires tels que la chambre de commerce, de métiers, et d’agriculture, les établissements d’enseignement privés sous contrat, les organisations professionnelles ou interprofessionnelles représentatives d’employeurs, les associations, ou toute autre personne physique ou morale.

Sa convention est conclue pour une durée de 5 ans.

Son contenu précise les modalités de son organisation administrative, pédagogique et financière.

La convention fixe également le nombre minimal et maximal d’apprentis par formation, ainsi que les modalités de participation financière de l’État ou de la Région.

Elle comporte la liste des diplômes et titres homologués préparés.

Un CFA est financé par la taxe d’apprentissage perçue, la participation de l’organisme gestionnaire, les subventions de l’État ou de la Région si la convention de création prévoit un financement, les produits d’exploitation du CFA.

2. L’insertion professionnelle des jeunes apprentis

Selon une étude publiée par le ministère de l’éducation en mars 2014, sept mois après leur sortie de formation en CFA, 65 % des apprentis avaient un emploi.

La situation économique générale s’est ressentie sur l’emploi des apprentis ; le taux d’emploi des apprentis a en effet de nouveau baissé en 2013 (- 4 points par rapport à 2012), après une petite amélioration en 2011 et 2012.

Lorsqu’ils travaillent, une grande majorité des jeunes issus de l’apprentissage ont un emploi à durée indéterminée (à 59 %) ou à durée déterminée (à 26 %) ; ils ont plus rarement un emploi aidé (8 %) ou exercé dans le cadre d’un contrat en intérim (7 %).

Parmi les sortants d’une formation en apprentissage, le taux d’emploi après une formation dans le secteur des services (67 %) est globalement supérieur à celui après une formation dans le secteur de la production (64 %). C’était l’inverse avant la crise où les taux d’emploi s’établissaient respectivement à 74 % et 77 % en 2008.

Par ailleurs, le taux d’emploi varie substantiellement d’une académie à l’autre, en lien avec le contexte économique local et les différences de niveau de formation des sortants.

La formation en apprentissage est un élément d’amélioration de l’insertion professionnelle des jeunes ; néanmoins, le poids de facteurs économiques structurels et du contexte économique joue un rôle important et ne doit pas être négligé. Le développement de l’apprentissage n’est en effet pas un remède automatique au chômage des jeunes, et la croissance économique demeure un des facteurs majeurs de l’insertion.

3. L’apprentissage : une priorité du quinquennat

Le Président de la République a fixé le cap en matière d’apprentissage : il s’agit d’atteindre un flux moyen de 500 000 apprentis à partir de 2017. Si, en 2013, le nombre de contrats d’apprentissage a enregistré une baisse de 8 %, la réforme mise en œuvre par le Gouvernement devrait permettre d’inverser cette tendance.

À cet effet, le projet de loi de finances pour 2015 a achevé la réforme du financement de l’apprentissage. Le PLF 2015 prévoit, comme chaque année, le financement des exonérations de cotisations sociales pour les embauches en contrat d’apprentissage ou en contrat de professionnalisation à hauteur de 1,4 milliard d’euros. Le dispositif d’exonération est inchangé.

La réforme du financement de l’apprentissage, avec l’octroi aux régions de 51 % de la taxe d’apprentissage et d’une fraction de TICPE (32), permettra aux régions de disposer d’une ressource pérenne et dynamique.

Par ailleurs, le régime des primes à l’apprentissage est complété par une nouvelle aide de 1 000 euros pour l’embauche de tout apprenti supplémentaire dans les entreprises de moins de 250 salariés. Pour les entreprises de moins de 11 salariés, cette nouvelle aide est cumulable avec la prime reconfigurée en loi de finances pour 2014, et est donc portée à 2000 euros. L’État compense aux régions le coût de ces primes. Ces efforts doivent permettre de relancer durablement l’apprentissage et d’atteindre l’objectif, réaffirmé par le Président de la République, de 500 000 apprentis d’ici 2017.

Le budget 2015 traduit également les nouvelles missions des régions en matière de formation professionnelle.

La loi no 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale transfère, à compter du 1er janvier 2015, un nouveau bloc de compétences à la région en matière de formation professionnelle.

Les dispositifs concernés sont le développement des compétences clés, la validation des acquis de l’expérience, les actions adaptées aux besoins des personnes illettrées et des personnes sous main de justice, ainsi que l’essentiel de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle ; 204 millions d’euros sont ainsi transférés du budget de l’emploi vers les Conseils régionaux.

En outre, le Premier ministre a annoncé que 100 millions d’euros issus des fonds européens seront dédiés dans les deux ans qui viennent à l’insertion des jeunes, en particulier les apprentis. L’effort en faveur de l’apprentissage devrait de plus être pris en compte lors des appels d’offre publics, tandis que l’État va être incité à employer des apprentis.

Le Gouvernement français effectue enfin un travail de pédagogie auprès des entreprises et de la population. L’objectif est que l’apprentissage devienne une voie ordinaire et une voie d’excellence. L’image de l’apprentissage auprès de jeunes et de leur famille doit évoluer, et ceux-ci doivent être mieux informés sur la réalité de l’apprentissage.

TROISIÈME PARTIE : L’EMPLOI DES JEUNES ENFIN AU CœUR DES PRÉOCCUPATIONS DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES

Longtemps laissée pour compte, la question de l’emploi des jeunes est, depuis deux ans, enfin placée au cœur des préoccupations des institutions de l’Union européenne. L’emploi des jeunes, qui n’est plus traité comme une sous-rubrique des politiques d’emploi mais bien un objectif en soi, occupe enfin la place qu’il mérite au sein des les politiques de l’Union.

Réagissant à la situation difficile de l’emploi des jeunes, et sous l’impulsion forte du Gouvernement français, la Commission européenne a en effet lancé en 2013 l’Initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ), programme phare qui comprend la Garantie pour la jeunesse, ainsi que d’autres instruments complémentaires visant à couvrir l’ensemble des domaines concernés par la lutte contre le chômage des jeunes : formation, apprentissage, mobilité, aide au retour à l’emploi et aide à la création d’entreprise.

I. L’INITIATIVE POUR L’EMPLOI DES JEUNES ET LA GARANTIE POUR LA JEUNESSE : UNE FORTE MOBILISATION DE L’UNION, DES RÉSULTATS ENCORE DÉCEVANTS

A. L’INITIATIVE POUR L’EMPLOI DES JEUNES MARQUE LA VOLONTÉ DE L’UNION DE SE MOBILISER POUR L’EMPLOI DES JEUNES

1. Le paquet « Emploi jeunes » de décembre 2012, plan d’action de la Commission en faveur de l’emploi des jeunes

Consciente des répercussions particulièrement graves de la crise économique sur les jeunes Européens, et que la situation dans certains États membres et dans certaines régions risquait de porter gravement atteinte à la cohésion sociale au sein de l’Union et d’avoir des répercussions négatives à long terme sur le potentiel économique et la compétitivité, la Commission a adopté le 5 décembre 2012 le paquet « Emploi des jeunes », train de mesures incluant une proposition de recommandation du Conseil sur l’établissement d’une Garantie pour la jeunesse, le lancement de la deuxième phase de consultation des partenaires sociaux sur un cadre de qualité pour les stages, l’annonce d’une Alliance européenne pour l’apprentissage et la proposition des pistes pour réduire les obstacles à la mobilité des jeunes.

Le Conseil européen des 7 et 8 février 2013 a par la suite entériné le lancement de l’Initiative pour l’Emploi des Jeunes (IEJ), avec pour objectif de renforcer et d’accélérer les mesures prévues par le Paquet « Emploi jeunes ». L’IEJ, ouverte à toutes les régions dont le taux de chômage des jeunes est supérieur à 25 % privilégie les régions à fort taux de chômage des jeunes et les NEET. Elle s’inscrit dans les objectifs de la stratégie Europe 2020, à savoir un emploi pour 75 % de la population âgée de 20 à 64 ans, l’abaissement du taux de décrochage scolaire à moins de 10 %, et la réduction d’au moins 20 millions du nombre de personnes touchées par la pauvreté et l’exclusion sociale.

Initialement dotée d’un budget de 6 milliards d’euros sur sept ans (2014-2020), à hauteur de 3 milliards d’euros provenant d’un fonds spécifique, et 3 milliards d’euros provenant du Fonds social européen, la dotation globale de l’Initiative pour l’Emploi des Jeunes a été portée le 8 février 2013 à 8 milliards d’euros, dont 6 milliards concentrés sur les deux premières années du prochain budget européen, 2014 et 2015. Elle doit permettre aux États de financer les réformes structurelles nécessaires à l’égard de l’emploi, de l’apprentissage, de l’éducation et de la formation des jeunes.

L’IEJ ne s’applique pas à tous les pays de l’Union ; seuls 20 des 28 États membres sont éligibles, ayant des taux de chômage des jeunes de plus de 25 % dans au moins une de leurs régions.

En France, 16 régions sont éligibles, dont 3 pour un seul département. L’ensemble des régions d’outre-mer – Guyane, Martinique, Guadeloupe, Réunion, Mayotte – sont éligibles. Pour les régions métropolitaines, sont éligibles : Aquitaine, Auvergne, Centre, Champagne-Ardenne, Haute Normandie, Languedoc-Roussillon, Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Ile-de-France, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte-D’azur.

Par la suite, une nouvelle initiative, la Garantie pour la jeunesse a fait l’objet d’un accord politique au sein du Conseil le 28 février 2013.

S’inspirant de l’expérience de l’Autriche, de la Suède ou de la Finlande, la Garantie pour la jeunesse vise à garantir que tous les jeunes âgés de 15 à 24 ans qui sont sans emploi et qui ne suivent ni études, ni formation se voient proposer une offre de qualité portant sur un emploi, un complément de formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant le début de leur période de chômage ou leur sortie de l’enseignement formel.

La Commission a souligné que la création et la mise en place de la Garantie pour la Jeunesse, qui s’inspire largement du modèle scandinave de « garantie jeunes », nécessitait une étroite coopération entre les différents intervenants : pouvoirs publics, services pour l’emploi, conseiller d’orientation, établissements d’enseignement et de formation, services d’aide aux jeunes, entreprises, syndicats…

Le modèle scandinave de « garantie jeunes » à l’origine de la
Garantie pour la jeunesse européenne

La Finlande et la Suède ont mis en œuvre très tôt des dispositifs de « garantie jeunes » qui ont inspiré la Commission européenne qui ont été réajustés depuis.

La Suède a mis en place le premier véritable dispositif de « garantie jeunes » en 1984 (suivie par la Norvège en 1993 et le Danemark et la Finlande en 1996). Cependant, compte tenu des graves difficultés économiques auxquelles ont dû faire face les pays nordiques au tout début des années 1990 (en Suède tout particulièrement), ce dispositif dédié aux jeunes a été de nombreuses fois révisé au cours des dix dernières années.

La Suède a ainsi mis en place, en 2007, un nouveau dispositif de « garantie jeunes » dont les principes sont les suivants :

public cible : les jeunes sans emploi âgés de 16 à 24 ans, inscrits auprès du SPE depuis plus de trois mois ;

objectifs : le SPE doit être en situation de pouvoir offrir rapidement une solution concrète permettant aux jeunes demandeurs d’emploi d’accroître leur chance de trouver un emploi ou une formation adaptée à leur besoin ;

plan d’actions : l’offre de services proposée aux jeunes par le SPE repose sur 3 phases :

- inscription auprès du SPE ;

- évaluation détaillée des compétences du jeune demandeur d’emploi dans les trois mois suivant l’inscription au SPE ;

- proposition de formations et allocation d’une aide à la recherche d’emploi (coaching). Les participants au programme peuvent ensuite se voir offrir un stage ou une formation courte mais doivent chercher un emploi pendant au moins 4 heures par semaine. La participation au programme dure au maximum 15 mois.

Il convient néanmoins de préciser que la « garantie jeunes », destinée à lutter contre le chômage de longue durée, ne saurait à elle seule constituer la mesure destinée à réduire le chômage des jeunes en Suède qui a en effet mis en place de nombreuses autres initiatives (notamment fiscales) destinées à soutenir la création d’emploi, en particulier dans les secteurs nécessitant peu de qualifications.

La Finlande avait déjà initié un système de « garantie jeunes » en 1996, bien que le lancement du dispositif tel qu’il est appliqué aujourd’hui remonte à 2005 (réformée également en 2010). Une nouvelle version de la « garantie jeunes » a en outre été mise en place depuis 2013.

Aujourd’hui, la « garantie jeunes » repose en Finlande sur les bases suivantes :

public cible : les jeunes ni étudiant, ni employé, ni stagiaire, ainsi que les jeunes diplômés âgés de moins de 25 ans, étant précisé que cette limite d’âge sera portée à 30 ans, à compter de 2013 (public cible plus large qu’en Suède) ;

objectifs : le SPE finlandais doit, comme en Suède, être en situation de pouvoir offrir rapidement une solution concrète permettant aux jeunes demandeurs d’emploi d’accroître leur chance de trouver un emploi ou une formation adaptée à leur besoin ;

plan d’actions : le SPE est obligé de proposer dans les 3 mois suivant l’inscription comme demandeur d’emploi :

- un plan personnalisé de retour à l’emploi ;

- une évaluation des besoins du jeune devant lui faciliter sa recherche d’emploi ;

- un emploi ou une formation (générale ou professionnelle) ou une aide à la recherche d’emploi (coaching).

Pour 85,3 % des jeunes, la « garantie jeunes » s’est avérée être un succès, dans les trois mois suivant l’inscription comme demandeur d’emploi auprès du SPE en 2011, contre 79,2 % en 2010. La « garantie jeunes » finlandaise a permis d’accélérer le rythme de la recherche d’emploi grâce aux plans personnalisés, conduisant in fine à réduire le nombre de jeunes chômeurs (suite à une proposition d’embauche ou de formation).

Les forces de la « garantie jeunes » à la scandinave sont doubles :

- le dispositif constitue une aide réelle pour les jeunes demandeurs d’emploi qui, grâce au plan personnalisé, aux évaluations de leurs compétences, prennent des décisions plus éclairées pour orienter leur recherche d’emploi ;

- les « garanties jeunes » ont permis en Suède et en Finlande d’améliorer la qualité et l’efficacité des SPE en direction des jeunes demandeurs d’emploi, étant précisé que plus les jeunes sont employables, plus la garantie s’avère pertinente. Ce dispositif permet en outre de proposer plus rapidement aux jeunes des actions concrètes, ce qui tend à prévenir leur exclusion, et par voie de conséquences les risques qui lui sont associés (marginalisation, problèmes psycho-sociaux, addictions, etc.…) ;

Il reste que les effets bénéfiques de la « garantie jeunes » sont maximisés, dès lors que le SPE est en capacité de collaborer étroitement avec des acteurs locaux tels que les services sociaux et de santé. D’ailleurs, il apparaît que plus les jeunes sont éloignés de l’emploi, plus cette collaboration est indispensable, a fortiori dans un contexte d’un taux de chômage des jeunes élevé. À défaut, les risques sont grands de limiter la « garantie jeunes » à une offre de services de court terme alors que les jeunes en voie d’exclusion (sans compétences, ni diplômes) nécessitent des actions structurelles sur une plus longue période. C’est d’ailleurs la critique que formulent les acteurs mettant en œuvre la « garantie jeunes » en Suède qui consiste le plus souvent à proposer aux jeunes un emploi, alors que ces derniers devraient plus se voir proposer une formation qualifiante.

Les faiblesses de la « garantie jeunes » n’en sont pas moins réelles.

La « garantie jeunes », telle qu’elle a été mise en place jusqu’à présent en Suède et en Finlande, connaît des faiblesses :

- elle est peu efficace pour les groupes de jeunes cumulant de « nombreux handicaps » (peu ou pas de diplômes, absence d’expériences professionnelles, problèmes sociaux, etc.…), pour lesquels l’action du SPE nécessiterait d’être coordonnée avec d’autres acteurs/administrations (santé et action sociale) ;

- la « garantie jeunes » peut se limiter à une offre de services de court terme, alors qu’elle devrait, pour les publics les plus éloignés de l’emploi, d’inscrire dans la durée ;

- le succès de la « garantie jeunes » dépend très largement de son articulation avec les autres politiques publiques destinées aux jeunes (offre d’enseignements généraux ou professionnels, etc…) ;

- les partenaires sociaux – en particulier LO (syndicat des cols bleus en Suède) considèrent que l’intervention du SPE, au terme du délai de 3 mois de chômage consécutifs, est trop longue. Selon eux, l’offre de services devrait être immédiate, dès le premier jour d’inscription comme demandeur d’emploi.

