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Marketing culturel L'ART ET L'ARTISANAT D'ART EN QUÊTE DE RÉASSURANCE · Enjeux des labels et des ateliers VIRGINIE DE BARNIER ET JOËLLE LAGIER Virginie DE BARN/ER, Professeur des Universités, IAE Aix-en-Provence CERGAM (EA 4225), Aix-Marseille Université, Chercheur Groupe Wesford, セᄋ@ • Contact: Virginie.De-Barnier@ iae-aix.com Joëlle LAGIER, Professeur permanent Département Marketing Rouen Business School Pôle de Recherche « Jeunes et pratiques responsables de la consommation» (Rouen Business School) and Laboratoire CERMAB (l.A.E de Dijon) Contact: jlg@rouenbs.fr Les auteurs tiennent à remercier les trois lecteurs anonymes de DM pour leurs commentaires et suggestions, le professeur Elyette Roux pour ses conseils et ses encouragements ainsi que les responsables des Ateliers d'Art de France pour leur aide. Le nom des auteurs suit l'ordre alphabétique, les deux auteurs ayant contribué de manière égale à l'article. Cet article tente d'analyser la relation spécifique qui se crée entre un acheteur d'art ou d'artisanat d'art et le créateur. Des études qualitatives (entretiens semi-directifs et focus groupes) ont été menées auprès d'experts de l'art et de consommateurs d'objets d'art afin d'appréhender quatre éléments importants dans cette relation : la perception de l'objet d'art, les critères de choix de l'objet d'art par l'acheteur, les craintes ressenties par l'acheteur et les éléments de réassurance acceptés. Deux éléments de réassurance ont été étudiés: les labels et les visites d'atelier d'art. Une analyse de ces deux éléments montre comment ils concourent à rassurer l'acheteur en répondant à ses besoins à la fois rationnels et émotionnels et en donnant du sens à son achat. FINE ART AND CRAFT ART SEEKING REASSURANCE: ROLES OF LABELS AND WORKSHOP VISITS This article attempts to analyze the specifie relationship that develops between a buyer of art or crafts and the creator. Qualitative studies (semi-structured interviews and focus groups) were conducted with art experts and art consumers ta understand four important elements in this relationship: perception of the art abject, criteria for selecting the art abject by the buyer, the buyer's fears and the elements of reinsurance accepted. Two elements of reinsurance were studied: the labels and workshop visits. An analysis ofthese two elements shows how they help to reassure the customer by meeting their needs bath rational and emotional and giving meaning to its purchase. Mots-dés : art, artisanat d'art, perception, réassurance, Key Words: fine art, craft art, perception, reassurance, labels, cultural experience. label, expérience culturelle. Décisions Marketing N°65 Janvier-Mars 2012- 9 L'art et l'artisanat d'art en quête de réassurance E n février 2009, sous la nef du Grand Palais à Paris, un événement d'exception redynamise le marché de l'art en France : Christie's vend la collection d'art du créateur Yves Saint Laurent et de son compagnon Pierre Bergé. Les ventes globales enregistrent un record de 230 millions de dollars et 25 œuvres sont achetées à plus d'un million de dollars. Malgré quelques événements remarquables de ce type, le marché mondial de l'art se remet néanmoins difficilement de l'éclatement de la bulle spéculative de 2008 et des répercussions de la crise financière. Pour illustration, les enchères dépassant le million de dollars ont diminué de 59% entre 2007 et 2009 1 . Dans ce contexte, la France subit encore plus durement la crise. Son taux d'œuvres invendues s'élève à 43%, une des plus mauvaises performances mondiales avec l'Italie et l'Allemagne. C'est le marché haut de gamme qui se contracte le plus, avec en particulier un très fort déclin de l'art contemporain, contrebalancé par des marchés de l'art ancien et de l'art moderne qui résistent mieux à la crise. Dans cet environnement de défiance et de crise financière, les professionnels tentent de trouver des indicateurs fiables afin d'apprécier l'évolution du marché. Artprice crée en 2008 un nouvel indicateur de confiance permettant d'appréhender en temps réelles tendances du marché: l'Art Market Confidence Index (AMCF). En 2009, cet indice atteint un niveau plancher de - 20 points, reflet d'une crise de confiance importante. Cette crise touche tous les acteurs du marché, des professionnels aux acheteurs, les amenant à modifier considérablement leur comportement. Selon Ehrmann, PDG d'Artprice 3 : << la crise a profondément modifié la psychologie du marché, privilégiant le discernement contre l'engouement, la prudence contre l'urgence d'acquisition, la réflexion contre le suivisme>>. Dans cet univers spécifique)' artisanat d'art, mouvement culturel de la fin du xxe siècle, voit cependant son im- portance croître en France. II constitue, en effet, un marché d'art plus accessible à la fois sur le plan des œuvres et sur le plan psychologique pour le consommateur en quête de repères et de réassurance constante. La définition précise de l'artisanat d'art est complexe du fait de la diversité des métiers exercés. Selon la nomenclature officielle élaborée par M. Dutreil, ministre en charge de l'artisanat en 2003, la liste des métiers de l'artisanat d'art comprend 217 métiers, classés en 19 domaines définis selon le matériau ou l'activité 4 • Représenté par le syndicat des ateliers d'art de France (AAF 5) créé en 1968, l'artisanat d'art regroupe aujourd'hui plus de 40 000 entreprises à travers l'Hexagone et représente un pôle important de l'économie française (encadré 1). Selon la Société d'Encouragement aux Métiers d'Art (SEMA), ce secteur affiche un chiffre d'affaires de 8 milliards d'euros en 2009, dont 8,1% réalisé à l'exportation et« constitue l'essence du secteur du luxe français qui réalise, de son côté, plus de 22 milliards d'euros de chiffre d'affaires dont 82% à l'exportation >>6 . Or, la frontière entre art et artisanat d'art est étroite (15) et les confusions entre ces deux univers, et même celui du luxe, sont récurrentes dans la littérature, comme dans le monde professionnel. Aussi, le premier objectif de cet article est d'étudier les perceptions qu'ont les acheteurs de l'art, de l'artisanat d'art et du luxe afin de déterminer les éléments en jeu dans la relation spécifique qui se crée entre l'acheteur et le créateur. Mais si l'artisanat d'art présente pour l'acheteur une démocratisation de l'art lui permettant d'amoindrir la barrière financière, cette extension de gamme vers le bas pose les mêmes problématiques que la démocratisation du luxe, celles liés à la dilution de l'image (13). Cette dilution accroit le risque perçu par les acheteurs qui expriment clairement des craintes et demandent à être rassurés. Le second objectif de cet article est donc d'identifier ces craintes et de proposer des éléments de Encadré 1 : Les Ateliers d'Art de France : Le premier syndicat professionnel des métiers d'a rf Fondé en 1868, Ateliers d'Art de France est le premier syndicat professionnel des métiers d'art. Sa mission principale est d'accompagner les quelque 2 800 adhérents (artistes, artisans et manufactures) et de faire rayonner le secteur au niveau régional, national et international. Il représente la profession auprès des pouvoirs publics et des organismes professionnels, en France et à l'étranger. Il compte vingt-huit délégués régionaux à travers toute la France. Le syndicat définit les métiers d'art comme des métiers impliquant le travail de la main, l'organisation en atelier et nécessitant la maîtrise d'un savoir-faire spécifique alliée à une véritable créativité. Ces professionnels fabriquent des pièces uniques ou des petites et moyennes séries à partir d'un large éventail de matériaux: céramique, verre, métal, textile, bois, papier, résine, osier, cuir... Les professionnels des métiers d'art adoptent différents statuts juridiques et fiscaux : artisans inscrits en chambre de métiers, artistes affiliés à la maison des artistes ou professions libérales ... Le syndicat a créé en janvier 2002 la marque CreatedinFrance® pour promouvoir les entreprises françaises des métiers d'art sur les marchés étrangers ainsi qu'un site de promotion www.createdinfrance.com conçu avec le soutien du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie afin d'assurer la promotion des entreprises françaises auprès d'acheteurs étrangers. Ateliers d'Art de France édite également tous les deux mois un magazine d'information intitulé« Ateliers d'Art» et publie régulièrement un baromètre issu de la consultation de ses adhérents à travers l'observatoire des métiers d'art. Ateliers d'Art de France a ouvert trois boutiques « Talents à Paris » (quartier étoile et quartier opéra) afin de mettre en scène la poésie et le savoir-faire de 300 artisans d'art. 10- Virginie De BARNIER et Joëlle LAGIER Marketing culturel réassurance pour l'acheteur face à des objets et des créations de plus en plus difficiles à répertorier et à évaluer. La perception des frontières entre art, art1sanat d'art et luxe Ainsi nous avons réalisé une série d'études qualitatives auprès d'experts et d'acheteurs d'art afin de mieux appréhender les frontières entre art, artisanat d'art et luxe et d'élaborer une carto$raphie à partir des verbatims des acteurs permettant :de différencier clairement ces trois univers. Les résultats de ces études sont présentés en première partie. nッセウ@ étudions dans une seconde partie les craintes et les セャ←ュ・ョエウ@ de réassurance perçus par l'acheteur. Nous analysons enfin, dans une troisième partie, comment ces éléments de réassurance peuvent être appliqués et sous セオ・ャ@ forme, en nous centrant sur les labels et les visiter d'atelier. Les participants des trois focus groupes ainsi que les experts ont tout d'abord manifesté une perception de l'art assez homogène. Ainsi, l'art est généralement perçu comme issu de la créativité de l'artiste, une innovation pure, qui va au-delà d'un simple savoir-faire. Il exige la présence d'un véritable don (<< Un artiste a un don à la base>> ; <<l'âme de l'artiste se ressent dans les objets: il y 1 Analyse des ←ャセ・ョAウ@ en ieu dans la relation acheteur-createur Afin d'appréhender de manière globale la relation acheteur-créateur, nous avons mis en œuvre une série d'études qualitatives dont la méthodologie est décrite dans l'encadré 2. L'objectif de ces différentes études, réalisées auprès d'acheteur d'art, d'artisanat d'art et d'experts des deux marchés, était double : mieux comprendre dans un premier temps, les perceptions de l'art, de l'artisanat d'art et du luxe afin de discerner les frontières de ces univers ; mieux appréhender, dans un second temps, l'acte d'achat afin d'identifier les principaux critères de choix de ces objets. Les résultats de ces études sont présentés dans les deux parties suivantes. a un savoirfaire mais aussi beaucoup de créativité>>). Il caractérise des objets uniques. On le trouve essentiellement dans les musées et il est réservé à quelques privilégiés, connaisseurs de l'art. Il se caractérise par un prix très élevé, inaccessible. Globalement il fait partie du registre du génie et de l'inspiration. Par opposition à l'art, l'artisanat est perçu comme le respect d'une tradition, la résultante d'un apprentissage, d'un savoir-faire. L'artisanat se caractérise par des produits accessibles en termes de prix et de technique (<< il y a un apprentissage, on pourrait apprendre à faire pareil>>). Il n'est pas nécessairement considéré comme d'un niveau de qualité supérieur et est perçu comme plus directement fonctionnel (<< le peintre en bâtiment, l'électricien, le taxi sont des artisans >>).L'artisanat se 1 situe doiJ,c'dans le registre de la technique et du savoiri· faire. Le domaine du luxe est spontanément évoqué par les participants qui associent luxe et art (L'art, c'est du luxe, c'est inutile, c'est un luxe que l'on se permet). On note également une relative confusion entre les univers de l'artisanat et du luxe. Certains objets sont considérés comme appartenant à la fois au monde de l'artisanat et Encadré 2 : Méthodologie des études qualitatives les études qualitatives ont été réalisées en deux étapes. Tout d'abord des entretiens ont été réalisés auprès d'experts de l'art (un galeriste, un commissaire-priseur, le président du syndicat de l'Atelier d'Art de France, un artiste peintre réputé, un professeur d'art plastique et un critique d'art). Six entretiens semi directifs ont été réalisés afin de recueillir leur analyse du marché de l'art et de l'artisanat d'art. les entretiens ont duré environ quatre heures chacun. Un guide d'entretien a été élaboré et pour clore l'entretien, des documents étaient présentés aux experts afin de collecter leurs commentaires. Certains documents émanaient de I'AAF: logo, enseignes et photos des boutiques, vitrines, plaquette, affiches, magazine AAF, site Internet AAF, cartons de vernissage ... d'autres documents émanaient de domaines différents tels que la gastronomie, le luxe, le tourisme. la seconde étape a constitué en l'organisation de trois foc us groupes afin de répondre à trois objectifs : identifier comment les concepts d'art, d'artisanat d'art et d'artisanat sont compris ; appréhender les critères de choix d'un objet d'art ou d'artisanat d'art ; identifier les résistances éventuelles au marketing de l'art et les éléments de réassurance acceptés. le recrutement des participants s'est fait à partir d'un questionnaire en ligne auprès de 128 répondants du panel TestConso. fr. les personnes retenues sur des critères quantitatifs (âge, sexe, revenu ... ) ont été ensuite sélectionnées par entretien téléphonique afin de s'assurer de critères qualitatifs liés à leur bonne connaissance du milieu artistique. Au total le premier focus groupe était composé de 10 participants entre 30 et 60 ans dont 8 femmes et 2 hommes. le second foc us group était composé de 8 participants entre 26 et 55 ans dont 6 femmes et 2 hommes. le troisième focus groupe était composé de 11 participants entre 23 et 62 ans dont 6 femmes et 5 hommes. les entretiens issus des foc us groupes et des entretiens d'experts ont été intégralement enregistrés et retranscrits. les auteurs ainsi qu'un expert en étude qualitative ont ensuite réalisé une analyse de contenu des entretiens, de