Source : Fabrice Perrin, ambassade de France en Suède, 2012.

La Commission a souhaité que l’IEJ, en encourageant et en accélérant la réalisation des actions financées par le FSE, permette dans les régions éligibles, la mise en œuvre d’initiatives importantes de la Commission, notamment du paquet pour l’emploi des jeunes, et en particulier de la recommandation sur l’établissement d’une Garantie pour la jeunesse.

L’objectif est que cette initiative, en ciblant non pas des systèmes ou des structures mais des personnes qui sont sans emploi et qui ne suivent ni études ni formation, complète les actions engagées au niveau national, notamment celles qui bénéficient du soutien du FSE, afin d’établir ou de mettre en œuvre les dispositifs de Garantie pour la jeunesse.

Dans cette optique de complémentarité, la Commission estime que la mise en œuvre de l’IEJ devrait être pleinement intégrée dans la programmation du FSE au titre de la priorité d’investissement visant à soutenir l’intégration durable des jeunes « NEET » sur le marché du travail. Le cas échéant, les États membres devraient être autorisés, voire encouragés, dans le cadre de cette initiative, à consacrer à la lutte contre le chômage et l’inactivité des jeunes davantage de ressources du FSE que le minimum de 3 milliards d’euros requis pour compléter l’enveloppe spécifique allouée à l’Initiative.

La Commission a par ailleurs indiqué que l’objectif du dispositif était d’obtenir des résultats concrets et rapides, et a estimé que les États membres devaient concevoir le dispositif de telle sorte qu’il soit adapté aux circonstances nationales, régionales et locales, en gardant à l’esprit que les jeunes ne forment pas un groupe homogène.

2. La Garantie pour la jeunesse : activer les dépenses et favoriser les réformes structurelles

Dans la plupart des États membres, la mise en place de la Garantie pour la jeunesse ne peut se faire sans des réformes structurelles profondes des systèmes de formation, d’enseignement et de recherche d’emploi.

L’objectif est ambitieux : il s’agit notamment, dans certains États membres, de réformer le fonctionnement des services publics de l’emploi afin de fournir à chaque jeune des conseils personnalisés appropriés concernant les possibilités d’emploi, d’éducation et de formation les plus adaptées à son cas, débouchant sur une offre d’emploi concrète et sur mesure dans les quatre mois.

Des réformes vont devoir également être introduites pour améliorer la qualité et la quantité des opportunités d’apprentissage ainsi que d’enseignement et de formation professionnels. Les États membres vont devoir veiller à apporter aux jeunes les compétences recherchées par les employeurs.

La plupart des États membres devraient également mettre en place des mécanismes visant à identifier et à mettre en activité les personnes les plus éloignées du marché du travail – les NEET. Afin d’atteindre les jeunes inactifs qui ne sont pas enregistrés auprès du service public de l’emploi, les États membres doivent élaborer de nouveaux outils et stratégies avec tous les acteurs ayant accès à ces jeunes non enregistrés (par exemple les services sociaux, les prestataires de services éducatifs, les associations de jeunes).

La Commission a ainsi adressé des recommandations spécifiques sur sa mise en œuvre à huit pays en 2014, dans le cadre du semestre européen – Espagne, Italie, Slovaquie, Croatie, Portugal, Pologne, Bulgarie et Irlande –portant notamment sur des politiques volontaristes de l’emploi, le renforcement des services publics de l’emploi, le soutien aux programmes de formation et d’apprentissage, la lutte contre le décrochage scolaire et la mise en place de stratégies de communication, autant d’éléments susceptibles de contribuer au succès de la Garantie pour la jeunesse. Les recommandations ont aussi invité les États membres à réfléchir aux moyens de pallier la segmentation des marchés du travail, qui rend les jeunes beaucoup plus vulnérables.

La Commission considère que la Garantie est un investissement, avec des répercussions importantes pour les budgets nationaux des pays de l’Union, estimés à 21 milliards d’euros annuels les frais de mise en place de ce dispositif dans la zone euro par l’Organisation internationale du travail. Mais il s’agit d’un investissement moins coûteux que le coût de l’inaction, les pertes économiques liées aux millions de jeunes NEET présents dans l’Union dépassant 150 milliards d’euros en 2011, soit 1,2 % du PIB de l’Union.

La Commission juge ces dépenses indispensables pour permettre à l’Union de préserver son potentiel de croissance future. Ces dépenses devraient soutenir l’emploi à court terme, en encourageant l’utilisation d’un large éventail de mesures proactives aidant à stimuler la demande de travail pour les jeunes, telles que les subventions salariales et à l’embauche ou les bourses d’apprentissage ou de stage, sont souvent nécessaires pour intégrer avec succès les jeunes dans le marché du travail. Elles doivent dès lors être perçues comme un investissement social permettant aux jeunes d’utiliser leurs compétences de manière productive et de les développer davantage, par opposition à la détérioration des compétences et à la démotivation résultant du chômage et d’une inactivité de longue durée.

La Garantie pour la jeunesse a été reçue de manière très positive dans les différents États membres, malgré des débats portant sur le choix de cibler la mesure sur les jeunes de moins de 25 ans –excluant de fait toute la population des 25-30 ans qui connaît aussi de réelles difficultés – ainsi que sur les critères d’éligibilité à l’IEJ des pays.

La commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen a ainsi modifié la proposition de Garantie pour la jeunesse de la Commission européenne le 23 avril 2013 en incluant la population âgée de 25 à 30 ans ; 6,5 millions de personnes supplémentaires sont ainsi concernées, soit un quasi doublement du nombre de personnes visées par le dispositif, entrainant un risque de saupoudrage et de perte d’efficacité de la mesure. Étendu au moins de 30 ans, le financement via l’IEJ sera désormais de l’ordre de 88 euros annuels par personne concernée, ce qui parait insuffisant.

La question du seuil retenu pour déclencher une intervention dans une région a elle aussi été soulevée. Sur les 270 régions de l’Union européenne, 136 voient leur taux de chômage des jeunes dépasser la moyenne observée au sein de l’Union européenne mais seules 110 d’entre elles pourraient bénéficier des fonds de l’IEJ. Par exemple, en France, 5 régions ont un taux de chômage des jeunes dépassant la moyenne européenne et ne sont pas éligibles à la Garantie. Ces effets de seuil sont également observables au sein d’autres États membres, tels que la Belgique, la Pologne, le Royaume-Uni ou la Suède.

RÉGIONS ÉLIGIBLES À L’IEJ PAR ÉTAT MEMBRE

Pays

Nombre de régions et territoires d’Outre-mer

Région où le taux de chômage des jeunes dépasse la moyenne européenne

Régions éligibles
à l’IEJ

Allemagne

39

0

0

Autriche

7

0

0

Belgique

11

5

2

Bulgarie

6

5

5

Chypre

1

1

1

Croatie

2

2

2

Danemark

5

0

0

Estonie

1

0

0

Espagne

19

19

19

Finlande

5

0

0

France

26

17

12

Grèce

13

13

13

Hongrie

7

6

4

Irlande

2

2

2

Italie

21

18

17

Lettonie

1

1

1

Lituanie

1

1

1

Luxembourg

1

0

0

Malte

1

0

0

Pays-Bas

12

0

0

Pologne

16

12

9

Portugal

7

7

7

République tchèque

8

1

1

Roumanie

8

3

3

Royaume-Uni

37

12

5

Slovaquie

4

3

3

Slovénie

2

0

0

Suède

37

12

5

Source : Commission européenne.

3. Une aide financière de l’Union qui répond à des modalités précises et contestables

La Garantie pour la Jeunesse s’appuie sur un nouveau fonds communautaire – l’Initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ) – doté de 8 milliards d’euros pour la période 2014-2020. La création de ce fonds a été actée par le Conseil européen des 7 et 8 février 2013 et entérinée par le Conseil Emploi du 28 février 2013 ; initialement doté de 6 milliards d’euros, ce montant a été porté à 8 milliards d’euros lors du Conseil européen des 27 et 28 juin 2013. Les 2 milliards d’euros supplémentaires seront obtenus par la réaffectation de fonds du budget de l’Union européenne non utilisés entre 2014 et 2017.

Ces crédits sont destinés aux régions dont le taux de chômage des jeunes dépasse 25 %. La moitié de la dotation initiale de 6 milliards d’euros provient du Fonds social européen (FSE), les 3 autres milliards d’euros étant, quant à eux issus d’une nouvelle ligne de crédit. Cette dotation vise, au-delà de la garantie, à financer les mesures du paquet « Emploi jeunes » ainsi que les programmes du FSE ou des États membres en faveur de cette catégorie.

Seule la contribution versée au titre du FSE doit être complétée financièrement par les États membres, la ligne de crédit spécifique ne nécessitant pas obligatoirement de cofinancement, ce dernier étant laissé à la discrétion des États. Le taux de cofinancement par les États s’échelonnera de 15 % pour les régions les plus pauvres à 45 % pour celles qui sont le plus développées.

Le recours à l’IEJ n’est pas soumis à la réserve de performance prévue par le règlement général sur les fonds structurels.

Les crédits européens seront répartis entre les régions éligibles en fonction du nombre de jeunes chômeurs. L’Espagne, l’Italie et la France devraient être les principaux bénéficiaires du dispositif.

INITIATIVE POUR L’EMPLOI DES JEUNES
VENTILATION ANNUELLE DE LA DOTATION SPÉCIFIQUE

Prix 2011, en euros

 

2014

2015

Total

BE

22 464 896

17 179 038

39 643 934

BG

29 216 622

22 342 123

51 558 745

CZ

7 199 758

5 505 697

12 705 455

IE

36 075 815

27 587 388

63 663 203

EL

90 800 184

69 435 434

160 235 618

ES

499 481 827

381 956 689

881 438 516

FR

164 197 762

125 562 994

289 760 756

HR

35 033 821

26 790 569

61 824 390

IT

300 437 373

229 746 226

530 183 599

CY

6 126 207

4 684 747

10 810 954

LV

15 358 075

11 744 410

27 102 485

LT

16 825 553

12 866 600

29 692 153

HU

26 345 509

20 146 566

46 492 075

PL

133 639 212

102 194 692

235 833 904

PT

85 111 913

65 085 581

150 197 494

RO

56 112 815

42 909 800

99 022 615

SI

4 876 537

3 729 117

8 605 654

SK

38 209 190

29 218 793

67 427 983

SE

23 379 703

17 878 597

41 258 300

UK

109 107 228

83 434 939

192 542 167

Total

1 700 000 000

1 300 000 000

3 000 000 000

Source : Commission européenne, ventilation annuelle par État membre des ressources de la dotation spécifique allouée à l’initiative pour l’emploi des jeunes, décision d’exécution (2014/190/UE).

INITIATIVE POUR L’EMPLOI DES JEUNES
LISTE DES RÉGIONS ÉLIGIBLES

BE32 Prov. Hainaut

ITF5 Basilicata

BE33 Prov. Liège

ITF6 Calabria

BE10 Région de Bruxelles-Capitale/Brussels Hoofdstedelijk Gewest

ITF3 Campania

BG32 Severen tsentralen

ITH5 Emilia-Romagna

BG33 Severoiztochen

ITH4 Friuli-Venezia Giulia

BG31 Severozapaden

ITI4 Lazio

BG34 Yugoiztochen

ITC3 Liguria

BG42 Yuzhen tsentralen

ITC4 Lombardia

CZ04 Severozápad

ITI3 Marche

IE01 Border, Midland and Western

ITF2 Molise

IE02 Southern and Eastern

ITC1 Piemonte

EL11 Anatoliki Makedonia, Thraki

ITF4 Puglia

EL30 Attiki

ITG2 Sardegna

EL23 Dytiki Ellada

ITG1 Sicilia

EL13 Dytiki Makedonia

ITI1 Toscana

EL21 Ipeiros

ITI2 Umbria

EL12 Kentriki Makedonia

ITC2 Valle d’Aosta/Vallée d’Aoste

EL43 Kriti

CY00 Kýpros

EL42 Notio Aigaio

LV00 Latvija

EL25 Peloponnisos

LT00 Lietuva

EL24 Sterea Ellada

HU33 Dél-Alföld

EL14 Thessalia

HU23 Dél-Dunántúl

EL41 Voreio Aigaio

HU32 Észak-Alföld

ES61 Andalucía

HU31 Észak-Magyarország

ES24 Aragón

PL51 Dolnośląskie

ES70 Canarias

PL61 Kujawsko-Pomorskie

ES13 Cantabria

PL11 Łódzkie

ES41 Castilla y León

PL31 Lubelskie

ES42 Castilla-La Mancha

PL43 Lubuskie

ES51 Cataluña

PL21 Małopolskie

ES63 Ciudad Autónoma de Ceuta

PL32 Podkarpackie

ES64 Ciudad Autónoma de Melilla

PL33 Świętokrzyskie

ES30 Comunidad de Madrid

PL62 Warmińsko-Mazurskie

ES22 Comunidad Foral de Navarra

PL42 Zachodniopomorskie

ES52 Comunidad Valenciana

PT18 Alentejo

ES43 Extremadura

PT15 Algarve

ES11 Galicia

PT16 Centro (PT)

ES53 Illes Balears

PT17 Lisboa

ES23 La Rioja ES21 País Vasco

PT11 Norte PT30 Região Autónoma da Madeira

ES12 Principado de Asturias

PT20 Região Autónoma dos Açores

ES62 Región de Murcia

RO12 Centru

FR61 Aquitaine FR72 Auvergne

RO31 Sud — Muntenia

FR24 Centre

RO22 Sud-Est

FR21 Champagne-Ardenne

SI01 Vzhodna Slovenija

FR91 Guadeloupe

SK03 Stredné Slovensko

FR93 Guyane

SK04 Východné Slovensko

FR23 Haute-Normandie

SK02 Západné Slovensko

FR81 Languedoc-Roussillon

SE32 Mellersta Norrland

FR92 Martinique

SE31 Norra Mellansverige

FR30 Nord — Pas-de-Calais

SE22 Sydsverige

FR22 Picardie

UKI1 Inner London

FR94 Réunion

UKD7 Merseyside

FR– Mayotte

UKM3 South Western Scotland

HR03 Jadranska Hrvatska

UKC1 Tees Valley and Durham

HR04 Kontinentalna Hrvatska

UKG3 West Midlands

ITF1 Abruzzo

 

Source : Commission européenne, ventilation annuelle par État membre des ressources de la dotation spécifique allouée à l’initiative pour l’emploi des jeunes, décision d’exécution (2014/190/UE).

Ce mode de financement a fait l’objet de vives critiques. D’une part, le montant alloué paraît trop faible au regard des besoins. En outre, le mécanisme de cofinancement de la moitié de l’enveloppe – celle issue des fonds FSE – est trop pénalisant pour les pays concernés, qui ont du mal à dégager les sommes nécessaires, d’autant plus que le montant de préfinancement de la part de l’Union ne s’élève qu’à 1 %, pourcentage, de l’avis de tous, beaucoup trop faible pour avoir un quelconque effet de levier dans l’engagement des sommes. De ce fait, alors que la Commission, sous l’impulsion de la France, a décidé de débloquer la plupart des fonds de l’enveloppe « garantie jeunes » sur les exercices 2014 et 2015, et ce notamment pour éviter l’effet de saupoudrage et permettre une réelle mobilisation de ces fonds, seules la France et l’Italie ont à ce jour pu mettre en œuvre la Garantie pour la Jeunesse.

B. LA « GARANTIE POUR LA JEUNESSE » UN AN APRÈS : UN BILAN EN DEMI-TEINTE

1. L’état des lieux mitigé dressé en avril 2014 par la Commission européenne, et par les chefs d’État lors du sommet de Milan d’octobre 2014

Le 8 avril 2014, la Commission européenne a organisé une Conférence – « Youth guarantee : Make it happen » – pour faire un état des lieux de la mise en place de cette garantie. À cette occasion, M. José Manuel Barroso a rappelé que la mise en œuvre de cette garantie était une priorité absolue du fait de la situation alarmante du chômage des jeunes en Europe.