manière individuelle. Puis les trois analyses ont été comparées et ont révélé une grande homogénéité des résultats (Kappa de Cohen = 0,82). Décisions Marketing N°65 Janvier-Mars 2012- 11 L'art et l'artisanat d'art en quête de réassurance au monde du luxe. C'est le cas de la mode, l'horlogerie, la joaillerie, ou les objets « inutiles >> au sens large du terme(<< il peut quand même y avoir de l'artisanat de luxe>>;<< la mode c'est de l'artisanat mais c'est du luxe aussi ... pareil pour l'horlogerie de luxe>>). Lorsqu'on tente d'appréhender quelles sont les différences perçues entre art et luxe, la dimension ostentatoire du luxe et son caractère impersonnel sont évoqués (<<pour moi le luxe, c'est bling bling >>) Il s'agit de produits beaux, chers, mais des produits de marque pour lesquels l'artisan disparaît derrière la marque. Entre l'art, le luxe et l'artisanat, apparaît un autre univers nommé artisanat d'art. Ce dernier semble être compris aisément par les interviewés et ceci de manière intuitive. Bien que les limites entre art, artisanat, luxe et artisanat d'art se chevauchent parfois, l'artisanat d'art est facilement appréhendé. Il est considéré comme différent de l'artisanat dans la mesure où il exige un niveau d'excellence dans la maîtrise de la technique, il produit des objets de grande valeur décorative et esthétique, il est porteur d'un savoir-faire ancestral dans le temps ou local dans l'espace. L'artisanat d'art est également perçu comme un univers distinct du luxe dans la mesure où il utilise des matériaux qui ne sont pas toujours précieux. Les objets sont néanmoins personnalisés, l'artisan est présent dans l'objet qui ne comporte pas de marque. Le tableau 1 récapitule les perceptions issues des focus groupes pour l'art, le luxe, l'artisanat d'art et l'artisanat et les frontières entre ces quatre univers. Il apparaît donc que la dimension essentielle permettant de différencier les univers d'art, d'artisanat d'art et de luxe est la dimension personnelle. Les participants des tables rondes s'accordent, en effet sur le fait que la «personnalisation>> de l'objet d'artisanat d'art diffère celle de l'œuvre d'art. L'œuvre d'art est le reflet d'une individualité absolument unique et parfois connue à travers le renom de l'artiste. L'art s'appuie exclusivement sur la créativité de l'artiste, celui-ci s'étant déjà approprié sa propre technique, comme le montrent, par exemple, les installations ou l'art vidéo. L'œuvre d'art a pour mission de transmettre les propos de l'artiste et sa vision de l'art ou du monde. En revanche, les objets d'artisanat ou de luxe ne sont pas perçus comme des objets permettant de refléter cette individualité. Il n'y a pas de lien avec les créateurs d'objets de luxe et les liens établis avec les artisans sont des liens souvent fonctionnels et éphémères. Entre art et artisanat, l'objet d'artisanat d'art répond à ce besoin de personnalisation. Il correspond à l'empreinte personnelle laissée par le créateur mais peut être aussi le résultat de l'interface entre deux individualités : l'artiste et l'acheteur qui aiment à se rencontrer, à discuter, à échanger. Ces différents objets peuvent ainsi être classés selon leur degré de « personnalisation >> permettant d'établir une hiérarchie entre l'art, l'artisanat d'art et le luxe (figure 1). Cette hiérarchie montre que l'objet le plus proche de l'œuvre d'art est l'objet d'artisanat d'art, en particulier en termes d'unicité et de personnalisation. Ces résultats corroborent les recherches antérieures déjà établies sur le sujet, notamment concernant la créativité et la relation personnelle établie avec l'objet d'artisanat d'art et l'objet d'art, soulignant le caractère très spécifique des rencontres, des échanges et globalement des relations établies entre le créateur et l'acheteur (2, 3). Dès lors, il est intéressant d'étudier les critères de choix des objets d'art et d'artisanat d'art afin de mieux appréhender l'acte d'achat. Tableau 1 Perceptions issues des focus groupes selon les univers présentés Art Luxe Artisanat d'art Artisanat - Exige un don, une pure créativité de l'artiste - Réservé à quelques privilégiés - Produits impersonnels - Esthétisme et qualité supérieure - Produits de marque - L'artisan disparait derrière la marque -Niveau d'excellence sur le plan technique - Objets de grande valeur esthétique -Porteur d'une tradition - Savoir-faire ancestral dans le temps et dans l'espace - Une relation personnelle à l'objet et au créateur -Pas nécessairement d'un niveau de qualité supérieur - Plus directement fonctionnel -Exige l'apprentissage d'une technique, d'un savoir-faire - Technicité accessible - Essentiellement dans les musées - Distribution sélective - Distribution assez facilement accessible - Présent partout - Fin ali té Iibre - Finalité extérieure à l'objet - Finalité extérieure à l'objet - Finalité extérieure à l'objet - Prix inaccessible - Prix accessible ou pas selon les produits - Prix accessible - Prix accessible -Unicité de l'objet - Pas d'unicité de l'objet - Unicité de l'objet - Pas d'unicité de l'objet Registre du génie et de l'inspiration La création pure Registre de l'inaccessible industriel Registre du talent et du travail Registre de la technique et du savoir- faire 12- Virginie De BARNIER et Joëlle LAGIER 1 1 i Marketing culturel Figure 1 : Hiérarchisation des objets Objets hyuer individualisés, qui portent un style inimitable. ' L'artiste est célèbre ou coté ' t Objets uersonnels, qui poretnt la trace de l'humain, même si l'artisan n'est pas artiste 1 ; ou célèbre t l 1 L'œuvre d'art appartient à la première catégorie (objets hyper individualisés) ; l'objet d'artisanat d'art à la deuxième catégorie (objets personnels) ; l'objet d'artisanat et de luxe à la troisième catégorie (objets anonymes), même si les objets de luxe se distinguent des objets i d'artisanat par leur qualité supérieure et leur distribution sélective. Objets anonymes, interchangeables, impersonnels Les critères de choix des objets d'art et d'artisanat d'art Globalement les participants des tables rondes ont tous décrit une relation spécifique à l'objet d'artisanat d'art. L'objet doit être un objet qui touche, qui éveille des émotions, qui« parle>>, qui occupe une place à part dans le parcours de l'acheteur.'' Moi quand j'achète quelque chose de singulier, j'ai envie que ça interpelle mon imaginaire >>.Les récits d'achat d'objets d'artisanat d'art soulignent la dimension « coup de cœur >> et la relation très forte qui unit la personne à« son objet>>. L'objet est personnalisé et devient une nécessité selon un processus affectif très fort. «j'ai acheté y a pas très longtemps une sérigraphie, c'était un achat coup de cœur ». En conséquence, les participants soulignent la déception qu'ils éprouveraient s'ils trouvaient le même objet ailleurs, chez des amis, ou dans une autre boutique. Ils ont besoin d'être certains de posséder un objet unique. «j'ai acheté un miroir en Indonésie, que j'ai d'ailleurs vu en réplique chez Conforama des années après et ça m'a horrifiée». Cette relation personnelle à l'objet est d'autant plus forte lorsque l'objet est réalisé « sur mesure>>, ce qui contribue à magnifier ce rapport personnel à l'objet, avec l'idée qu'on participe soi-même à son élaboration.