À ce jour, vingt-quatre États membres ont présenté à la Commission leurs plans nationaux de mise en œuvre de la garantie pour la jeunesse, soit tous les États à l’exception de la Finlande, du Luxembourg, de l’Allemagne et du Danemark. La Commission estime que pour dix-neuf d’entre eux, le défi de l’emploi des jeunes doit être relevé de manière urgente par des réformes structurelles.

Le commissaire László Andor a quant à lui rappelé que la concrétisation de cette garantie devrait forcément passer par la mise en place d’un mécanisme qui fonctionne en plusieurs temps :

- identification et enregistrement des jeunes chômeurs (principe de traçabilité) ;

- inclusion des jeunes chômeurs dans le système ;

- élaboration d’un plan d’insertion ;

- présentation des différentes offres.

La Commission considère que la succession de ces différents temps est nécessaire pour parvenir à inclure les décrocheurs dans le système.

À l’issue de cette conférence, les différents participants sont convenus que si le mécanisme de la garantie est de portée universelle, il est évident que sa mise en œuvre requière une adaptation aux contextes nationaux.

D’autre part, apparaissent des difficultés communes dans la mise en œuvre de ces mesures dans les différents pays :

- le plus grand défi semble être la coordination entre tous les acteurs concernés, service public, entreprises privées et monde de l’éducation ;

- le second défi concerne la traçabilité et l’identification des jeunes, et notamment des NEET, qui ne sont pas inclus dans les systèmes et registres traditionnels ;

- de plus, beaucoup d’États membres éprouvent aussi des difficultés à intégrer dans ces projets les partenaires sociaux et les ONG ;

- enfin, le mode de fonctionnement du financement des mesures pose problème. En effet, au-delà de la question du montant, qui demeure discutée, les règles de financement font l’objet de vives critiques. Le Gouvernement espagnol a ainsi jugé que la part de préfinancement, qui s’élève à 1 %, était trop faible (ce montant étant porté à 1,5 % pour les pays sous assistance financière de la « troïka »). Le principe est que le recouvrement du montant dû se fera ensuite progressivement en fonction des « notes de frais » envoyées à la Commission, ce qui peut s’avérer complexe puisque les frais engagés ne le sauront pas par une entité unique. La Commission a annoncé que ces deux taux devraient être relevés de 1 % en 2015.

Par ailleurs, les modalités de cofinancement n’apparaissant pas très claires : doit-on appliquer les règles du FSE ou des règles propres à l’IEJ ? –,le Commissaire Andor a indiqué avoir envoyé à tous les ministres du travail une lettre pour leur rappeler les modalités de ce financement.

Réunis à Milan le 8 octobre dernier, les chefs d’État des 28 pays de l’Union ont partagé le constat de l’inadaptation de l’outil budgétaire utilisé pour financer la Garantie pour la jeunesse. La chancelière allemande a ainsi indiqué que « le problème n’est pas qu’il n’y a pas d’argent, mais que cet argent ne sort pas des caisses car il est difficile d’y accéder ».

De fait, les règles de préfinancement sont telles que les pays doivent avancer les fonds, ceux-ci n’étant remboursés qu’a posteriori par l’Union européenne. Auditionné par la Commission des affaires européennes le 15 octobre 2014, M. François Rebsamen a ainsi indiqué que si la France a été la première à mettre en place la Garantie – au point qu’on peut estimer qu’il s’agit à présent d’une garantie « à la française » puisque 4 800 jeunes Français sont déjà concernés – c’est grâce à un montage en cours avec la Caisse des dépôts et consignations. Il a précisé que tous les pays n’avaient pas cette facilité.

Notant que plusieurs pays en droit de bénéficier de l’enveloppe n’y avait pas encore eu accès, les fonds n’ayant à ce jour été engagés qu’au profit de la France et de l’Italie, le président Hollande a de son côté, lors du sommet de Milan, estimé que le déblocage des fonds pourrait s’obtenir par le raccourcissement des délais, un préfinancement des programmes et l’amplification du mécanisme par le biais de prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI).

2. Le nouveau Parlement européen en faveur d’une extension de la Garantie pour la jeunesse et l’accélération de la mise en place de l’Initiative pour l’emploi des jeunes

La lutte contre le chômage des jeunes est une priorité du nouveau Parlement européen, lequel, dès sa première session plénière du 17 juillet 2014, a adopté une résolution (33) à ce sujet, appelant notamment à étendre la Garantie pour la jeunesse aux 25-30 ans et à accélérer la mise en place de l’Initiative pour l’emploi des jeunes.

Cette résolution est intervenue dans un contexte défavorable pour la mise en œuvre de l’IEJ. Alors que Mme Angela Merkel avait déclaré en juin 2014 qu’ » aucun euro [de l’Initiative pour l’emploi des jeunes] n’avait encore été dépensé » (34), seules la France et l’Italie avaient en juillet dernier présenté un programme opérationnel exclusivement consacré à l’IEJ ; les autres États membres ayant traité cette question dans le cadre de leurs programmes opérationnels sur les fonds structurels (11 États membres avaient soumis des programmes opérationnels et 7 ne l’avaient pas encore fait).

Soumise par les groupes PPE, S&D, ALDE & Verts/ALE, la résolution a ainsi demandé à la Commission d’intégrer la réduction du chômage des jeunes dans les objectifs du semestre européen, et souhaité que des mesures de lutte contre le chômage des jeunes soient incluses dans les recommandations spécifiques par pays et les programmes nationaux de réforme, la Commission devant effectuer un suivi et un contrôle attentifs de ces mesures.

Estimant que le suivi de la mise en œuvre de la Garantie pour la jeunesse n’était pas transparent et que les États membres ne réalisaient aucun progrès en la matière, elle a enfin appelé à une surveillance efficace de la mise en œuvre de cette garantie, invitant la Commission à :

- assurer un suivi étroit des défis relevés dans les recommandations par pays de 2014 en ce qui concerne la qualité des offres et le manque de mesures proactives en faveur des NEET, les capacités administratives des services public de l’emploi et le manque d’engagement véritable avec toutes les parties prenantes ;

- identifier les meilleures pratiques qui pourraient servir de référence pour l’amélioration des programmes ;

- proposer un cadre juridique européen comprenant des normes minimales contraignantes pour la mise en œuvre des garanties pour la jeunesse, y compris en ce qui concerne la qualité de l’apprentissage, des salaires décents pour les jeunes et l’accès aux services publics de l’emploi, et couvrant également les jeunes âgés de 25 à 30 ans, lorsque les recommandations existantes relatives aux garanties pour la jeunesse ne sont pas respectées par les États membres.

Le Parlement européen a, de plus, invité les États membres à étendre la Garantie pour la jeunesse aux 6,8 millions de NEET âgés de 25 à 30 ans, ainsi qu’à prendre des mesures témoignant d’une ferme résolution à lutter contre le chômage des jeunes, notamment par des actions préventives contre l’abandon précoce des études ou par la promotion des cursus de formation et d’apprentissage (par exemple, en mettant en place un système éducatif à deux filières, ou tout autre système tout aussi performant).

Concernant l’Initiative pour l’emploi des jeunes, la résolution a souhaité l’accélération de sa mise en œuvre et appelé à la publication d’une communication sur cette mise en œuvre avant la fin de 2014 ainsi qu’à l’augmentation, dans le contexte de la révision post-électorale obligatoire du cadre financier pluriannuel, du budget alloué pour la période 2014-2020. A l’heure actuelle, sur vingt États membres concernés, seules la France et l’Italie ont bénéficié des fonds alloués.

La résolution a enfin souligné que les fonds de l’Union européenne, notamment au titre de l’Initiative pour l’emploi des jeunes, ne devraient pas être utilisés pour remplacer les approches nationales mais pour apporter un soutien supplémentaire aux jeunes en complément et en renforcement des programmes nationaux.

C. LA MISE EN PLACE RAPIDE ET EFFICACE DE LA GARANTIE POUR LA JEUNESSE EN FRANCE VA PERMETTRE D’AMPLIFIER LES EFFETS DES ACTIONS ENTREPRISES DEPUIS 2012 POUR L’EMPLOI DES JEUNES

1. Un programme opérationnel validé par la Commission européenne et qui permet de renforcer tous les volets de l’emploi des jeunes

Le budget déployé sur des actions éligibles à l’IEJ en France représente 620 millions d’euros pour 2014-2015, ce qui fait de la France le troisième État membre bénéficiaire derrière l’Espagne et l’Italie. Ces 620 millions d’euros vont être répartis nationalement et régionalement, sur les 16 régions éligibles, à hauteur de 432 millions d’euros pour le volet national et de 188 millions d’euros pour le volet régional. Les programmes opérationnels régionaux sont en cours de validation.

Le budget total du programme national s’élève à 470 millions d’euros, dont 432 millions européens – 216 de fonds IEJ et 216 de contreparties FSE – et 38 millions de cofinancement sur le budget national, soit 8 % du total.

Toutes les actions programmées avant 2015 seront éligibles à un remboursement, sur la base de justificatifs dûment appréciés et validés par la Commission, et selon les programmes opérationnels validés en amont.

L’IEJ va permettre de financer en France, sur le volet central du programme opérationnel national – 162 millions d’euros – en programmation 2014-2015 :

la garantie jeunes française : 75 millions d’euros pour 26 000 jeunes concernés en 2015 (pas de programmation pour 2014), soit le financement d’une entrée sur deux en 2015 ;

le service civique : 37 millions d’euros et 9 000 jeunes concernés entre 2014-15 (la majorité en 2015), soit le financement de moins d’une entrée sur quatre sur l’objectif de 40 000 en 2015 ;

- l’accompagnement dédié de Pôle emploi : 27 millions d’euros et 32 000 jeunes concernés en 2015 (pas de programmation en 2014) pour l’affectation de 700 conseillers dédiés et spécialement formés aux difficultés d’insertion professionnelle des jeunes ;

la formation d’emplois d’avenir : 20 millions d’euros et 10 000 jeunes concernés entre 2014-15 avec la mobilisation des OPCA ;

l’accompagnement de jeunes diplômés avec l’APEC : 3 millions d’euros et 7 000 jeunes concernés, diplômés qui ont des difficultés durables d’intégration professionnelle.

2. Les fonds IEJ : un levier en appui de la stratégie nationale en faveur des NEET

a. Un programme opérationnel français sous le sceau de la mobilisation organisationnelle et financière

Le Gouvernement français, souhaitant profiter de la dynamique organisationnelle et financière de la Garantie européenne pour la jeunesse, a mis en place un programme opérationnel qui, parmi les premiers, a été validé par la Commission européenne.

La stratégie du Gouvernement est d’utiliser les fonds de l’IEJ pour amplifier les politiques nationales qui sont développées depuis 2012 en faveur de l’emploi des jeunes. Il s’agit de créer une synergie pour avoir un effet multiplicateur.

La mise en œuvre de l’IEJ en France concerne tous les jeunes NEET de moins de 26 ans, ce qui recoupe à la fois les jeunes chômeurs indemnisés et les décrocheurs, qui ne fréquentent pas les services publics de l’emploi.

La mobilisation des crédits IEJ constitue un levier en appui de la stratégie nationale en faveur des NEET, autour de deux objectifs principaux :

- activer et accompagner les jeunes les plus en difficulté dans une première expérience professionnelle (emplois d’avenir et garantie jeunes) ;

- soutenir les embauches des jeunes dans le secteur marchand (contrats de génération, loi sur la sécurisation de l’emploi favorisant les embauches en CDI).

Les contrats aidés destinés aux jeunes en France

• L’emploi d’avenir est un contrat d’aide à l’insertion destiné aux jeunes âgés de 16 à 25 ans particulièrement éloignés de l’emploi, en raison de leur défaut de formation ou de leur origine géographique. Au cours de son activité salariée, le jeune en emploi d’avenir est suivi par un référent public, ainsi que par un tuteur choisi parmi les salariés ou les responsables de la structure employeuse. L’employeur perçoit une aide financière des pouvoirs publics. Lorsque celui est issu du secteur non marchand, il peut être en outre exonéré de certaines taxes et cotisation sociales.

• Le Contrat d’Insertion dans la vie sociale (CIVIS) a pour objectif d’accompagner les jeunes de 16 à 25 ans en grande difficulté vers un emploi durable ou dans un projet de création ou de reprise d’une activité non salariée. Dans le cadre de ce contrat, le jeune est également suivi par un référent. Il peut par ailleurs obtenir une aide financière complémentaire.

• Le Contrat Initiative Emploi (CUI-CIE) et le Contrat d’accès à l’Emploi (CUI-CAE) sont des contrats spécifiques destinés notamment aux jeunes de 16 à 25 ans. Ils ont pour objectif de faciliter le recrutement de personnes rencontrant des difficultés d’insertion professionnelle par des employeurs du secteur marchand (CIE) ou du secteur non marchand (CAE) via une aide accordé à l’employeur, en contrepartie d’engagements en matière d’accompagnement du salarié.

• Les emplois francs sont destinés à favoriser l’embauche de jeunes résidant dans les zones urbaines sensibles rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi. L’objectif est d’inciter les employeurs du secteur marchand à embaucher à durée indéterminée un jeune issu d’un milieu urbain difficile, via l’octroi d’une aide forfaitaire à l’embauche.

• Le contrat de génération est un dispositif d’aide à l’emploi visant à créer des binômes jeune-senior pour encourager l’embauche des jeunes et garantir le maintien dans l’emploi des seniors, tout en assurant la transmission des compétences. Ce dispositif prévoit, dans certains cas, une aide financière destinée à l’employeur pour toute embauche.

• Le dispositif "projet initiative-jeune" (PIJ) est une aide financière à la création ou à la reprise d’entreprise, accordée aux jeunes de 18 à 30 ans qui s’implantent dans certaines collectivités d’outre-mer.

b. La « Garantie jeunes » française : se concentrer sur les jeunes les plus en difficulté

La mise en œuvre de l’IEJ va de pair avec celle de la « Garantie jeunes », dispositif national concernant les NEET de moins de 26 ans qui se trouvent en rupture familiale et dans une situation de grande précarité.

Les dispositifs de Garantie jeunes française et de Garantie pour la jeunesse européenne, que l’on confond parfois, répondent aux mêmes enjeux : augmenter le taux d’emploi des jeunes, améliorer leur insertion sur le marché du travail et lutter contre le décrochage. Il s’agit en outre de renforcer notre compétitivité à long terme, en s’appuyant sur des jeunes formés et qualifiés dans des secteurs porteurs de croissance et d’emploi.

La Garantie jeunes vise à accompagner les jeunes les plus vulnérables pour les aider à rebondir et à s’insérer. Elle traduit la volonté, affichée par le Président de la République, de faire en sorte que les jeunes vivent mieux en 2017 qu’en 2012. Issue du Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale adopté le 21 janvier 2013, elle a été instituée à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2015.

La Garantie jeunes implique une démarche dynamique entre le jeune et les pouvoirs publics, reposant sur le principe du « donnant-donnant » pour favoriser son retour à l’autonomie. Dispositif d’accompagnement renforcé vers l’emploi, elle vient en complément des autres dispositifs destinés à favoriser l’insertion des jeunes : emplois d’avenir, contrats de génération, service civique, avec une allocation d’un montant équivalent au revenu de solidarité active (RSA) pendant les périodes sans emploi ni formation. Elle a été expérimentée dans dix territoires depuis octobre 2013, via les missions locales de :

- Montluçon, Moulins et Vichy, Cournon-d’Auvergne, Clermont-Ferrand, Thiers et Ambert (Allier et Puy-de-Dôme) ;

- Narbonne, Carcassonne et Limoux (Aude) ;

- Marseille, Berre-l’Étang, Martigues et La Ciotat (Bouches-du-Rhône) ;

- Évreux, Bernay, Val-de-Reuil et Vernon (Eure) ;

- Brest, Morlaix, Quimper et Centre Ouest Bretagne (Finistère) ;

- Agen, Marmande et Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) ;

- Avignon, Carpentras, Pertuis et Valréas (Vaucluse) ;

- Remiremont et ses vallées, Épinal, Plaine des Vosges et Saint-Dié (Vosges) ;

- Bobigny, Drancy, Le Blanc-Mesnil, Bondy, Montreuil et Pantin (Seine-Saint-Denis) ;

- Saint-Benoît, Saint-Denis, Saint-Paul et Sud Réunion (Réunion).

La Garantie jeunes comporte un accompagnement individuel et collectif des jeunes par les missions locales, permettant l’accès à une pluralité d’expériences professionnelles et de formations, en vue de construire ou de consolider un projet professionnel.

La Garantie jeunes est en effet un dispositif innovant reposant sur un certain nombre de principes traduisant des engagements réciproques :

- un geste de confiance vers les jeunes éloignés de l’emploi, en situation de grande précarité ;

- un engagement du jeune à aller vers l’autonomie en construisant avec son conseiller un parcours intensif d’accès à l’emploi et à la formation ;

- un engagement de l’État et de ses partenaires à l’accompagner dans ce parcours en l’aidant à déceler les opportunités d’emploi et en lui apportant un soutien financier indispensable à son insertion ;

- un engagement du Gouvernement : faire en sorte que les jeunes vivent mieux en 2017 qu’en 2012 et lutter contre la pauvreté des jeunes ;

- un engagement de l’Union européenne au travers de la Garantie européenne pour la jeunesse.

Les engagements respectifs du jeune et de la mission locale font l’objet d’un contrat conclu pour une durée maximale d’un an, renouvelable :

- le jeune s’engage à s’investir pleinement, à suivre un accompagnement personnalisé, à rechercher des opportunités d’emploi et à accepter les mises en situation professionnelle, ainsi qu’à déclarer chaque mois ses ressources d’activité ;

- la mission locale s’engage à accompagner le jeune avec des ateliers collectifs et un conseiller référent, à l’aider à résoudre ses difficultés en matière de mobilité, de santé, de logement etc., avec les partenaires du territoire, à appuyer le jeune dans sa recherche d’expériences d’emploi et de formation. Chaque mission locale participant à l’expérimentation reçoit 1 600 euros de crédits d’accompagnement par jeune et par an.

L’État préside la commission d’attribution et de suivi de la Garantie jeunes, garant du versement de l’allocation, de la qualité de l’accompagnement et de la mobilisation de l’ensemble des partenaires du territoire, il assure l’essentiel du financement avec l’appui de fonds européens. Pour 2014, 30 millions d’euros avaient été budgétés dans le PLF.

Le Conseil général siège dans la commission d’attribution et de suivi aux côtés de l’État, il met ses compétences en matière d’action sociale au service des jeunes et participe à leur repérage.

Les entreprises, enfin, proposent aux jeunes des mises en situations professionnelles (stages, immersions, contrats de travail) pour leur permettre d’enrichir leur expérience et de développer leurs compétences.

Le Premier ministre en clôture de la troisième grande Conférence sociale le 8 juillet 2014, puis le ministre du Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, ont annoncé l’amplification du dispositif ainsi que la sanctuarisation des moyens nécessaires. Malgré un contexte budgétaire difficile, le Gouvernement en fera bénéficier 50 000 jeunes dès 2015, puis 100 000 d’ici 2017. En outre, 51 territoires supplémentaires correspondant au ressort d’une ou plusieurs missions locales mettront en œuvre la Garantie jeunes, suite à un appel à candidature lancé auprès des préfets de région et des missions locales, qui a rencontré beaucoup de succès. De ce fait, 60 % des quartiers prioritaires de la politique de la ville seront couverts dès 2015.

Le budget de la Garantie jeunes comprend un volet allocation – 445 euros par mois pour un an – et un volet crédits d’accompagnement de 1 600 euros par jeune, versé aux missions locales. Un cofinancement européen de l’allocation et de l’accompagnement sera mis en place à partir de 2015 sur la base d’un forfait de 3 100 euros par jeune, dès lors qu’il répond aux critères de cofinancement : zone éligible à l’IEJ, profil « NEET ». Les crédits européens prendront en charge 92 % de ce forfait de 3 100 euros par jeune.

II. STAGES, APPRENTISSAGE, MOBILITÉ, CREATION D’ENTREPRISE : L’EUROPE SE MOBILISE POUR L’EMPLOI DES JEUNES

Outre l’Initiative pour l’emploi des jeunes, le paquet « Emploi jeunes » comprend deux autres mesures axées sur l’apprentissage et les stages ; il a de plus été complété par l’initiative « Erasmus pour les entrepreneurs » et le programme « Ton premier emploi Eures », qui vise à améliorer les conditions de la mobilité des jeunes en Europe.

A. LE CADRE DE QUALITÉ POUR LES STAGES : UNE AVANCEE POSITIVE MAIS INSUFFISANTE

Les stages peuvent aider les jeunes à améliorer leur aptitude à l’emploi en leur offrant un tremplin vers le monde professionnel. Cependant, leur efficacité et leur qualité ne sont pas toujours garanties tandis qu’il n’est pas rare que de faux stages se substituent à de vrais emplois.

Les jeunes eux-mêmes sont conscients de cette réalité, sujet récurrent d’inquiétude pour la jeunesse européenne. Plusieurs études et sondages ont récemment confirmé ces préoccupations, notamment les problèmes liés à la faiblesse des contenus pédagogiques et aux mauvaises conditions de travail. Une grande partie des stages proposés aujourd’hui en Europe, peu satisfaisants, et remplacent bien souvent des emplois de début de carrière. Par ailleurs, la proportion de jeunes effectuant un stage à l’étranger reste très faible, principalement en raison d’un manque d’information sur les réglementations nationales régissant les stages.

Rares sont les pays membres de l’Union qui, jusqu’ici, ont entrepris des réformes pour améliorer les conditions de travail et le contenu pédagogique des stages ; la France fait à cet égard figure de modèle. C’est pourquoi l’Union européenne cherche à promouvoir des stages de qualité afin d’atteindre deux objectifs plus généraux : la facilitation de la transition des jeunes du monde de l’éducation à celui du travail, et l’accroissement de la mobilité géographique des jeunes.

1. Une réglementation européenne sur les stages qui demeure insuffisante…

L’Union européenne ne dispose pas de réelle réglementation sur les stages : la « Charte de qualité pour les stages », présentée par la Commission européenne le 4 décembre 2013, n’est qu’incitative ; premier pas à saluer, elle demeure insuffisante pour constituer un réel encadrement des stages au niveau de l’Union.

Cette situation n’est pas vraiment préjudiciable à la France qui possède une réglementation à la pointe en la matière, notamment depuis l’adoption de la loi n°2014-788 du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires (35). Mais la situation des stagiaires dans les autres pays n’est pas aussi sécurisée juridiquement que dans le nôtre, et la nécessité d’une réglementation à l’échelle européenne est réelle.

Dans le cadre de la révision à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne par l’Union européenne, la France et l’Allemagne, de concert avec la Suède et l’Espagne, ont proposé un Pacte européen pour la jeunesse, adopté par le Conseil européen des 22 et 23 mars 2005. Ce pacte prévoyait de placer les jeunes au cœur des politiques de l’Union européenne, en particulier dans les domaines suivants : emploi, intégration et promotion sociale, éducation, formation et mobilité, conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale.

En 2007, la Commission a élaboré un document de travail sur l’emploi des jeunes dans l’Union. Les questions de l’encadrement et de la qualité des stages ont ensuite été abordées dans le cadre de la stratégie Europe 2020. Dans la droite ligne de cette stratégie, la Commission a lancé en 2010 l’initiative « Jeunesse en mouvement », qui constitue un ensemble d’initiatives destinées aux jeunes de l’Union. Au même moment, le Parlement européen a adopté un Rapport d’initiative sur la promotion de l’accès des jeunes au marché du travail, le renforcement du statut des stagiaires, du stage et de l’apprenti, en mars 2010.

Suite à ces deux actes, la Commission a annoncé qu’elle proposerait un cadre de qualité pour les stages.

Dans sa résolution de mai 2011 relative au dialogue structuré sur l’emploi des jeunes, le Conseil a affirmé qu’il était « souhaitable d’établir un cadre de qualité pour les stages afin de garantir la valeur éducative de ce type d’expérience. » Les conclusions du Conseil de juin 2011, intitulées « Promouvoir l’emploi des jeunes pour atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020 », invitaient la Commission à proposer des orientations concernant les conditions de nature à garantie la qualité élevée des stages au moyen d’un cadre de qualité pour les stages.

En décembre 2011, la Commission a lancé « l’Initiative sur les perspectives d’emploi des jeunes » dans laquelle elle recommandait aux États membres d’utiliser les moyens financiers mis à disposition afin d’accroitre l’offre de stage, et a réaffirmé sa volonté de présenter un cadre de qualité pour les stages d’ici 2012.

En juin 2012, dans sa résolution intitulée « Vers une reprise riche en emplois », le Parlement européen a invité la Commission à soumettre dans les plus brefs délais une proposition de recommandation du Conseil sur un cadre de qualité pour les stages et à définir des règles minimales pour l’offre et l’accomplissement des stages de qualité.

Des consultations publiques ont alors été réalisées entre avril et juillet 2012 avec les syndicats, les ONG, les mouvements de jeunesse, établissements d’enseignement et des particuliers. En octobre 2012 et février 2013, des consultations officielles ont été menées auprès des partenaires sociaux plus particulièrement, conformément aux articles 154 et 155 du TFUE. Ils ont alors réaffirmé le même point de vue que lors des consultations publiques : les syndicats ont plaidé pour une initiative plus ferme, tandis que les représentants des employeurs se sont dits préoccupés par le manque de souplesse et les contraintes imposées aux entreprises.

Le cadre de qualité pour les stages est alors devenu l’une des initiatives annoncées dans le cadre du « Paquet emploi jeunes » de décembre 2012, mais cette initiative est restée en deçà de ce que la Commission aurait souhaité.

Après que le Conseil européen ait annoncé dans ses conclusions de juin 2013 que le cadre de qualité pour les stages serait mis en place pour 2014, et en réaction au fort taux de chômage des jeunes dans plusieurs des États membres de l’Union, la Commission a proposé une proposition de recommandation du Conseil sur les stages avec pour objectif de garantir que les stages facilitent efficacement le passage du système éducatif au monde du travail et contribuent ainsi à une plus grande employabilité des jeunes. Cette proposition a tracé des lignes directrices susceptibles de garantir un contenu d’apprentissage de haute qualité et de conditions de travail correctes. Elle a également décrit de quelle manière la Commission soutiendra l’action des États membres, au moyen du cadre de financement de l’Union et par un échange de bonnes pratiques et des mesures de suivi.

La Commission a en outre invité les États membres à veiller à ce que les législations ou pratiques nationales respectent les principes énoncés dans les lignes directrices et, le cas échéant, à adapter leur législation. Ces dernières portent sur la conclusion d’une convention de stage, la reconnaissance du stage, des exigences de transparence et la participation des partenaires sociaux. Elles promeuvent également les stages transnationaux et l’utilisation des fonds structurels et d’investissement.

La Commission a de plus demandé aux États membres de veiller à ce que les principes énoncés dans les lignes directrices soient respectés dans le droit national et la pratique, et d’adapter leur législation si nécessaire. La Commission a aussi proposé que tous les stages d’apprentissage reposent dorénavant sur une convention écrite signée à l’avance par le stagiaire et le fournisseur de stage, ce document devant notamment préciser les droits et les obligations des parties, y compris les limites applicables en matière de temps de travail, la couverture sociale (accident, maladie, etc.).

La Commission a enfin estimé que le stage d’apprentissage ne devrait pas durer plus de 6 mois, à moins que des périodes plus longues soient justifiées (programme de formation en interne effectué dans un autre État membre dans des perspectives d’embauche ou d’apprentissage), et considéré que les deux parties devraient avoir la possibilité de mettre fin au stage moyennant une notification écrite effectuée deux semaines avant la fin.

Bien que représentant une avancée incontestable, cette proposition demeure cependant des besoins réels ; elle est en retrait par rapport aux propositions du Parlement européen qui, en 2010, avait adopté une résolution sur la promotion de l’accès des jeunes au marché du travail, le renforcement du statut des stagiaires, du stage et de l’apprenti. Ce rapport d’initiative demandait en effet à la Commission européenne, détentrice du monopole de l’initiative, d’élaborer une charte européenne de qualité en matière de stages établissant au niveau européen de normes minimales : description de l’emploi ou des qualifications à acquérir, indication de la durée maximale des stages, indemnités minimum basées sur le coût de la vie du lieu où se déroule le stage conformément aux usages nationaux, assurance sur le lieu de travail, prestations de sécurité sociale selon les normes locales.

Ce recul par rapport à ce qui avait été envisagé, espéré même, s’explique par le blocage des partenaires sociaux représentants le patronat.

Le texte proposé par la Commission européenne apparaît donc problématique à plusieurs égards.

D’une part, il ne concerne pas les stages qui s’inscrivent dans une cursus universitaire ou une filière professionnelle, ni ceux qui relèvent de la formation professionnelle obligatoire, et ne s’applique qu’aux stages effectués dans ce que la Commission qualifie de « marché libre », c’est-à-dire sans intervention d’une tierce partie, le plus souvent au sortir des études et dans le contexte d’une recherche d’emploi. Or, ces stages hors du cursus d’études sont interdits en France par la loi ; on bute ainsi sur un problème de définition des stages, les stages ne recoupant pas la même réalité pour la Commission européenne et la législation française.

D’autre part, il ne comporte aucune mention concernant la rémunération des stages, cette question n’étant pas même abordée. Il s’agit pourtant là d’un point crucial.

Enfin, il n’est pas contraignant, la recommandation n’ayant qu’une portée indicative et aucune valeur juridique impérative.

2. ... mais qui est le signe de la volonté de doter l’Union d’une réglementation sur les stages qui favorise les conditions d’une saine mobilité des stagiaires

Bien que peu de chiffres consolidés soient disponibles, il apparaît évident que la mobilité des stagiaires se développe au niveau européen. Effectuer un stage dans un autre pays de l’Union est un atout pour les jeunes, qui participe de leur intégration sur le marché du travail.

La recommandation de la Commission européenne, malgré ces imperfections, demeure un premier pas positif, et ce sur plusieurs points, qui visent à offrir une plus grande transparence par rapport au contenu d’apprentissage et aux conditions de travail offertes aux stagiaires, afin que les stages facilitent réellement le passage du système éducatif au monde du travail et contribuent ainsi à une plus grande employabilité des jeunes. La Commission recommande notamment aux États membres :

- la conclusion d’une convention de stage écrite qui définisse les obligations réciproques du stagiaire et du fournisseur de stage ;

- la définition des objectifs d’apprentissage et la désignation d’un tuteur pour le stagiaire ;

- le respect des droits des stagiaires, notamment en termes d’horaires de travail et de congés et d’assurance sociale ;

- de veiller à ce que les stages aient une durée raisonnable ne dépassant pas six mois (sauf cas justifiés) ;

- de préciser dans quelles circonstances et conditions un stage peut être renouvelé.

En outre, et c’est un point très important, la Commission invite les États membres à favoriser la mobilité transfrontalière des stagiaires, notamment dans l’Union, en clarifiant le cadre juridique national applicable aux stages sur le marché libre, en définissant des règles claires concernant l’accueil des stagiaires nationaux vers d’autres États membres et en allégeant les formalités administratives.

Elle souhaite aussi que soit encouragé le recours au réseau élargi EURES et l’échange d’informations sur les stages via ce portail, et que les services publics soient incités à l’utiliser.

B. L’ALLIANCE EUROPÉENNE POUR L’APPRENTISSAGE

1. Promouvoir l’apprentissage en Europe pour favoriser l’emploi des jeunes

Lancée le 2 juillet 2013 à Leipzig, en Allemagne, l’Alliance européenne pour l’apprentissage vise à renforcer la qualité, l’offre et l’attrait de l’apprentissage en Europe et à faire évoluer les mentalités à l’égard de ce type de formation. Il s’agit d’une plateforme qui rassemble des acteurs clés des secteurs de l’emploi et de l’éducation, dans l’optique de coordonner et d’améliorer les différentes initiatives, qui permettront d’aboutir à des programmes fructueux fondés sur l’échange et le recensement des programmes qui obtiennent les meilleurs résultats dans l’Union européenne.

Le 15 octobre 2013, le Conseil ESPCO a publié une déclaration de soutien à l’Alliance, rappelant qu’un apprentissage de qualité constitue un moyen efficace d’améliorer une bonne transition entre l’école et le travail, notamment en améliorant l’adéquation entre la formation et les besoins du marché du travail.