« Pour mon service à vaisselle :j'ai discuté avec l'artisan qui était là, j'ai choisi un service d'assiettes en Jonction de la forme exposée, j'ai choisi la couleur, j'ai conçu avec elle le service». L'objet peut cristalliser une relation personnelle avec le créateur même :l'acheteur aime discuter, construire une relation personnelle avec lui, le suivre pendant plusieurs années, voire devenir son ami.« C'est vraiment le coup de cœur aussi avec la personne qui l'a fait, c'est en discutant qu'avec le feeling je craque».« j'ai des vases de Novara, il fait des pâtes de verre soufflées.]'ai pas mal de vases de lui. Ca fait 20 ans que je le suis ».L'objet porte dans sa matérialité les traces de la présence de l'artisan d'art qui l'a fabriqué. Et l'acheteur veut pouvoir ressentir que celui-ci a mis beaucoup de lui-même dans l'objet, objet qui en porte le témoignage en termes de temps, de travail et de personnalité.« Même dans les vases, on ne retrouvera jamais deux fois le même défaut ». On voit donc que l'objet d'artisanat d'art est traversé par une dimension humaine et personnelle très forte, faisant défaut aux autres objets fabriqués en série ou aux objets de luxe plus anonymes. Six critèresfprincipaux ont été mentionnés par les participants tl'és focus groupes concernant les critères de choix 、Gjセ@ objet d'artisanat d'art. Par ordre d'importance, il s'agit de la qualité, l'originalité, l'esthétisme, l'unicité, l'aspect manuel et la matière. Le critère de qualités intrinsèques et exceptionnelles de l'objet d'artisanat d'art constitue le véritable critère central de l'achat sur lequel l'ensemble des participants ont insisté. Un objet d'artisanat d'art doit avant tout être d'une qualité supérieure irréprochable. L'objet doit présenter une grande originalité. Il doit présenter des formes inconnues ou bizarres, être réalisé dans des matériaux rares, présenter des qualités esthétiques évidentes. «j'ai acheté récemment un miroir avec une monture en bois flotté, avec des décorations en plus, très originales, faites avec des morceaux de verre ramassés, c'est très créatif». L'unicité de l'objet est capitale. L'objet peut ne pas être remarquable mais il doit toujours être unique, c'est-à-dire ne pas être le résultat d'une fabrication industrielle mécanique et standardisée.« Pour moi l'artisanat d'art, c'est rare, c'est une pièce unique»; «C'est du jamais vu». L'aspect manuel et les traces du geste de l'artiste doivent être perceptibles dans l'objet. Le sens du toucher est fréquemment évoqué par les participants.« Y a des défauts, ça se voit que c'est pas fait à la machine''· Les répondants soulignent tous l'intérêt pour une matière «plus élaborée qu'à l'ordinaire,,, la recherche d'un travail de la matière. Les objets d'artisanat d'art sont des objets «plus sophistiqués>> et l'on aime y voir le travail de la matière ou bien le signe d'un travail compliqué, original ou minutieux, souvent le fruit d'un savoir-faire traditionnel transmis depuis plusieurs générations. Certains répondants ont de véritables passions pour des matériaux et les collectionnent (résine, verre, bois ... ). Décisions Marketing N°65 Janvier-Mars 2012- 13 L'art et l'artisanat d'art en quête de réassurance En ce qui concerne les œuvres d'art, les chercheurs (4, 8, 11) montrent que les critères de choix évoqués sont, de leur côté, les suivants : la nature et l'intensité des émotions déclenchées, la créativité, l'originalité, ·l'unicité, l'esthétisme du travail présenté aux côtés de l'excellence de la réalisation (la qualité de l'exécution, les formes, les couleurs, les mouvements, la composition mais également le graphisme, la technique et les matières utilisées). En dehors du prix (qui soulève un débat important concernant la valeur artistique de l'objet), il semble ainsi exister une très forte similitude entre les critères de choix des objets d'artisanat d'art et ceux des œuvres d'art. Ce résultat est vraisemblablement lié à la relation spécifique s'établissant entre l'acheteur et le créateur. Cependant, à l'instar du secteur du luxe qui met en place des stratégies de démocratisation, l'artisanat d'art peut présenter les mêmes risques de dilution de l'image (13), contribuant ainsi à accroître le risque perçu par les acheteurs et rendre plus difficile la relation acheteur-créateur. Afin de mieux comprendre les enjeux de cette relation, nous avons donc tenté d'identifier lors des études qualitatives, les craintes perçues par l'acheteur d'art et d'artisanat d'art ainsi que les éléments de réassurance acceptés. Les résultats sont présentés dans la partie suivante. aョ。セウ・@ des craintes et des éléments de reassurance perçus dans la relation acheteur-créateur L'achat d'un objet d'art ou d'artisanat d'art est un achat très impliquant, les répondants des tables rondes l'expriment clairement : << c'est un achat important pour moi>> ; <<je veux être sûre de ne pas me tromper>>. Afin de faciliter les échanges, les acheteurs ont besoin d'être rassurés, et, pour se faire, les créateurs cherchent à identifier leurs craintes. Nous avons donc abordé lors des tables rondes les craintes perçues par les acheteurs. Les résultats font l'objet de la première partie. Les résultats concernant les facteurs de confiance recherchés et acceptés par ce dernier sont présentés dans la seconde partie. Les craintes perçues par /'acheteur Les répondants des tables rondes sont conscients de ne pas toujours avoir la culture suffisante et l'œil aguerri face à des objets d'art ou d'artisanat d'art afin d'en apprécier la valeur. La crainte principale énoncée est liée aux caractères de qualité et d'unicité de l'objet : ''je croyais qu'il était unique alors qu'en réalité il ne l'est pas,,;'' Il y a le même chez le voisin>>. Par opposition à l'objet industriel, l'objet d'artisanat d'art doit être le fruit d'un travail compliqué, qui exhibe les signes de sa complexité, de sa finesse. Il doit être hyper investi par le créateur, qui met beaucoup de lui-même et de sa personnalité dans sa réalisation. << L'artisan est passionné, c'est pas du made in China >> ; <<Il met son âme dans ce qu'il fait» ; << On voit qu'il y a un travail derrière, c'est 14- Virginie De BARNIER et Joëlle LAGIER fait avec amour>>. Les craintes évoquées sont particulièrement vives lorsqu'il s'agit d'un achat destiné à un cadeau, ce qui accroit vraisemblablement le caractère impliquant de l'achat. L'acheteur veut pouvoir fournir des gages d'authenticité, plus particulièrement lorsque le prix payé est élevé, car l'achat est alors vu comme un investissement en vue d'une revente éventuelle ou d'un placement. « C'est bien aussi pour un cadeau d'avoir un certificat d'authenticité, pour montrer à la personne que c'est bien un vrai ». Dans ce cas, les acheteurs s'appuient sur des preuves tangibles ou officielles de l'authenticité de l'objet telles que la côte du créateur, sa renommée, ses précédentes réalisations publiques, sa biographie, sa formation ... Alors que certains ont des comportements d'achat impulsifs, du type'' coup de cœur,, d'autres expliquent adopter un comportement plus rationnel, suite à une recherche active d'éléments de réassurance via Internet, les médias, la lecture de critiques ... ''Pour un designer connu, j'ai vu qu'il avait déjà fait plein de choses, il a déjà décoré des restaurants, j'y suis allé et j'ai eu un choc esthétique»;<< Leur formation, y a des écoles plus ou moins réputées » ; <<Quelqu'un qui est sorti de l'école Boulle, on voit tout de suite qu'il va savoir de quoi il parle>>. Globalement les participants affirment se sentir perdus devant l'offre du marché de l'art en général. Ils en ont parfaitement conscience et expriment clairement le besoin d'être rassuré par des éléments tangibles : << Moi, je suis pas un expert, j'ai besoin d'être rassuré.