2. La Garantie pour la jeunesse et l’apprentissage

La promotion de l’apprentissage fait partie intégrante de la Garantie pour la jeunesse. La recommandation du Conseil d’avril 2013 a en effet appelé les États membres à veiller à ce que tous les jeunes de moins de 25 ans aient accès à une offre de qualité en matière d’emploi, de formation complémentaire, d’apprentissage ou de stage dans les quatre mois suivant la fin de leur scolarité ou la perte de leur emploi.

Des programmes d’apprentissage de qualité, intégrant une formation par le travail et un enseignement à l’école, constituent un facteur important de la réussite de la Garantie pour la jeunesse. La réforme de l’apprentissage est l’une des étapes cruciales du calendrier d’exécution de la Garantie pour la jeunesse à long terme. Ce constat transparaît d’ailleurs dans les conseils formulés par la Commission, tant dans la phase de planification qu’après la soumission par les États membres de leurs plans de mise en œuvre de la garantie.

3. Garantir un apprentissage de qualité

Pour offrir un apprentissage de qualité, différents facteurs entrent en jeu. La durée de l’apprentissage doit permettre à l’intéressé d’acquérir des compétences significatives et d’accumuler de l’expérience. En outre, un apprentissage certifié par une qualification reconnue à l’échelle nationale contribue à en accroître la valeur. Pour adapter véritablement les programmes d’apprentissage aux besoins du marché du travail, il est fondamental de nouer des partenariats avec les partenaires sociaux au niveau de la conception, de la mise en œuvre et de la gestion des apprentissages, de même qu’avec d’autres parties prenantes pouvant être, le cas échéant, des intermédiaires tels que les chambres de commerce, d’industrie et d’artisanat et les organisations professionnelles et sectorielles.

La Commission estime que l’apprentissage doit impérativement être perçu comme une mesure préventive de lutte contre le chômage des jeunes à moyen et à long termes, et considère ainsi qu’il importe de mettre en œuvre les réformes structurelles nécessaires.

Elle estime en outre que si l’Union prévoit une enveloppe financière significative pour les actions prises dans ce domaine, il faut, pour garantir un impact réel, que les États membres accordent une place prioritaire aux mesures en faveur de l’apprentissage dans leurs budgets nationaux. Le Fonds social européen (FSE) peut contribuer à soutenir la réforme de l’apprentissage et les initiatives visant à intensifier l’offre et la qualité de l’apprentissage.

Le programme Erasmus + finance quant à lui des expériences de formation à l’étranger pour les étudiants, les apprentis et les formateurs. Il apporte également son concours financier à des partenariats stratégiques entre les prestataires de services d’éducation et de formation et les entreprises, de même qu’aux initiatives de réforme destinées à consolider les programmes d’apprentissage.

4. Les actions de la Commission en faveur de l’apprentissage

La Commission suivra les recommandations par pays en matière d’apprentissage à travers le processus annuel du semestre européen, notamment par l’analyse des plans de mise en œuvre de la Garantie pour la jeunesse et par le suivi des engagements pris au titre de l’Alliance européenne pour l’apprentissage.

Le groupe de travail « Éducation et formation 2020 » sur l’apprentissage, qui fait partie de la méthode ouverte de coordination, facilite le dialogue entre les représentants des États membres, en vue d’encourager les échanges et de préparer des orientations sur les défis propres à l’apprentissage et à la formation par le travail. Il aborde des questions telles que la gouvernance et les cadres réglementaires, l’aide aux PME, les formateurs en entreprise et la qualité.

Le programme Erasmus + pour l’enseignement et la formation professionnels contribue à la réalisation des objectifs européens en matière d’emploi et de croissance (voir infra), fixés notamment dans le cadre de la stratégie Europe 2020.

C. FAVORISER LA MOBILITÉ DES JEUNES ETUDIANTS ET DES JEUNES TRAVAILLEURS DANS L’UNION EUROPÉENNE

1. Favoriser la mobilité des jeunes pendant leurs études ou leur formation

Bien que l’éducation et les politiques d’emploi fassent partie des compétences nationales, l’Union européenne est soucieuse de répondre aux attentes des jeunes concernant la mobilité et l’adaptabilité, atouts indispensables sur le marché du travail. C’est pourquoi elle a mis en place des actions incitatives dans le cadre du Programme pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (EFTLV).

Ce programme phare se décline en quatre sous-programmes dont trois concernent principalement la mobilité des jeunes : Comenius – pour l’enseignement scolaire, Erasmus – pour l’enseignement supérieur, et Leonardo da Vinci – pour l’enseignement et la formation professionnels.

En France, ces programmes sont gérés par l’agence Eramus +.

a. Le programme Erasmus + pour l’enseignement et la formation professionnels

Le programme Erasmus + pour l’enseignement et la formation professionnels contribue à la réalisation des objectifs européens en matière d’emploi et de croissance fixés notamment dans le cadre de la stratégie Europe 2020 :

- rapprocher les mondes de l’éducation et du travail en adaptant les formations aux besoins du marché et en anticipant les besoins futurs en matière de compétences et de qualification ;

- accroître la mobilité des apprenants, des formateurs, des personnels ;

- développer une compréhension commune des compétences, qualifications, certifications dans le domaine de la formation professionnelle ;

- développer la reconnaissance des acquis d’apprentissage en lien avec les cadres européens (Europass, ECVET, Cadre Européen des Certifications).

Le programme favorise les actions de mobilité en Europe entre les pays participants au programme, pour les élèves, les enseignants, les formateurs, ainsi que l’ensemble des personnels des organismes actifs dans le champ de l’éducation et de la formation professionnelle.

Il facilite également les actions de coopération par le biais des partenariats stratégiques et des alliances sectorielles.

b. Le programme Erasmus + pour l’enseignement supérieur

Le programme Erasmus + pour l’enseignement supérieur contribue à la réalisation d’un espace européen de l’enseignement supérieur en poursuivant plusieurs objectifs dont :

- l’amélioration de la qualité et le renforcement de la dimension européenne de l’enseignement supérieur ;

- l’accroissement de la mobilité des étudiants, des enseignants et du personnel universitaire ;

- le renforcement de la coopération multilatérale ;

- la transparence et la reconnaissance des qualifications acquises.

Le programme favorise les actions de mobilité en Europe et, bientôt à l’international, pour les étudiants (périodes d’études ou de stage), le personnel enseignant, ainsi que l’ensemble des personnels des établissements d’enseignement supérieur.

Il facilite également les actions de coopération par le biais des partenariats stratégiques, des alliances de la connaissance ou des projets de développement des capacités.

Pour participer aux différentes actions du programme, les établissements d’enseignement supérieur doivent être titulaires de la Charte Erasmus + pour l’Enseignement supérieur (ECHE).

c. Le programme Erasmus + pour l’enseignement scolaire

Pour atteindre ses objectifs en matière de croissance, l’Union Européenne mise sur l’éducation et la formation, et ce dès le plus jeune âge. Le programme Erasmus + pour l’enseignement scolaire s’inscrit dans une approche tournée vers le développement des compétences et d’un environnement favorable à la réussite de tous, en s’attachant notamment à la réalisation des objectifs suivants :

- lutter contre le décrochage scolaire ;

- développer les compétences clés ;

- renforcer la coopération entre acteurs de l’éducation formelle et non formelle ;

- améliorer la qualité de l’enseignement grâce aux échanges entre pairs.

Le programme favorise ainsi les actions de mobilité en Europe pour les enseignants et l’ensemble des personnels des établissements scolaires de l’enseignement général, technique ou professionnel, de la maternelle au lycée (jusqu’au baccalauréat).

Il facilite également les actions de coopération par le biais des partenariats stratégiques, et de la plateforme « eTwinning ». Toutes les mobilités d’élèves s’inscrivent dans les partenariats stratégiques.

2. Aider les jeunes à trouver un emploi en Europe :

a. Le portail EURES

Les services européens de l’emploi EURES sont un réseau de coopération qui a pour vocation de faciliter la libre circulation des travailleurs au sein de l’Espace économique européen ; la Suisse y participe également. Parmi les partenaires du réseau figurent les services publics de l’emploi, les syndicats et les organisations d’employeurs. La Commission européenne assure la coordination du réseau.

Les principaux objectifs d’EURES sont les suivants :

informer, guider et conseiller les travailleurs potentiellement mobiles en ce qui concerne les possibilités d’emploi ainsi que les conditions de vie et de travail dans l’Espace économique européen ;

assister les employeurs souhaitant recruter des travailleurs dans d’autres pays ;

conseiller et guider les travailleurs et les employeurs des régions transfrontalières.

Le réseau EURES se concentre spécifiquement sur la mobilité des jeunes. Le programme « Ton premier Emploi Eures » a ainsi pour objectif d’aider les jeunes à Européens à trouver un emploi, un stage ou un apprentissage dans un autre pays de l’UE. Il fait partie du programme « Jeunesse en mouvement » et de l’Initiative sur les perspectives d’emploi des jeunes. Il pourrait être intégré dans les programmes nationaux de Garantie pour la jeunesse, qui prévoient une coopération avec d’autres pays de l’UE.

L’objectif de « Ton premier emploi EURES », tel que fixé pour 2015, est d’aider environ 5 000 personnes à trouver un emploi dans un pays de l’Union autre que leur pays d’origine. Dans le cadre de cette initiative, les services nationaux de l’emploi apportent, aux jeunes demandeurs d’emploi et aux entreprises souhaitant recruter du personnel d’un autre pays que celui dans lequel elles sont établies, un soutien de diverse nature : information, recrutement, adéquation de l’offre et de la demande, placement et financement.

Les citoyens de l’Union âgés de 18 à 30 ans et vivant dans un des pays de l’Union peuvent bénéficier de cette aide, ainsi que tous les employeurs qui exercent une activité légale dans un pays de l’Union et offrent des contrats d’une durée minimale de six mois, ainsi qu’une rémunération et des conditions conformes au droit du travail national.

Le programme finance des cours de langue ou d’autres types de formations. Il couvre également les frais de déplacement des jeunes qui postulent pour un emploi ou une formation en alternance, afin qu’ils puissent participer aux entretiens d’embauche et s’installer dans un autre pays de l’Union s’ils sont engagés.

Les entreprises employant moins de 250 travailleurs peuvent demander un soutien financier couvrant les coûts de formation des nouveaux travailleurs, des stagiaires ou des apprentis, ainsi que leurs frais d’installation.

À ce jour, ce service n’existe que dans neuf pays : Allemagne, Espagne, Grèce, Irlande, Italie, Pays-Bas, Portugal, Slovénie et Suède.

b. Le rôle du réseau des services publics de l’emploi dans la mise en œuvre de la Garantie pour la jeunesse

Les services publics de l’emploi (SPE) des pays de l’Union européenne ont pour mission de mettre en contact des demandeurs d’emploi avec des employeurs. Bien que leurs structures soient différentes d’un pays à l’autre, tous contribuent à faire coïncider l’offre et la demande sur le marché du travail en fournissant des informations, ainsi que des services de placement et de soutien au niveau local, national et européen.

Le réseau européen des services publics de l’emploi englobe les 28 pays de l’UE, auxquels s’ajoutent la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et la Suisse. Présidé par la Commission européenne, il vise à :

- exploiter au mieux l’apport de ses membres à la stratégie européenne pour l’emploi et aux politiques nationales correspondantes ;

- améliorer la qualité du service grâce à l’apprentissage mutuel et à l’examen par les pairs et aux documents d’analyse, ainsi que par des discussions approfondies au sein des groupes de travail ou de réunions et conférences de haut niveau ;

- contribuer aux discussions entre décideurs et acteurs politiques au niveau européen, en publiant des documents d’orientation sur des thèmes spécifiques comme la flexsécurité ou les nouvelles compétences pour de nouveaux emplois.

Le réseau des services publics de l’emploi, et les services publics de l’emploi nationaux eux-mêmes, ont un rôle majeur à jouer dans la mise en œuvre de la Garantie pour la Jeunesse.

Ce sont en effet des acteurs centraux de la mise en œuvre de la garantie dans la plupart des pays membres, que ce soit au titre de pilote ou d’acteur secondaire. Les services publics de l’emploi sont ainsi responsables de la mise en œuvre de la garantie dans douze États membres, dont l’Autriche, la Finlande, le Danemark, l’Italie, le Portugal, et la Grande-Bretagne. Dans les pays où ils ne sont pas responsables au premier titre de la mise en œuvre de la garantie, ils jouent cependant un rôle important de support, dans la recherche d’emploi et le conseil aux demandeurs d’emploi.

Ils ont en outre un rôle particulièrement important pour la recherche des NEET, ainsi que dans la détermination d’offres de qualité pour les jeunes, et, le cas échéant, dans la mise en place d’un service d’aide personnalisé.

D. PROMOUVOIR LA CREATION D’ENTREPRISE : LE PROGRAMME ERASMUS POUR JEUNES ENTREPRENEURS

Le programme « Erasmus pour jeunes entrepreneurs » est un programme d’échanges transfrontaliers qui offre aux jeunes et aux futurs entrepreneurs la possibilité de se former auprès d’entrepreneurs chevronnés dirigeant de petites entreprises dans les pays participants.

Cet échange d’expériences permet aux nouveaux entrepreneurs d’acquérir, au contact d’un entrepreneur expérimenté, les compétences indispensables à la bonne gestion d’une petite entreprise. L’entrepreneur d’accueil bénéficie quant à lui d’un regard neuf sur son entreprise. C’est également l’occasion pour lui de coopérer avec des partenaires étrangers ou d’en savoir plus sur de nouveaux marchés.

Le programme « Erasmus pour jeunes entrepreneurs » est financé par la Commission européenne et agit via des points de contact locaux habitués à fournir une aide aux entreprises, comme les chambres de commerce, les centres d’aide à la création d’entreprises, les incubateurs, etc.

L’aide financière octroyée aux nouveaux entrepreneurs contribue aux frais de voyages du pays d’origine vers le pays d’accueil ainsi qu’aux dépenses liées au séjour (notamment en ce qui concerne le logement). Cette aide est versée par l’organisation intermédiaire du nouvel entrepreneur. Le montant de cette aide et les conditions qui l’accompagnent font l’objet d’un accord entre le nouvel entrepreneur et son organisation intermédiaire.

L’AIDE FINANCIERE VERSEE PAR LES ORGANISATIONS INTERMEDIAIRES
AUX NOUVEAUX ENTREPRENEURS DANS LE CADRE DU PROGRAMME « ERASMUS POUR LES JEUNES ENTREPRENEURS »

Pays de séjour

Montant mensuel par mois durant le séjour

Albanie

530

Autriche

900

Belgique

830

Bulgarie

560

République tchèque

610

Croatie

720

Chypre

780

Danemark

1100

Allemagne

830

Estonie

670

France

900

Finlande

950

ARYM

560

Grèce

780

Islande

900

Irlande

1000

Israël

950

Italie

900

Lettonie

610

Lituanie

560

Liechtenstein

1100

Luxembourg

830

Hongrie

670

Malte

720

Monténégro

560

Pays-Bas

830

Norvège

1100

Pologne

610

Portugal

780

Roumanie

560

Serbie

560

Slovénie

720

Slovaquie

610

Espagne

830

Suède

950

Turquie

750

Royaume-Uni

1000

Source : www.erasmus-entrepreneurs.eu

QUATRIEME PARTIE : PROPOSITIONS DE LA MISSION

I. LES PROPOSITIONS À L’UNION EUROPÉENNE : INTENSIFIER LA LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE DES JEUNES

1. Créer les conditions pour renouer avec la croissance et l’emploi

Les politiques d’austérité menées en Europe par la précédente Commission n’ont pas fait la preuve de leur efficacité pour renouer avec la croissance et l’emploi ; 27 millions de nos concitoyens sont au chômage tandis que plus de 120 millions d’entre eux sont au niveau, ou en-deçà, du seuil de pauvreté, dont un quart de jeunes.

La création d’emplois, défi particulièrement décisif pour les jeunes, doit demeurer une priorité des politiques de l’Union. Mais la création d’emploi ne peut se faire sans une politique de croissance à l’échelle européenne, seule à même de créer ces emplois. C’est pourquoi votre Rapporteur se réjouit de la mise en place du plan Juncker d’investissement de 315 milliards d’euros, et du soutien qu’il a reçu de la part des chefs d’État et de gouvernement de l’Union en décembre 2014.