>> Les facteurs de confiance recherchés et acceptés par /'acheteur Lorsque l'on aborde les éléments qui pourraient rassurer l'acheteur, les répondants évoquent spontanément deux éléments principaux: le label et l'atelier d'art. • Le label Le principe d'un label ou d'une marque collective qui assure l'authenticité des objets d'artisanat d'art sont évoqués spontanément par les répondants. Interrogés sur ce sujet, ce principe est unanimement accepté dans les focus groupes et auprès des experts. << Y a pas une idée de lancer des labels ? >> ; << Il faudrait aussi avoir quelque chose derrière la vitrine qu'on puisse reconnaître :les compagnons ... un peu comme les logis de France >>.Les répondants acceptent l'idée d'un label unique pour des objets qui relèvent de métiers différents car malgré leurs spécificités, tous les métiers d'artisanat d'art sont perçus comme appartenant à une même famille, marquée par le respect du travail de l'artisan, la relation à la matière, et l'unicité de l'objet.<< Dans le fond, les objets seront fabriqués de façon à respecter ce qui est demandé dans le label, avec les mêmes critères uniques>>;<< C'est mieux d'avoir quelque chose de transversal, moi, je n'achète pas qu'un seul type d'objet>>. Par ailleurs, la multiplication des labels est évoquée comme un risque de disqualifier et de diluer leur légitimité (à l'image de ce qui se passe dans le domaine Marketing culturel alimentaire). Elle est également spontanément associée à une politique de marque trop agressive, ce qui ne correspond pas à l'esprit de l'artisanat d'art. Concernant les modalités d'attribution du label, les répondants identifient clairement plusieurs groupes susceptibles de donner leur avis sur les 0bjets d'artisanat d'art, du plus restrictif au moins restrictif. L'interprofession est désignée spontanément comine l'organisme pertinent pour délivrer le label. Une ouvèrture au-delà de l'appréciation de la simple technique est également souhaitée : « Faut ouvrir, sinon les 」←イ。ュセウエ・@ soutiennent leurs collègues, parce qu'ils ont teS, mêmes fournisseurs»;<< Faut une base, mais aussi def gens qui jugent autre chose que la technique, qui Soient un peu plus ouverts». Les critères de sélection 4.loivent rester ouverts : l'artisanat d'art n'est pas uniquelment une affaire de technique, c'est aussi une question <;l'émotion, l'objet vraiment exceptionnel est justement ;celui qui bouscule les normes. Interrogés sur les critèresique le label devrait comporter, deux éléments sont mentîonnés :l'origine géographique et le niveau d'excellencelvérifié par le processus de fabrication. La question de l'origine est une question très importante pour les répondants, qui englobe elle-même plusieurs sous-thèmes. L'origine désigne d'abord l'origine très précise de l'atelier, du lieu de fabrication, à l'échelle de la ville, voire de la région. Dans ce cas, on attend de pouvoir situer très exactement l'emplacement du lieu de création, comme si l'on pouvait s'y rendre. «j'aime bien connaître le nom et l'adresse de l'atelier: on se dit que l'on pourrait passer le voir, c'est pas n'importe où» ; << Ca permet de retrouver l'artisan>>. À un second niveau, l'origine peut également désigner le terroir ou le pays au sens de la région :c'est un ensemble géographique plus large, qui marque l'attachement de l'objet à une tradition, un savoir- faire local. <<]epense à un service à thé du pays basque, c'est décoré selon un motif spécifique du pays basque. C'est important d'avoir un régionalisme au niveau des objets>>. Concernant le niveau d'excellence garantie par le label, il faut faire attention cependant à ne pas dévaloriser les objets sans label : << Ca veut dire que les artisans d'art qui n'ont pas le label, ils sont moins bien? je ne suis pas d'accord>>. Si les participants perçoivent clairement une différence entre les objets d'artisanat et les objets d'artisanat d'art, plus raffinés, plus travaillés, plus élaborés, ils ont en revanche du mal à établir des distinctions au sein de l'artisanat d'art et n'imaginent pas que certains objets produits par des artisans d'art puissent être de << mauvaise qualité >>.Par ailleurs, les répondants précisent bien que l'excellence doit avant tout désigner l'excellence du métier et du savoir-faire, et non celle de l'objet lui-même, en particulier ses qualités esthétiques.<< Dans le label, faut qu'il y ait la garantie que c'est un professionnel qui maîtrise une technique >> ; << On ne lui donne que s'il respecte des critères sur les matériaux utilisés.. . >> ; << Pour moi l'artisanat d'art c'est une pièce unique, il faut pouvoir prouver que le produit a été fait à la main >>.Si le label semble répondre au besoin de réassurance des participants des tables rondes, un autre élément est évoqué spontanément :il s'agit de la visite de l'atelier d'art. • L'atelier d'art Selon la mythologie grecque, l'artisan a un secret, il a quelque chose à cacher. Il garde farouchement le mystère de la création. Les artisans se doivent donc de s'isoler pour pouvoir travailler à l'abri des regards :lieu reculé, caverne, grotte ... Les artisans vivent souvent dans des endroits mystérieux et sombres. Pour les Grecs, le Dieu du feu, des forges et des volcans, Héphaïstos, a ainsi vécu pendant neuf ans, à l'insu de tous, dans une grotte de l'île de Lemnos, où il fait son apprentissage d'artisan en façonnant des bijoux. Il y a donc autour de l'artiste un imaginaire du secret, un principe d'interdit, un pouvoir mystérieux et dangereux. L'atelier propose donc un voyage au cours duquel le voyageur va entrer sous terre, sous la surface, dans la caverne de l'artiste pour aller y découvrir quelque chose qui lui est normalement invisible. Ainsi, l'atelier est un espace imaginaire, central de la relation à l'objet : c'est le point de référence absolu et les répondants prennent plaisir à raconter leurs visites d'ateliers. L'atelier est perçu comme un espace de résistance du savoir-faire face à la grande industrie. Il est la garantie ultime d'authenticité de l'objet :acheter l'objet en âfelier revient à puiser à la source même de l'objet.« {:&,mieux c'est quand même de voir l'artisan, au ュ。