L’Europe doit-en outre se doter d’une politique industrielle ambitieuse ; elle doit aussi soutenir l’économie sociale et les petites et moyennes entreprises et promouvoir les technologies vertes innovantes, afin de rendre nos économies plus performantes. Ceci devra nécessairement s’accompagner du maintien des efforts en faveur de la lutte contre le dumping social, ainsi que de la définition de règles claires assurant une réelle justice sociale, en garantissant l’égalité de rémunération pour un travail équivalent, la protection des droits des travailleurs et la qualité de l’emploi. L’Union ne peut pas, en outre, faire l’économie d’une réflexion sur la question du salaire minimum en Europe, et sur celle d’une véritable coordination des politiques économiques et fiscales, afin notamment de lutter contre l’évasion fiscale – qui représente environ 1 000 milliards d’euros chaque année.

Au-delà, il convient aussi, et parallèlement, de continuer à se concentrer sur des mesures efficientes pour lutter contre les causes structurelles du chômage des jeunes, en soutenant les jeunes les plus en difficulté, en dotant l’ensemble des jeunes des compétences requises pour l’avenir, en favorisant leur mobilité géographique et professionnelle et en les aidant dans la transition entre système éducatif et emploi.

2. Créer les conditions d’une pleine mise en œuvre de la Garantie pour la jeunesse

La réussite de la Garantie pour la jeunesse est un enjeu majeur tant pour les jeunes que pour la consolidation de l’Europe sociale tandis que son échec serait un message extrêmement négatif à l’attention de la jeunesse européenne. Pour cela, la Commission et les gouvernements des États membres doivent se mobiliser et réfléchir ensemble aux améliorations à apporter au dispositif actuel, encore imparfait.

a. Demander à la Commission d’accélérer la validation des programmes opérationnels et de demeurer vigilante quant à leur contenu

Les États membres sont tenus, pour obtenir des ressources issues de l’IEJ, de présenter un programme opérationnel (PO) exposant les objectifs poursuivis. À ce jour, l’ensemble des 20 États membres éligibles ont présenté leur programme opérationnel ; ceux de la France, de l’Italie et de la Lituanie ont été approuvés et les premiers versements ont été effectués. La Commission européenne a annoncé que 27 des 34 programmes présentés par les différentes régions ou pays seraient probablement approuvés d’ici la fin de 2014.

Il convient de veiller à ce que le dynamisme de cette mise en place ne s’essouffle pas. Votre Rapporteur espère que la Commission européenne fera diligence pour l’approbation des programmes présentés.

En outre, pour être utile, l’utilisation des crédits de l’IEJ doit se concentrer sur des actions concrètes et d’investissement ; il faut donc que la Commission soit vigilante quant aux programmes opérationnels, qui doivent se concentrer sur les réformes structurelles et éviter le saupoudrage, inefficace.

Enfin, cette « Garantie » n’a de garantie que le nom – il ne s’agit pas d’un dispositif obligatoire et automatique – et il conviendrait que la Commission s’interroge sur les moyens de rendre le dispositif plus effectif.

b. Envisager un changement de périmètre de la Garantie pour la jeunesse

Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur l’opportunité d’étendre la Garantie pour la jeunesse aux jeunes de 25 à 30 ans : Parlement européen, Comité économique et social européen (CESE), Comité des régions, associations.

Cette extension répond au souci d’offrir un dispositif d’accompagnement aux 25-30 ans qui souffrent aussi beaucoup du chômage. Si cette extension devait s’opérer, celle-ci aboutirait inévitablement à une dilution des sommes allouées, entrainant un risque non négligeable de saupoudrage et de baisse d’efficacité du dispositif. Elle devrait ainsi nécessairement s’accompagner d’une augmentation des sommes allouées à l’IEJ.

La question du périmètre régional de la Garantie doit elle aussi être soulevée. À l’heure actuelle, tant la Garantie pour la jeunesse que l’Initiative pour l’emploi des jeunes s’adressent aux régions dont le taux de chômage des jeunes est supérieur à 25 %. Or, il existe dans certaines régions riches des poches subrégionales à fort taux de chômage des jeunes. Il serait sans doute utile de permettre une meilleure définition des territoires éligibles, à l’initiative des États membres eux-mêmes et non de la Commission.

c. Améliorer les conditions de préfinancement et de cofinancement de l’IEJ

Au-delà de la question du montant qui, on l’a vu, demeure discutée, les règles de financement de l’Initiative pour l’emploi des jeunes font l’objet de vives critiques (voir infra). L’outil budgétaire est inadapté :

– d’une part, la part de préfinancement, qui s’élève à 1 %, est trop faible, et ne permet pas aux pays les plus en difficultés de mettre en œuvre les projets dont ils ont besoin ;

– d’autre part, les modalités du cofinancement sont peu claires : doit-on appliquer les règles du FSE ou des règles propres à l’IEJ ?

C’est pourquoi il convient de revoir ces règles, et, notamment :

– de clarifier les règles de financement ;

– d’offrir un véritable préfinancement des programmes ;

– d’impliquer la Banque européenne d’investissement, avec des véhicules financiers types prêts-relais à taux zéro – la question du taux zéro étant importante pour éviter de disperser une partie des sommes dans de l’intermédiation financière ;

– et, enfin, en ne prenant pas en compte dans le calcul du déficit budgétaire les investissements en direction de la jeunesse opérés via la Garantie pour la jeunesse.

Consciente de tout cela, la nouvelle Commission vient de faire deux annonces d’importance. Le 20 janvier 2015, la Commission européenne a indiqué qu’elle allait proposer une augmentation du taux de préfinancement à 1,5 % pour les pays qui ont bénéficié d’un programme d’ajustement macroéconomique. La commissaire Marianne Thyssen a expliqué que cette mesure était « destinée à résoudre les difficultés qu’on certains États membres pour mettre en œuvre sur le terrain l’IEJ en raison de manque de liquidité ». Cette augmentation n’étant évidemment pas suffisante pour répondre aux problèmes soulevés, la Commission a, le 4 février dernier, fait une nouvelle proposition : elle propose à présent de modifier les règles existantes et de porter le taux de préfinancement à 30 % pour la partie autonome de l’enveloppe, qui correspond à la moitié du total. La Commission estime que ce préfinancement anticipé pourrait accélérer le déblocage de l’aide immédiate et concerner de 350 000 à 650 000 jeunes cette année, à comparer aux 14 000 à 22 000 jeunes susceptibles d'être couverts au taux de préfinancement actuel.

Votre Rapporteur ne peut que se réjouir de cette nouvelle avancée ; toutefois, il est souhaitable que le taux de préfinancement soit augmenté pour l’ensemble des fonds, et non pour les seuls fonds issus de l’enveloppe autonome.

En outre, il est nécessaire que les fonds alloués par les pays membres au financement de l’IEJ soient exclus du calcul du déficit budgétaire au sens des critères de Maastricht.

1. Orienter les jeunes vers les compétences requises pour les besoins du marché du travail

Sur le plan personnel, les compétences sont pour les jeunes, dans une économie globalisée et toujours en mouvement, la meilleure garantie d’aptitude à l’emploi et de mobilité. Elles sont en outre un vecteur important de développement personnel. Sur le plan macro-économique, les compétences et aptitudes des travailleurs européens sont un facteur essentiel de compétitivité des économies de l’Union.

L’Union, à travers l’Initiative « De nouvelles compétences pour de nouveaux emplois », s’est dotée d’un certain nombre d’outils pour mieux anticiper les besoins futurs en matière de compétences, mieux adapter les qualifications aux besoins du marché du travail, et rapprocher les mondes de l’éducation et du travail.

À travers les prévisions menées par le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (CEDEFOP) et l’analyse des nouvelles tendances dans les différents secteurs économiques, l’Union a ainsi relevé que les projections de création nette d’emplois font apparaître une expansion polarisée de l’emploi au sein des professions, avec un important déséquilibre en faveur des emplois hautement qualifiés. Jusqu’en 2020, 17,7 millions d’emplois pourraient être créés dans l’Union dans des professions intellectuelles hautement qualifiées (fonctions de direction dans les domaines administratif, du marketing, de la logistique et de la vente, administrateurs de systèmes informatiques, professionnels de l’enseignement, techniciens, etc.). Parallèlement, les prévisions font état de perspectives faibles, voire négatives, de création d’emplois pour certaines professions qualifiées, mais également de création nette considérable d’emplois peu qualifiés (cinq millions d’unités), en particulier dans le secteur des services (agents de sécurité, aides à domicile, caissiers, agents d’entretien, etc.).

Les nouvelles technologies et les évolutions de l’organisation du travail semblent se traduire par une importante expansion aux deux extrémités de l’éventail des professions (en particulier à l’extrémité supérieure). Une polarisation de ce type est déjà perceptible dans certains États membres. Il ne s’agit toutefois pas d’un phénomène bien défini, et la tendance à la polarisation dans la création nette d’emplois devrait être largement compensée par une demande élevée de remplacement des travailleurs moyennement qualifiés, même si cette demande accentuera également la courbe ascendante des compétences requises.

L’Union doit diffuser ces connaissances prospectives et accompagner les États membres dans la définition de politiques leur permettant d’aider les jeunes à acquérir les compétences adéquates et à mieux démarrer sur le marché du travail.

Cela doit passer notamment par une intensification de la coopération des services publics de l’emploi pour permettre :

– l’échange des bonnes pratiques ;

– un monitoring efficace pour mettre en adéquation les besoins du marché du travail, les compétences et les formations.

2. Améliorer les conditions d’exercice des stages

La recommandation sur le cadre de qualité pour les stages adoptée par le Conseil le 10 mars dernier vise à s’assurer de la qualité des stages et à offrir aux stagiaires la probabilité d’augmenter leurs chances de trouver un emploi de qualité en faisant de leur stage une expérience réelle d’apprentissage professionnel. Cependant, la question du paiement des stages ainsi que l’acquisition de droits sociaux par les stagiaires demeure un sujet sensible. Alors que de nombreuses organisations de jeunes et d’étudiants réclament des stages rémunérés et une réelle protection sociale, la recommandation a évacué la question du caractère obligatoire de la rémunération du stage : en effet, selon son texte, les employeurs devront préciser à l’avance, outre les objectifs pédagogiques, les conditions de travail et aussi la forme que prendra la supervision par l’employeur, et si le stage sera payé… ou non. Rien n’oblige donc les employeurs à rémunérer les stagiaires, ou encore à leur assurer une sécurité sociale, ce que le Forum européen de la Jeunesse, à l’instar d’autres mouvements représentatifs de la jeunesse européenne, considère comme particulièrement dommageable.

En outre, la recommandation ne s’adresse qu’aux stages hors-cursus, ce qui exclut de facto une grande partie des stages effectués dans les pays membres, notamment en France, où les stages dans le marché dit « libre » par la Commission européenne n’existent pas. Pourquoi se limiter à ces stages-là ? On comprend mal en quoi les stages dans le cursus d’études ou de formation n’ont pas besoin d’être réglementés.

Votre Rapporteur estime ainsi nécessaire que la Commission établisse une charte des stages ambitieuse, prenant notamment en compte la question cruciale de leur rémunération et de leur couverture sociale.

3. Continuer à promouvoir l’apprentissage et encourager la réflexion en cours sur le statut européen de l’apprenti

À travers l’Alliance pour l’apprentissage, la Commission a montré sa volonté de promouvoir l’apprentissage et les filières professionnelles. Ceci va dans le bon sens. En effet, dans de nombreux pays, l’enseignement professionnel demeure une composante sous-estimée et dévalorisée par rapport à l’enseignement général. Or, et notamment au regard des besoins en main d’œuvre qui ont été identifiés pour les prochaines années (voir supra), l’enseignement professionnel ne se résume pas à des activités de main d’œuvre traditionnelle – plomberie pour les garçons et coiffure pour les filles – mais concerne aussi des compétences dans les technologies de pointe, notamment les NTIC – nouvelles technologies de l’information et de la télécommunication.

En outre, en général, les pays où la formation en apprentissage occupe une place importante sont ceux qui affichent les taux de chômage des jeunes les plus faibles (voir supra), notamment car ce type de formation, bien adaptée aux besoins des entreprises, facilite la transition entre les études et le monde du travail.

Votre Rapporteur approuve la promotion de l’apprentissage au niveau communautaire et estime nécessaire de mener à bien la réflexion en cours sur le statut européen de l’apprenti.

4. Promouvoir encore la mobilité intra-européenne

Malgré le succès des programmes Erasmus, la question de la démocratisation de l’accès à la mobilité étudiante demeure. Il convient de souligner l’importance des inégalités d’accès au programme Erasmus, tout particulièrement dans sa version uniquement consacrée aux étudiants : outre la complexité de l’offre de dispositifs en faveur de la mobilité, certains étudiants peuvent être conduits à rester à l’écart des programmes pour des raisons financières.

Ainsi, 57 % des étudiants européens qui ont renoncé à la mobilité étudiante l’ont fait à cause du caractère trop onéreux des études à l’étranger, en raison notamment de la faiblesse des bourses octroyées et de la disparité des situations nationales en matière d’aides (36).

Le risque est ainsi celui d’une sélection à l’entrée du programme et d’une reproduction sociale des étudiants, allant clairement à l’encontre des objectifs initiaux de démocratisation du programme. En outre, la faible représentativité d’étudiants venus de milieux défavorisés s’explique aussi par la faible part qu’ils occupent dans la population des étudiants au-dessus de la licence. Il apparaît dès lors judicieux, pour permettre aux étudiants issus des classes les moins favorisées, plus fortement représentés dans les formations d’apprentissage, de renforcer la mobilité des apprentis.

Miser sur le développement de la mobilité des apprentis, outre l’enjeu de démocratisation des programmes, a aussi pour avantage de permettre à ces élèves d’apprendre une langue étrangère, voire plusieurs, dont la connaissance est devenue indispensable dans nombre de secteurs tels que l’hôtellerie, la restauration ou l’industrie du luxe.

Il convient de plus, pour lutter contre les freins financiers, de favoriser les mobilités courtes, inférieures à six mois, qui permettent de lutter contre les éventuels freins liés à la peur de partir à l’étranger.

Enfin, il faudra veiller à ce que le programmes Erasmus + soit bien reconduit, au moins à enveloppe constante : « Erasmus + » doit être doté de crédits suffisants, et ce d’autant plus que le taux d’exécution de son budget est très élevé et fait l’objet d’une forte demande dans tous les pays membres.

I. LES PROPOSITIONS À LA FRANCE : MAINTENIR LE CAP POUR SOUTENIR L’EMPLOI DES JEUNES

Le travail mené par Votre rapporteur a permis d’identifier certaines bonnes pratiques européennes qui pourraient sans doute être une source d’inspiration au niveau national.

1. Améliorer les conditions de revenu des jeunes pour lutter contre leur paupérisation en instaurant un filet de sécurité en contrepartie d’engagements de leur part

Les jeunes jusqu’à 25 ans, ne pouvant bénéficier des minima sociaux, sont particulièrement exposés au risque de paupérisation, surtout en cas de rupture familiale ; c’est pourquoi votre Rapporteur fait sienne la proposition de l’OCDE (37) visant à assurer un filet de sécurité aux jeunes.

Ce type de filet de sécurité existe déjà dans certains pays, selon des modalités diverses :

– Allemagne, Finlande, Irlande et Suède : intégralité de l’assistance chômage ordinaire ;

– Danemark : allocation minimum pour les jeunes qui ont cotisé à l’assurance chômage dès la fin d’études qui ont duré au moins 18 mois ; allocation réduite de moitié pour les moins de 25 ans non qualifiés ;

– Australie, Belgique, Grèce, Luxembourg, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni : montants plus faibles d’allocations de chômage ; Belgique : 50 % des prestations ordinaires minima de l’assurance chômage ; Australie, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni : entre 80 et 85 % des prestations d’assistance chômage que perçoivent des chômeurs de 40 ans ; Luxembourg : 70 % du salaire minimum (40 % pour les moins de 18 ans) ; Grèce : 73 euros par mois pour les chômeurs de longue durée de 20-29 ans.

La plupart des pays ont toutefois instauré des conditions strictes d’engagements réciproques pour les jeunes bénéficiaires. Ainsi, au Danemark, les jeunes non qualifiés de moins de 25 ans qui s’inscrivent aux caisses de chômage doivent s’engager dans un programme de formation.

S’il était instauré en France, ce filet de garantie devrait de fait fonctionner selon le principe du « donnant-donnant » : l’idée est d’assurer une garantie de revenu aux jeunes chômeurs ou en sortie d’études pour les soutenir dans leur recherche d’emploi. En échange de cette garantie de revenu, et selon le principe d’engagements réciproques, les jeunes demandeurs d’emploi devraient s’engager à chercher activement un emploi et à participer à des dispositifs de formation professionnelle, de manière à consolider leurs qualifications et à améliorer leurs chances de trouver un emploi.

2. Aider les jeunes peu qualifiés à accéder à l’emploi pour éviter qu’ils ne décrochent

La période de transition entre les études ou la formation et l’emploi est, on l’a vu, particulièrement critique dans les parcours d’accès à l’emploi des jeunes, et notamment des jeunes les moins qualifiés. Le risque, pour ces jeunes, est, pour ces jeunes, de perdre tout contact avec le marché du travail et de compromettre définitivement leurs perspectives d’emploi.

Comment aider ces jeunes ?

Les pouvoirs publics devraient mettre en place un certain nombre de mesures visant à les accompagner dans l’accès à l’emploi :

– en identifiant les jeunes susceptibles de décrocher, par une meilleure coopération entre les enseignants et les services de l’emploi ;

– en proposant aux jeunes en voie de décrochage une formation adaptée non seulement à leur compétence mais aussi à leurs goûts ;

– en remettant dans l’emploi ou dans la formation le jeune qui décroche dès les premières semaines de chômage pour éviter un décrochage plus définitif, notamment en proposant une formation adaptée qui maintienne le jeune dans l’activité et le lien social.

3. Offrir un coaching personnalisé aux décrocheurs

Ceux qui abandonnent l’école ou la formation avant d’obtenir leur diplôme sont les plus fragilisés sur le marché du travail et nécessitent une attention particulière. Les pouvoirs publics doivent mettre en place des politiques ciblées sortant notamment des cadres habituels de l’enseignement, qui ne leurs sont pas adaptés.

À cet égard, la mise en place de coachings particuliers semble faire ses preuves dans les pays partenaires. Le coaching permet la souplesse et la prise en compte des besoins de chaque décrocheur, dans l’inventivité ; il permet que les changements ne soient pas considérés comme des échecs mais comme partie intégrante de l’accès à l’emploi. Les structures de maintien dans la socialisation, telles que le centre Happi de Helsinki (38), qui offre aux jeunes décrocheurs à la fois un cadre de socialisation – ils sont ancrés dans la réalité, poussés à se lever le matin et à prendre conscience du bénéfice qu’ils peuvent trouver à une activité – et des outils de qualité pour se former à des emplois potentiels (notamment dans les nouvelles technologies), devraient être développées dans notre pays.

4. Simplifier les démarches et développer les guichets uniques

Les jeunes sont imprégnés par la culture de la rapidité et de l’immédiateté. La multiplication des acteurs et des partenaires censés les aider dans leur recherche d’emploi est pour eux source de complexité, voire d’angoisse. Il en résulte une « perte en ligne » d’un certain nombre de jeunes qui n’accomplissent pas les démarches qui leur seraient pourtant utiles pour accéder à un emploi.

La simplification des démarches, tant pour les jeunes que pour les employeurs, est absolument nécessaire. La Finlande a mis en place un système de subvention et de simplification des démarches matérialisé dans une carte, la « Saansicard », dans le cadre du programme « Take a chance for a job » (« Tente le coup pour un boulot »). Cette carte réunit toutes les informations nécessaires à l’emploi du jeune, et signale, en outre, que celui-ci fait bien partie du dispositif et ouvre droit, pour son recruteur potentiel, à une aide spécifique de 700 euros par mois pendant dix mois. Elle permet donc de simplifier les démarches administratives pour le jeune en recherche d’emploi et son employeur potentiel, et de leur faire gagner du temps tout en les inscrivant dans un dispositif de nature à faciliter leurs relations.

Cette carte fait partie des possibilités de simplification, tout comme le développement des guichets uniques qui permettent de rassembler dans un seul lieu toutes les structures et intervenants susceptibles les aider.

L’expérience menée depuis 2010 dans l’Oise avec la Mief (Maison de l’emploi - mission locale de l’entreprise et de la formation) va dans ce sens, puisqu’elle a fédéré en un guichet unique dans le sud de l’Oise tous les services pour l’emploi, en complémentarité de Pôle emploi. La structure, financée par l’État, la région et les collectivités locales, a ainsi reçu, en 2011, 11 000 visiteurs sur ses cinq sites d’accueil (Senlis, Crépy-en-Valois, Chantilly, Nanteuil-le-Haudouin et Betz). Alors que Pôle emploi s’occupe de mettre en relation demandeurs d’emplois et employeurs, la Mief traite ce qui se trouve à la périphérie de cette recherche d’emploi mais qui est décisif, tel que les aspects sociaux, la formation, la santé ou l’orientation. Les demandeurs d’emploi peuvent donc rencontrer sur un même site tous les partenaires. En outre, la Mief a versé plus de 100 000 euros d’aides financières en 2011, notamment sous forme de prêts de scooters ou pour financer 112 permis de conduire. Ses responsables souhaitent à présent s’investir davantage dans le milieu scolaire pour lutter contre le décrochage scolaire, ainsi que tenter de pourvoir des offres d’emploi pour lesquelles les candidats ne sont pas assez nombreux ou peu formés, notamment dans le secteur de l’hôtellerie-restauration.

Ce type de structures, au niveau communal – plus proche du tissu économique et des réalités socio-économiques –, doit être multiplié. Ces guichets uniques pourraient en outre disposer d’un site internet en complément

5. Promouvoir et valoriser l’apprentissage

Les bons résultats de l’Allemagne et de l’Autriche en matière d’apprentissage nous invitent à promouvoir et valoriser ce type de formation. L’apprentissage permet aux jeunes d’acquérir des qualifications et une expérience professionnelle tout en assurant une transition plus facile entre la formation et la vie active. Le Gouvernement travaille actuellement à sa revalorisation aux yeux du grand public. Cet effort doit être maintenu :

– en mettant en place de réelles passerelles entre ces filières de formation et les cursus généralistes, pour que le choix d’orientation en apprentissage ne soit pas perçu comme nécessairement définitif ;

– en relançant le dialogue social sur cette question, entre les partenaires sociaux et l’État, afin d’impliquer tous les acteurs dans un plan d’envergure pour la promotion de l’apprentissage ;

– en lançant une campagne de télévision pour sensibiliser les entreprises au recrutement de jeunes via la formation en apprentissage.

6. Adapter le système de formation aux métiers de demain

Le Conseil Éducation du mercredi 12 décembre 2014, durant lequel a été soulignée la nécessité de développer l’esprit d’entreprise dès le plus jeune âge, de bâtir des passerelles entre le monde de l’éducation et celui de l’entreprise, ainsi que d’inculquer aux jeunes des compétences transversales entendues largement telles que la créativité, l’esprit d’initiative, l’esprit critique, la prise de risque et le sens des responsabilités.

De fait, une des explications du caractère massif du chômage des jeunes se trouve dans le manque d’adéquation entre leurs compétences et les besoins du marché du travail. Il est dès lors nécessaire d’identifier les métiers où les besoins en main d’œuvre se feront jour dans les dix prochaines années afin de mieux former les jeunes en conséquence. L’État devrait promouvoir des partenariats entre les employeurs et l’Éducation nationale pour informer les jeunes sur ces métiers, par exemple au collège, ce qui leur permettrait de s’ouvrir à des professions pour eux inconnues et de prendre conscience de la diversité du monde professionnel, souvent limité à leurs yeux aux métiers exercés autour d’eux.

En outre, dans un monde où les mutations sont rapides et fréquentes, et qui nécessite une forte capacité d’adaptation, il est nécessaire de promouvoir les compétences transversales – langues, informatique, capacités d’expression, de rédaction,… – qui deviennent nécessaires dans nombre de métiers, tels que ceux de l’hôtellerie et de la restauration haut de gamme, où les langues étrangères sont à présent exigées par les recruteurs, et où le manque de capacités linguistiques des jeunes Français leur ferme des portes au profit de jeunes issus d’autres pays mieux formés en langues étrangères.

7. Fusionner la Garantie pour la jeunesse et la Garantie jeunes et assouplir le critère géographique

Les crédits alloués à la Garantie jeunes française vont augmenter de 30 millions d’euros en 2015, avec pour objectif de permettre à 50 000 jeunes d’accéder à l’autonomie via un accompagnement intensif, une allocation de ressources et de nombreuses mises en situation professionnelle. Votre rapporteur ne peut que s’en réjouir.

Pour autant, l’imbrication entre Garantie jeunes et Garantie pour la jeunesse pose un problème de lisibilité qui nuit à la compréhension et à l’efficacité des deux dispositifs, sans que leur distinction soit réellement nécessaire. Il convient donc de s’interroger sur la possibilité d’une fusion des deux dispositifs à l’échelle nationale, qui serait sans doute de nature à en améliorer la reconnaissance et l’efficacité, et à permettre d’aboutir à une réelle garantie offerte à chaque jeune.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 4 mars 2015, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« La Présidente Danielle Auroi. Merci pour ce rapport très complet qui donne des perspectives et fait des propositions concrètes.

M. Philippe Martin. Oui, merci au rapporteur pour ce rapport et ses nombreuses propositions sur un sujet d’importance. Je suis parfaitement d’accord avec la nécessité de souligner les difficultés de la mobilité en Europe, qui sont réelles. Il est en outre et en effet souhaitable qu’on puisse assurer une meilleure transition entre le système éducatif et l’emploi en renforçant les systèmes d’orientation et le lien avec les employeurs.

Mme Marietta Karamanli. Merci pour ce rapport très complet, qui met notamment en lumière les disparités importantes entre les pays pour le taux de chômage des jeunes, avec à une extrémité l’Allemagne, et à l’autre la Grèce ou l’Espagne. Il est important de garder cela à l’esprit pour adapter les politiques en fonction des pays. Par ailleurs, je souhaiterais savoir s’il existe un lien établi entre performance scolaire et insertion professionnelle ? Concernant les décrocheurs, il est évident que le mieux est de prévenir le décrochage, dès le collège. Enfin, quel est le bilan des fonds utilisés à aider l’emploi des jeunes ?

M. Christophe Caresche. L’enjeu n’est pas seulement social, il est aussi économique, pour permettre de contribuer à la stabilité de la zone euro. Ce sujet est de ce fait lié à celui des stabilisateurs automatiques, tels que l’assurance chômage de la zone euro, projet porté notamment par la direction du Trésor.

La Présidente Danielle Auroi. Oui, nous avons une mission d’information en cours sur ce sujet avec Jean-Patrick Gille.

M. Gille Savary. Qu’en est-il du déploiement de la garantie jeunes en France ? Est-ce le même dispositif que le dispositif européen ou un dispositif national ? Que finance le FSE, au niveau national et au plan régional ?

M. Jean-Luc Bleunven. Malheureusement, un des problèmes du chômage en général et des jeunes en particulier provient du phénomène de polarisation de l’emploi, avec d’un côté les catégories bien qualifiées et insérées sur le marché du travail, et les autres, qui subissent la destruction de l’emploi.

M. Philip Cordery. La Garantie pour la jeunesse – européenne – et la Garantie jeunes – française – sont deux dispositifs différents aux noms très proches et qui se chevauchent mais en partie seulement. Ceci est en effet source de confusion c’est pourquoi je suggère qu’elles soient fusionnées. Le FSE peut financer la garantie jeunes française, tout dépend du choix qui est fait par les régions.

Il n’y a pas de lien direct entre performance scolaire et taux d’emploi, malheureusement pour la France qui aurait là une solution au problème du chômage des jeunes... Ce qui compte le plus, au-delà de la performance scolaire, est la transition avec l’emploi – période cruciale ; celle-ci s’opère bien en Finlande, pays en tête du PISA et qui bénéficie d’un dispositif de passage à l’emploi très structuré. En Allemagne et Autriche, où le système académique est moins prégnant, les très jeunes ont a contrario un faible taux de chômage, du fait du système dual d’apprentissage. En revanche, le taux de chômage des apprentis de plus de 25 ans augmente, ce qui montre la nécessité de prévoir l’adaptation des formations.

En effet, la prévention du décrochage est la clé, ce qui explique qu’elle a été un élément important de la loi sur la refondation de l’école.

Il est encore trop tôt pour faire le bilan de l’utilisation des fonds européens, mais on pourrait faire ce travail dans un an.

Certes, la prise de conscience par l’Union européenne de l’importance de la question de l’emploi a été trop tardive, mais il est important à présent de se mobiliser pour que les initiatives actuelles de l’Union soient des succès. C’est un enjeu pour l’avenir des jeunes et pour la crédibilité de l’Europe sociale.

La Présidente Danielle Auroi. Je suggère, sur la question de l’évaluation de l’utilisation des fonds européens, que nous saisissions, le moment venu, le Comité d’évaluation et de contrôle, présidé par le Président Bartolone.

Je mets aux voix la publication du rapport, qui est approuvée à l’unanimité. »

La Commission a ensuite adopté la proposition de conclusions ainsi rédigée.

CONCLUSIONS ADOPTÉES

La commission des Affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le titre IX et le titre X du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la recommandation du Conseil du 22 avril 2013 sur l’établissement d’une garantie pour la jeunesse,

Vu la recommandation du Conseil du 10 mars 2014 relative à un cadre de qualité pour les stages,

Vu le règlement (UE) no 1288/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 établissant « Erasmus + », le programme de l’Union pour l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport,

Considérant que l’Union européenne doit tout mettre en œuvre pour créer les conditions pour renouer avec la croissance et l’emploi, dans le respect des impératifs de justice sociale,

Considérant que l’emploi des jeunes est une priorité économique et sociale qui justifie la mobilisation forte des pouvoirs publics nationaux et européens,

Considérant qu’il est impératif de lutter contre les causes structurelles du chômage des jeunes, en soutenant les jeunes les plus en difficulté, en dotant l’ensemble des jeunes des compétences requises pour l’avenir, en favorisant leur mobilité géographique et professionnelle et en les aidant dans la transition entre système éducatif et emploi,

Considérant que les conditions de mise en œuvre de la Garantie pour la Jeunesse et de l’Initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ) doivent être améliorées,

Considérant que le cadre européen de qualité pour les stages devrait être amélioré et rendu universel,

Considérant que les mesures en faveur des jeunes décrocheurs, qui constituent la population de jeunes la plus vulnérable, sont essentielles,

Considérant que la mobilité européenne est un atout pour lutter contre le chômage des jeunes,

1. Se félicite des mesures menées tant au niveau communautaire qu’au niveau national ;

2. Se réjouit ainsi de la proposition nouvelle de la Commission européenne d’augmenter le montant du préfinancement de l’enveloppe autonome de l’IEJ à 30 % pour offrir un véritable préfinancement des programmes ;

3. Approuve l’action de l’Union en faveur de la promotion de l’apprentissage ;

4. Se félicite de l’attention portée par le Gouvernement aux décrocheurs et estime que cette attention ne doit pas faiblir, ceux-ci étant menacés de perdre tout contact avec le marché du travail et ainsi de compromettre définitivement leurs perspectives d’emploi ;

– Concernant le renforcement de la Garantie Jeunesse et de l’IEJ :

→ Concernant l’action de l’Union européenne :

5. Demande d’évaluer l’opportunité de modifier le périmètre de la Garantie pour la Jeunesse pour l’étendre aux jeunes de 25 à 30 ans ;

6. Demande de prendre en compte les disparités infra-régionales existantes, certaines poches de pauvreté des régions riches étant exclues du bénéfice du dispositif ;

7. Demande une augmentation du budget communautaire alloué à cette politique ;

8. Demande que le taux de préfinancement soit augmenté pour l’ensemble des fonds et non pour les seuls fonds issus de l’enveloppe autonome de l’IEJ ;