ゥョセ@ 'on est sûr d'où ça vient>>. L'atelier confère ainsi à l'objet toute une série de valeurs symboliques et dynamiques que l'acheteur emporte avec lui : la compréhension du processus de fabrication, l'ambiance de l'atelier, le rapport à l'artiste, etc.« Quand je suis dans l'atelier, j'ai l'impression d'avoir connaissance de la création de l'objet :j'ai une idée de processus de fabrication>>. L'atelier est une unité de lieu où l'on imagine que l'essentiel du travail est accompli :les participants des tables rondes apprécieraient d'avoir même une traçabilité de l'objet, pour savoir ce qui est effectué et à quel endroit. « En même temps, il y a des bois précieux qui sont importés en France, tout ne peut pas être fait au même endroit et c'est pas non plus le menuisier qui fait les ferronneries >> ; << Il faut une traçabilité de l'objet pour qu'on puisse suivre où l'objet a été fait>>. Ainsi les tables rondes ont permis de faire émerger deux éléments intéressants pouvant jouer un rôle de réassurance pour les acheteurs d'art et d'artisanat d'art : le label et l'atelier d'art. Ces deux éléments n'assurent cependant pas la même fonction dans la relation entre le créateur et le client. Aussi, la partie suivante analyse ces deux éléments afin de déterminer quelles formes ils pourraient prendre et quelles fonctions ils pourraient remplir au sein de cette relation. Les enieux des labels et ateliers d'art dans la relation acheteurcréateur Les labels connaissent aujourd'hui un engouement particulier, ils sont présents partout, des produits de Décisions Marketing W65 Janvier-Mars 2012 - 15 L'art et l'artisanat d'art en quête de réassurance consommation courante aux services. Ceci met en danger leur efficacité: trop de labels peut tuer le label. C'est pourquoi il est fondamental d'analyser les différentes formes que les labels peuvent prendre afin d'envisager le type de label le plus adapté à la spécificité de la relation acheteur-créateur dans le domaine de l'art. Ces analyses sont présentées en première partie. La seconde partie se consacrera à la visite d'atelier d'art et analysera son rôle dans la relation acheteur-créateur. Le principe du label Le principe du label assurant l'authenticité des ob- jets pose en ce qui concerne l'art un certain nombre d'interrogations. En effet, si l'objet d'artisanat d'art peut être labellisé selon un processus de fabrication déterminé, cela semble plus délicat à mettre en œuvre pour un produit tel que l'œuvre d'art. Sur le plan théorique, le label peut toutefois être rapproché du concept de marque, en étant défini comme<< une marque particulière qui n'émane pas d'une entreprise productrice mais utilisable par elle>> (12). Or, la marque constitue un fort élément d'identification du produit en lui conférant une certaine personnalité et des valeurs appropriées. Définie par un nom, un terme, un signe, un symbole, un dessin, ou toute combinaison de ces éléments, cette marque peut correspondre dans notre contexte de recherche, à la signature de l'artiste, garantie de l'authenticité et de l'unicité de l'objet. Elément de réassurance chez le consommateur, ce type de marque existe, en effet, dans le domaine culturel depuis fort longtemps puisque l'effet-signature de l'artiste est bien antérieur à la création de marques de produits et services tels que nous les connaissons aujourd'hui. Le sujet devient néanmoins plus complexe pour la marque collective. Il faut, en effet, distinguer la marque produit qui correspond à la marque d'artiste dont nous avons parlé auparavant et qui découle de l'effet signature très puissant (par exemple, les artistes Picasso ou Ben arrivant à atteindre des ventes record mais aussi à faire commercialiser d'autres produits plus courants sous leur seul nom8 ) de la marque ombrelle regroupant d'autres marques (par exemple, des lieux très connus comme les National Gallery) ou les labels en tout genre (comme le classement au patrimoine mondial de l'Unesco ou les capitales européennes de la culture) venant renforcer cet effet-marque (5). Deux types de labels peuvent être distingués (12) :les labels expérientiels donnant une information sur l'expérience de consommation du produit fondé sur le jugement et l'appréciation d'autrui et les labels techniques renvoyant à des caractéristiques intrinsèques du produit. Les labels expérientiels s'appliquent parfaitement aux produits culturels, en raison de leur nature même, basée sur l'expérience vécue et ressentie (12). L'approche de la marque ombrelle peut donc présenter pour l'art contemporain deux axes de développement pertinents : • la marque collective, regroupement d'artistes ou de 16- Virginie De BARNIER et Joëlle LAGIER créateurs animés par les mêmes intentions ; • la création de labels culturels ou expérientiels, tels que définis précédemment. En termes de concrétisation de ces propositions, le concept de marque collective fait déjà partie de l'actualité. Sans rappeler le succès enregistrés par les mouvements artistiques des années 60 ou 70 comme le Pop Art, Flu:x:us ou le Land Art, unis par la cohésion de leur discours et de leur propos, il suffit de citer à titre d'exemple le collectif <<Faile>> reconnu dans le milieu de l'art contemporain newyorkais comme pionnier du Street Art et apposant avec succès une signature unique et collective sur toutes ses créations. Le concept de label culturel ou expérientiel semble, en revanche, plus délicat à opérationnaliser en raison d'une part des critères de choix et de sélection des artistes, d'autre part des structures et organisations à mettre en place. Cependant, ceci ne remet pas en question son intérêt, dans la mesure où il permet d'influencer trois variables médiatrices de l'intention d'achat: la qualité, l'unicité perçue, l'estime accordée au créateur (12). La création de labels expérientiels pourrait, en effet, permettre de revaloriser l'image de l'art contemporain vis-à-vis d'un public en quête de repères. Ainsi deux grands types de labels peuvent être créés : des labels-experts émanant des pouvoirs publics ou d'organismes indépendants et des labels-consommateurs émanant d'organismes indépendants ou de distributeurs (12). La création de nouveaux labels d'art pourrait ainsi s'apparenter à des labels-experts ou des labels-consommateurs et prendre différentes formes. Les labels experts pourraient ainsi : • se rapprocher des prix comme le prix Thrner (Turner Prize) organisé par la Tate Britain à Londres, mais avec une plus grande ouverture internationale (le prix Turner reste, en effet, très anglo-saxon) et des souscatégories culturelles plus explicites (comme par exemple la peinture, la sculpture, l'art audiovisuel. .. ) • et proposer, par exemple, dans ce contexte, le Grand Prix du Meilleur Artiste, à l'image des césars ou des oscars dans le milieu cinématographique. La création de labels-consommateurs, supportés par des organismes extérieurs ou des distributeurs d'œuvres d'art (galeries, maisons de vente aux enchères ... ) peut également constituer une recommandation intéressante. Dans le domaine cinématographique, le distributeur UGC interroge ainsi des spectateurs en avant-première dans le cadre du « Grand Jury des spectateurs UGC >> et octroie un label aux films