9. Estime nécessaire de soustraire au calcul de la dette les cofinancements nationaux de la Garantie Jeunesse et l’IEJ ;

10. Estime que l’implication de la Banque européenne d’investissement, qui pourrait mettre en œuvre des véhicules financiers à taux zéro, serait aussi de nature à faciliter la mise en œuvre de cette Initiative ;

→ Concernant les recommandations à la France :

11. Appelle le Gouvernement à réfléchir à l’opportunité de fusionner en France les dispositifs Garantie Jeunes et Garantie pour la Jeunesse, afin de donner plus de lisibilité et rendre plus compréhensible ces deux dispositifs et ainsi aboutir à une réelle garantie pour les jeunes ;

– Concernant l’amélioration de l’adéquation entre les compétences des jeunes et le marché du travail :

→ Concernant l’action de l’Union européenne :

12. Appelle à une intensification de la coopération entre les services pour l’emploi des États membres pour aider les États membres à mieux définir leurs politiques de mise en adéquation des compétences des jeunes avec les besoins du marché du travail ;

→ Concernant la France :

13. Demande au Gouvernement de simplifier les démarches et de développer les guichets uniques comme en Finlande, pour permettre de concentrer sur un même site tous les interlocuteurs susceptibles d’aider les jeunes dans leurs recherches d’emploi, et notamment les plus vulnérables d’entre eux, les décrocheurs et les jeunes sans qualification ;

14. Demande au Gouvernement d’adapter le système de formation aux métiers de demain par la promotion de partenariats entre les employeurs et l’Éducation nationale, pour informer les jeunes sur ces métiers, par la promotion de compétences transversales, telles que les langues, l’informatique, les capacités d’expression ou de rédaction ;

– Concernant les stagiaires :

15. Demande à l’Union d’établir une charte européenne des stages plus ambitieuse que le cadre européen actuel ; cette charte devra s’appliquer à tous les types de stages et inciter fermement les États membres à rémunérer les stagiaires et à leur offrir une couverture sociale ;

– Concernant les apprentis :

→ Concernant l’action de l’Union européenne :

16. Appelle à maintenir et développer la promotion de la mobilité des étudiants et des apprentis ;

17. Soutient la réflexion en cours sur le statut européen de l’apprenti ;

→ Concernant la France :

18. Appelle à maintenir les efforts de valorisation de l’apprentissage, comme en Allemagne et en Autriche, en mettant en place de réelles passerelles entre ces filières de formation et les cursus généralistes, pour que le choix d’orientation en apprentissage ne soit pas perçu comme nécessairement définitif, en relançant le dialogue social sur cette question, entre les partenaires sociaux et l’État, afin d’impliquer tous les acteurs dans un plan d’envergure pour la promotion de l’apprentissage, et en lançant une campagne médiatique pour sensibiliser les entreprises au recrutement de jeunes via la formation en apprentissage ;

– Concernant les décrocheurs :

19. Invite le Gouvernement français à réfléchir aux conditions de mise en œuvre d’un filet de sécurité pour les jeunes de moins de 25 ans, qui pourrait fonctionner selon le principe d’engagements réciproques à l’instar des dispositifs mis en œuvre en Allemagne, en Finlande, en Irlande, en Suède, au Danemark, en Australie, en Belgique, en Grèce, au Luxembourg et au Royaume-Uni ;

20. Demande aux pouvoirs publics de mettre en place des mesures visant à les accompagner dans l’accès à l’emploi, en identifiant les jeunes susceptibles de décrocher, par une meilleure coopération entre les enseignants et les services de l’emploi ; en proposant aux jeunes en voie de décrochage une formation adaptée non seulement à leurs compétences mais aussi à leurs goûts ; en remettant dans l’emploi ou dans la formation le jeune qui décroche dès les premières semaines de chômage pour éviter un décrochage plus définitif, notamment en proposant une formation adaptée qui maintienne le jeune dans l’activité et le lien social ;

21. Invite le Gouvernement français à faire preuve de souplesse en proposant aux décrocheurs des modes de formation adaptés, via notamment un coaching particulier, comme en Finlande, et des structures de maintien dans la socialisation et de formation ;

– Concernant la promotion de la mobilité :

22. Demande à l’Union de maintenir et développer les actions de promotion de la mobilité étudiante et des apprentis ;

23. Appelle à s’assurer que le programme Erasmus + soit bien reconduit, au moins à enveloppe constante et ce d’autant plus que le taux d’exécution de son budget est très élevé et fait l’objet d’une forte demande dans tous les pays membres ;

24. Appelle l’Union à favoriser les mobilités courtes, inférieures à six mois, qui permettent de lutter contre les éventuels freins liés à la peur de partir à l’étranger.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

À Paris :

M. Habib GNIENGUE, responsable de la Commission internationale, et Mme Juliane CHARTON, membre de la Commission Aides sociales, en charge du dossier emploi des jeunes, UNEF ;

Mme Séverine WERNERT, Conseillère marché intérieur, stratégie "Europe 2020" Europe sociale, justice et affaires intérieures, et M. François-Stéphane HAMON Conseiller parlementaire, Cabinet de M. Thierry Repentin ;

M. Thiébaut WEBER, secrétaire confédéral et président du comité jeunes de la confédération européenne des syndicats, membre de la CFDT ;

MM. Didier CHENET, président, et Grégory HULIN, responsable emploi- formation, Synhorcat ;

Mme Hélène PAOLETTI, directrice par intérim et Secrétaire générale de l’Agence du Service Civique ;

Mme Stéphanie DEVÈZE-DELAUNAY, directrice des affaires juridiques, Université Paul-Valéry- Montpellier III, présidente-fondatrice du réseau JuriSup ;

Mme Sandrine JAVELAUD, directrice de mission « formation initiale », et Mathieu PINEDA, chargé de mission à la Direction des affaires publiques, MEDEF ;

À Bruxelles :

Mmes Anabela GAGO et Laurence WEERTS, respectivement chef de cabinet et membre de cabinet de M. László ANDOR, commissaire en charge de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion, Commission européenne ;

M. Max UEBE, chef de l’unité "défis sectoriels de l’emploi, emploi des jeunes et entreprenariat", et Mme Élisa JUNGK, chargée des défis en matière d’emploi sectoriel, du chômage des jeunes et de l’entreprenariat, direction générale en charge de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion, Commission européenne ;

Mmes Laure COUDRET-LAUT et Annie GUYADER, respectivement conseillère éducation, jeunesse et sport et conseillère emploi, politique sociale et santé, représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne ;

Mme Herlinde VANHOOYDONCK, membre de la plate-forme sociale, en charge du groupe de travail sur la politique sociale ;

M. Jackie MORIN, chef de l’unité "compétences, mobilité et services de l’emploi", direction générale emploi, affaires sociales et inclusion, Commission européenne ;

Représentants des bureaux régionaux français à Bruxelles : MM. et Mmes Cédric VIRCIGLIO (Alsace), Marie-Pierre MESPLEDE (Aquitaine), Émilie FOUCHE (Auvergne), Christophe GOULT (Bourgogne-Franche-Comté), Martine ALLAIS (Bretagne), Morgane LESAGE (Bretagne/Pays de la Loire/Poitou-Charentes), Stéphanie FONTENAS (Centre), Emmanuelle THEVIGNOT-DUNYACH (Corse), Cyrielle CUIRRASSIER (Guadeloupe), Marie-José GAUTHIER (Guyane), Françoise CHOTARD (Île-de-France), Laure ANTONIOTTI (Île-de-France), Patrick COURTIN (Lorraine), Christèle ALLAUD (Martinique), Yannick PROTO (Midi-Pyrénées), N’Diaye AÏSSATOU (Midi-Pyrénées), Cécile COMBETTE-MURIN (Basse-Normandie), Elodie AUFORT (Haute-Normandie), Stéphane GERBEAUD (Nord-Pas-de-Calais), Anna-Lisa BONI (PACA), Romain NIVELLE (Picardie), Laurent DINDAR (Réunion), Fabienne FAURE (Rhône-Alpes) ;

M. Jonathan HILL, chef de cabinet adjoint de Mme Androulla VASSILIOU, Commissaire en charge de l’éducation, de la culture, du multilinguisme et de la jeunesse ;

Mme Bernadette SEGOL et M. Ignacio DORESTE, respectivement Secrétaire générale et responsable "jeunesse", et M. Patrick ITSCHERT, Secrétaire général adjoint, Confédération européenne des syndicats ;

Mme Pervenche BERES, présidente de la Commission de l’emploi et des affaires sociales, Parlement européen ;

Mme Alix MASSON, chef du département politique et plaidoyer, Forum jeunesse européen.

À Madrid :

- Union Générale des travailleurs (UGT) : M. Frederic MONELL I LLIRO. Secrétaire Confédéral de Participation Syndicale et Institutionnelle, Mme SILVIA SAZATORNIL NAYA, responsable Confédérale du Département de la Jeunesse, Mme Virginia FERNANDEZ AGUILAR, experte au Département de la jeunesse et Mme Valérie PARRA, International – CEC, Experte secteur Europe ;

- Commissions Ouvrières (CCOO) : Mme Tania PEREZ, secrétaire confédérale à la Jeunesse, M. Javier Pueyo, secrétariat à la Jeunesse, Mme Gema TORRES, secrétariat à la Formation, Mme Estella ACOSTA, secrétariat à l’Emploi et aux Migrations, Mme Ana SANTANA, secrétariat à l’Emploi et aux Migrations, et Mme BEGOÑA DEL CASTILLO, secrétariat à la Coopération Internationale ;

- Ministère de l’Emploi et de la Sécurité Sociale : M. Miguel ÁNGEL GARCIA, DG du Travail autonome, de l’économie sociale et de la responsabilité sociale des entreprises et Mme Esther PEREZ, Sous-directrice générale de ESyRSE ;

- Commission de l’Emploi du Congrès des députés : Mme Silvia HERERIA (PP), Secrétaire première du bureau et Mme PILAR LUCIO (PSOE), porte-parole adjointe ;

- Institut de la Jeunesse (INJUVE) : M. Rubén UROSA, Directeur Général, et M. Jose Alberto CRESPO JAREÑO, responsable du service d’information.

A Helsinki :

M. Juhanna VARTIAINEN, Directeur Général, Institut gouvernemental pour la recherche économique ;

Mme Tiina OINONEN, conseillère ministérielle, Ministère de l’Emploi et de l’Economie ;

Mme Eve KYNTÄJÄ représentante de la confédération du SAK (Organisation centrale des syndicats finlandais) et Mme Jenni RUOKONEN de la Confédération des Industries finlandaises ;

Mme Ulla LAURIO, responsable du centre « Happi » ;

Au Parlement : Mme Satu HAAPANEN, Parti des Verts, et Mme Elisabeth NAUCLER, groupe parlementaire suédois au Parlement, membre du Comité pour l’Emploi et pour l’Egalité, M. Tuomo PUUMALA, membre du comité pour l’Éducation et la Culture, Parti du Centre, et Mme Päivi LIPPONEN, Parti du social-démocrate, membre de la Commission de l’Avenir.

À Vienne :

Au centre de formation du Wiener Stadtwerke : MM. Peter WEINELT, directeur, Erich BUZA, responsable de l’apprentissage du « Wiener Netze », Mme Gabriele AUREDNICEK, responsable de l’apprentissage du « Wiener Stadtwerke », M. Thomas SOCHR, formateur, M. Patrick REITERER et Mme Claudia SCHLÖSSL, journalistes à « Lehrlingsredaktion », et M. Manfred TUCHERL, photographe ;

M. Herbert BUCHINGER, directeur, et M. Johannes KOPF, membre du Comité directeur de l’Arbeitsmarktservice (pôle emploi autrichien) ;

M. Christoph KAINZ, département industrie, service employeur, Chambre économique d’Autriche (WKÖ) ;

M. Rudolf KASKE, président de la Chambre de Travail (AK), M. Werner MUHM, directeur de l’AK Vienne, et M. Valentin WEDL, chargé des Relations européennes et internationales ;

Mme Birgit SCHATZ, députée verte, membre de la commission des affaires sociales ;

À la Confédération des syndicats autrichiens (ÖGB) : M. Erich FOGLAR, président, Mme Sabine OBERHAUSER, députée SPÖ chargée des affaires sociales et de l’emploi, vice-Présidente, M. Marcus STROHMEIER, responsable des affaires internationales, et M. Andreas SCHIEDER, chef du groupe parlementaire SPÖ ;

M. Rudolf HUNDSTORFER, ministre fédéral des Affaires sociales, de l’Emploi et la Protection des consommateurs.

1 () Benchmarking working Europe, ETUI-CES, mars 2014.

2 () 5,589 millions.

3 () « Tendances mondiales de l’emploi des jeunes en 2013 », OIT, mai 2013.

4 () http://www.injuve.es/

5 () http://juventudsinfuturo.net/

6 () 78 % pour le Portugal, 77 % pour l’Espagne, et moins de 70 % pour la France.

7 () « Enquête 2013 auprès de la Génération 2010 », Bref du Céreq, N°319, mars 2014.

8 () Données Eurostat, 5 décembre 2013.

9 () Ces pauvretés que l’on ne voit plus, Rapport statistiques, Secours Catholique-Caritas France, novembre 2014.

10 () Chiffres de la Commission européenne.

11 () Montée du chômage des jeunes dans la crise, comment éviter un impact négatif à long terme sur toute une génération ? Stefano Scarpetta, Anne Sonnet, Thomas Manfredi, OCDE, 2010.

12 () Olivier Bargain et Augustin VICARD, « Le RMI, puis le RSA découragent-ils certains jeunes de travailler ? », Insee Analyses N°6, septembre 2012.

13 () « Près d’un étudiant sur cinq postulera exclusivement à l’étranger », Marie-Estelle Pech, Le Figaro, 22 avril 2014.

14 () Audition du mardi 8 juillet 2014.

15 () « Y-a-t-il un exode des qualifiés Français ? », Pierre-Henri Bono et Etienne Wasmer, Lieep Policy Brief n°10, mars 2014.

16 () Audition sus-citée du mardi 8 juillet 2014.

17 () Les Français à l'étranger - L'expatriation des Français, quelle réalité ?, CCI Paris-Ile de France, mars 2014.

18 () Source : Regards sur l’éducation 2013, les indicateurs de l’OCDE, septembre 2013.

19 () « Enquête 2013 auprès de la Génération 2010 », Bref du Céreq, n° 319, mars 2014.

20 () Enquête PISA 2012, avril 2014.

21 () Les chiffres suivants considèrent le groupe des NEETs entendu de 15 à 29 ans.

22 () Source : Eurofound http://www.eurofound.europa.eu/emcc/labourmarket/youthinfographic.htm

23 () Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2012.

24 () NB : l’Union comptait alors onze pays membres.

25 () In « Le modèle dual allemand, caractéristiques et évolution de l’apprentissage en Allemagne », Guillaume Delautre, Documents d’études n°185, Dares, septembre 2014.

26 () In « Pour une approche circonstanciée de l’apprentissage », Bref du Céreq, n° 299-1, mai 2012.

27 () France : 19,1, Royaume-Uni : 21,3 ; Belgique : 21,7, Danemark : 21,8, Espagne : 26,1, Allemagne : 27,2, Hongrie : 31, Union européenne : 25,6.

28 () Autriche : à l’Est, le renouveau, Blaise Gauquelin, Libération, 20 mai 2014

29 () In « Pour une approche circonstanciée de l'apprentissage », Bref, Céreq, mai 2012.

30 () Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005.

31 () In « Enquête 2013 auprès de la Génération 2010 », Bref du Céreq, n°319, mars 2014.

32 () Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques.

33 () Résolution du Parlement européen sur l’emploi des jeunes (2014/2713(RSP)).

34 () NB : l’Allemagne n’est pas bénéficiaire de ce dispositif.

35 () Cf. Philip Cordery, rapport d’information n° 1784 portant observations sur la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires, commission des Affaires Européennes, Assemblée nationale, 11 février 2014.

36 () In La démocratisation du programme Erasmus, Sandrine Doucet, commission des affaires européennes, Assemblée nationale, 26 juin 2013.

37 () Montée du chômage des jeunes dans la crise, comment éviter un impact négatif à long terme sur toute une génération ? Stefano Scarpetta, Anne Sonnet, Thomas Manfredi, OCDE, 2010.

38 () http://happi.munstadi.fi/