dont le taux de satisfaction est le plus élevé. Selon le même principe, un label Saatchi, un label Sotheby ou Christie's pourrait être créé, label qui serait le garant de la qualité des meilleures œuvres du marché, dans le respect d'une totale transparence de l'information. Ce concept de label expérientiel pourrait aussi évoluer vers des labels de co-production ou de co-créativité puisqu'à la source de certaines œuvres se trouvent de Marketing culturel Encadré 3 : Le triomphe du marketing artistique L'art contemporain voit émerger des artistes qui n'hésitent pas à effectuer une rupture entre intention artistique et réalisation. Plusieurs artistes limitent leur travail à l'intention artistique, délégant la réalisation à des ateliers. L'artiste américain Jeff Koons fait réaliser ses œuvres dans un atelier situé à Chelsea près de New York où plus de 100 assistants travaillent pour lui. Pour les peintures, il procède à des créations assistées par ordinateur et ce sont ses assistants qui les mettent en forme sur toile. Dans le courant de la démocratisation de l'art, Kaons explique qu'il fait de l'art pour le plus grand nombre セエ@ s'approprie des objets du quotidien avec lesquels tout le monde peut créer un lien (aspirateurs, ustensiles électroménagers, bibelots rococo, lapins gonflables, bergères ou petits cochons en sucre, Michael Jackson en porcelaine, jouets ... ). Kaons abolit ainsi dans ses créations les frontières entre art élitiste et art populaire. Dans la même lignée, Aセ。イエゥウ・@ anglais Damien Hirst est actuellement l'artiste le plus riche du monde. Ses œuvres les plus connues sont « For the 'Love of God » , une réplique en platine du crâne d'un homme décédé au XVIII• siècle, incrustée de 8601 diamants et cédée en août 2007 pour 100 millions de dollars, ou encore« Lullaby Spring », une armoire à pharmacie métallique contenant 6136 pilules faites à la main et peintes individuellement, œuvre vendue 19,2 millions de dollars. Les critiques カゥセ¢Mウ@ de Damien Hirst portent sur trois points principaux : le caractère périssable de ses œuvres, leur caractère industrieF voire commercial (réalisées par plus de 120 assistants dans des ateliers), et l'organisation capitaliste de l'artiste (la créaijon de la société« Science Ltd »qui regroupe ses diverses activités: ventes d'images sous licences, vente de produits sur Internet, publication de reproductions, livres, posters, tee-shirts et autres objets en tout genre). véritables ateliers et artisans d'art (encadré 3 sur Jeff Koons et Damien Hirst mettant en œuvre ces pratiques). Cela pourrait, en effet, redonner confiance au consommateur en termes de qualité et d'excellence mais également en termes d'échange et de relation. Label et atelier d'art peuvent enfin trouver des synergies intéressantes. En effet, le label permet d'évaluer le niveau d'excellence du processus de fabrication, répondant aux critères les plus sélectifs. Il peut mentionner l'origine géographique de l'objet, voire même préciser très exactement sa provenance. Le principe de valider la fabrication de l'objet au sein de l'atelier d'art pourrait constituer une source de crédibilité supplémentaire pour ce type de label dans la mesure où il contiendrait à la fois la dimension de l'origine (par la localisation) et la dimension d'excellence. Le principe de la visite d'atelier Le principe de la visite de l'atelier d'art semble éga- lement constituer, de son côté, une solution intéressante pour le marketing de l'art dans la mesure où il permet au consommateur de se rapprocher du créateur, de partager ses émotions et de s'ouvrir à son univers en toute simplicité et discrétion. Il permettrait notamment de diminuer la distance psychologique perçue entre l'artiste et l'acheteur, tel que le recommande De Benedetti (6), et de cristalliser la relation établie entre les deux. A l'instar des grands restaurants qui exposent les cuisines derrière de grandes baies vitrées afin de permettre aux clients d'assister à la création des plats, la visite d'atelier permettrait de voir l'artiste en action. Ainsi, fini le passage obligé des galeries d'art ou l'itinéraire compliqué des ventes aux enchères, réservé aux moins timides ou aux plus initiés. Quelques artistes proposent d'ailleurs depuis quelques années, des «Ateliers portes ouvertes>>, à travers toute l'Europe, et le public reste extrêmement friand de ce type d'événement, en manifestant sa satisfaction de ne rencontrer que le créateur sans avoir affaire à des intermédiaires supplémentaires. D'autres tels que Jeff Koons offrent des visites d'ateliers privées et personnalisées, dont le prix est mis aux enchères sur internet. Ces visites permettent au consommateur 、G←」ィ。ョァ・ゥセカ@ le créateur, au point même parfois de le vers de nouvelles idées ou des commandes faire ←カッャーNセイ@ personnalisées. Source de transfert et de partage,l'atelier d'art constitue, en effet, un point de rencontre intime et original. Il peut notamment rassurer le consommateur sur l'authenticité du produit et de l'expérience vécue (3). Il peut jouer un rôle essentiel dans la création d'expérience culturelle (14) dans la mesure où il représente pour le consommateur un lieu d'exposition convivial et attrayant. Son habillage, son design, son esthétisme peuvent déclencher des émotions autres que celles engendrées par l'objet d'art exposé. Et l'interaction lieu-individu-objet devient, dans cette nouvelle mise en perspective, un point central de réflexion se rapprochant des recherches déjà menées sur la mise en scène des lieux culturels. Puhl (16) observe ainsi que les lieux culturels intègrent de plus en plus les approches sensorielles. Le visiteur doit devenir l'acteur-créateur de sa propre expérience qui devient unique et personnelle. Jouer le rôle de lien social constitue une des caractéristiques de ces actions en créant des espaces d'interaction inédits et informels. Créer un habillage sensoriel du lieu ou de l'objet représente une autre façon de créer la relation. Dans ce cadre, Joy et Sherry (9) préconisent l'expérience immersive et nous amènent à penser que toute action mettant en valeur la participation même du consommateur est à recommander, comme par exemple la mise en place de parcours de découverte particuliers, la mise en œuvre de créations ou pourquoi pas de co-créations avec l'artiste même. La valeur de l'œuvre d'art n'est ainsi plus simplement extrinsèque, elle acquiert une dimension intrinsèque (orientée vers soi) et active (l'individu s'engage concrètement dans la découverte de l'objet et de l'univers de son créateur) selon la typologie de Holbrook (10) 9 • La Décisions Marketing N°65 Janvier-Mars 2012- 17 L'art et l'artisanat d'art en quête de réassurance visite d'atelier permet ainsi le passage d'une valeur réactive et extrinsèque(« l'excellence») à une valeur active et intrinsèque (« le jeu >>) (10). Mancarelli (14) soulève, de son côté, la question de la conception même du lieu de création et de diffusion, en citant deux cas :le cas de lieux d'exposition s'appuyant sur le positionnement recherché pour les œuvres ou le cas de lieux en décalage complet avec les créations présentées, pour lesquels les règles habituelles de l'utilisation de l'espace ont été modifiées. La sortie culturelle, et dans ce sens la visite d'atelier, peut en effet présenter des aspects récréatifs et divertissants, venant rompre avec le quotidien et créer une nouvelle vision de l'art expérientielle, basée sur les principes de l'échange et de l'interactivité. Très valorisant et recherché par le consommateur, ce principe de visite d'atelier peut ainsi prendre de multiples formes et évoluer vers de nouvelles stratégies en termes de prix, de circuit de distribution et de communication. En particulier le marketing mix classique peut être revisité à la lumière de l'influence du monde des nouvelles technologies. L'artiste peut devenir proche du consommateur, par l'intermédiaire de sites personnels, de blogs, de visites de galeries, voire même d'expositions virtuelles. Second life, par exemple, offre aux internautes une rétrospective des œuvres de Adam Ramona, artiste australien réputé pour son utilisation des médias numériques, une exposition de la Tournicoton Art Gallery et la visite de l'île Moya, où l'artiste Patrick Moya présente plusieurs musées consacrés à ses œuvres. Implications managériales et conclusion Les résultats issus de ces études qualitatives montrent que la relation acheteur-créateur dans le domaine de l'art est une relation spécifique et complexe, qu'il est important de comprendre afin de faciliter les échanges. Les acheteurs d'art et d'artisanat d'art ont concrètement besoin d'être rassurés sur quatre éléments clés :la qualité et l'excellence de l'objet, son originalité, son esthétisme et son unicité. Les acheteurs d'artisanat d'art attendent également un objet à l'aspect manuel qui fait bien ressortir le travail de la matière tandis que les acheteurs d'art manifestent plutôt un besoin d'émotions: ils veulent ressentir des sensations fortes dans la relation à l'objet. Le défi des professionnels du marché de l'art consiste donc à allier cognition et émotion, raison et passion. Dans ce contexte, le label et la visite d'atelier présentent des opportunités intéressantes, le premier apportant une dimension rationnelle à l'achat, le second une dimension plus émotionnelle. Ces deux éléments sont par ailleurs complémentaires et ne remplissent pas la même fonction, concourant à rassurer l'acheteur tant sur le plan cognitif et affectif. Que ce soit la création de nouvelles marques ou de nouveaux labels, l'invention de nouveaux types de visite culturelle, ces préconisations soulignent, en fait, le besoin imminent de réassurance du consommateur, qui ne veut plus simplement acheter un objet mais souhaite désormais comprendre, partager une expérience. 18- Virginie De BARNIER et Joëlle LAGIER La force de cette expérience basée sur l'originalité et l'authenticité peut être transmise à la fois par le mode de création de l'objet (validé par un label) et le type de relation établie entre le créateur et l'acheteur (confirmé par une visite d'atelier).Valorisée par un certain nombre de signes et symboles (2), l'expérience issue de la relation acheteur-créateur constitue en effet pour l'individu en quête de repères un élément moteur de son comportement. L'évaluation de cette expérience relève d'un caractère à la fois ponctuel (satisfaction) et relationnel en s'appuyant sur le concept même de valeur. Or, ce concept de valeur a évolué à travers le temps. Exprimée initialement dans le cadre d'une simple transaction centrée sur les bénéficies utilitaires et fonctionnels de l'objet, elle s'est progressivement orientée, dans le domaine culturel, vers la valeur de l'usage et de consommation. La valeur ne relève plus alors de la décision d'achat elle-même mais représente la conséquence d'expériences cumulées. Elle constitue une réponse affective du consommateur à l'égard de l'objet et n'est plus le résultat d'un calcul rationnel mais le produit d'une expérience (7). Plusieurs études ont ainsi été menées afin d'appréhender le concept de valeur expérientielle (16, 1). Ces travaux ont notamment souligné la difficulté d'établir une valeur réelle de la consommation culturelle, dans le sens où cette consommation relève d'une dimension hédoniste et symbolique prononcée. Ces constats nous permettent d'exprimer deux types de préconisations aux différents acteurs de l'art. La première consiste à relativiser les barrières existantes vis-à-vis de la commercialisation de l'art, activité parfois considérée comme critiquable, dégradante et bassement mercantile. Un article récent paru dans l'Expansion en juillet 2009 sur<< le business de l'art>>, aux côtés d'entreprises plus anciennes comme Bazart, soutient cette idée en proposant << cinq techniques pour acheter malin », dont notamment << consommer comme au supermarché» en citant le succès du salon d'art contemporain Art Shopping du Carrousel du Louvre. Dans la lignée de cette première préconisation, une seconde préconisation est d'accompagner cette démarche novatrice en continuant à construire une offre claire et adaptée aux changements des pratiques culturelles. L'enjeu est le passage d'une approche transactionnelle de l'échange entre l'artiste et l'acheteur d'art à une approche relationnelle, permettant de créer de la valeur. Il s'agit de mettre en avant non plus l'objet d'art lui-même, mais la relation que le consommateur établit avec cet objet et son créateur, ainsi que le plaisir de l'expérience et de l'échange créé. Les principes de réenchantement, dans un monde en plein changement, répondent, en effet, au besoin de l'individu de donner du sens à sa consommation, à son achat d'objet d'art. Notes • 1 Source : Artprice 2010. 2 Cet indice utilise les fondements théoriques du Michigan Consumer Sentiment Index du Survey Research Center de Marketing culturel l'université du Michigan qui fait référence sur les places de marché mondiales. 3 Source: Tendances du marché de l'art 2009, Artprice. 4 Les matériaux listés sont : bois, cuir, métal, pierre, terre, textile, verre. Les activités référencées sont : art floral, arts du spectacle, arts et エイ。、ゥセッョウ@ populaires, arts graphiques, arts mécaniques, jeux, j:ouets, bijouterie-joaillerie-orfèvrerie-horlogerie, décoration, facture instrumentale, luminaires, métiers liés à l'architecture, mode, tabletterie. l 5 Voir site : ィエーZOキN。セャゥ・イウ、」ッュ@ 6 Source : http://www.cillture.gouv.fr/mcc/Actualites/Ala-une!Les-metiers-d-art-al-l-honneur-dans-les-vitrines-du: Ministere ! 7 Source : Les métiers d'art, d'excellence et du luxe et les savoir-faire traditionnels :'L'avenir entre nos mains, Rapport à Monsieur le Premier ministre de Madame Catherine Dumas, Sénatrice de Paris, septembre 2009. 8 Ben commercialise par exemple toute une gamme de produits de bureau : trousses, stylos, cahiers, agendas ... 9 La typologie de la valeur proposée par Holbrook (1999) fait apparaître huit composantes (efficacité, excellence, jeu, esthétique, statut, estime, éthique et spiritualité) selon trois dimensions (orienté vers soi ou les autres, extrinsèque ou intrinsèque et active ou réactive). 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