Les distributeurs seraient-ils enfin réconciliés avec le digital ? La deuxième édition du Baromètre digital du commerce par LSA et Oliver Wyman, menée auprès des lecteurs de LSA, semble démontrer que les entreprises voient aujourd’hui le magasin comme un atout, alors que, dans la première édition, il paraissait en état de survie. Les 316 répondants, interrogés dans le cadre de cette étude quantitative en ligne, du 7 juillet au 18 août, se révèlent bien plus optimistes. Mieux, ils s’estiment davantage préparés pour répondre aux défis qu’implique l’approche multicanal.
"La majorité des distributeurs a atteint un premier palier dans le digital, détaille Bernard Demeure, partner au sein du cabinet Oliver Wyman. Nous constatons un vrai mouvement vers le multicanal : être présent sur plusieurs canaux est désormais la norme. C’est très récent. En parallèle, nous constatons une montée d’optimisme. L’an dernier, près de la moitié des répondants évoquaient la notion de survie pour les magasins. Cette année, ils considèrent dans leur immense majorité qu’un point de vente physique est un avantage, ce que déclarent aussi les e-commerçants. Le magasin est bien un atout concurrentiel."
Parmi l
es enseignes qui incarnent le mieux la réussite de la transition omnicanal, la
Fnac se place sur la première marche (23%), loin devant
Darty (10%),
Decathlon (8 %) ou
Leroy Merlin (7%). Les enseignes alimentaires arrivent à la cinquième place avec
E. Leclerc (6 %), suivie de
Carrefour (5%) et devant
Auchan (3 %).
Cohérence des services
Pour obtenir un «magasin sans couture», afficher une cohérence de prix entre les canaux avec les mêmes promotions semble acquis. De même que proposer la même offre produits. "Les clients savent que la largeur du choix proposé est différente d’un canal à l’autre, précise le consultant. Et ils plébiscitent le retrait en magasin, qui est désormais en place dans une grande majorité d’enseignes." Cette approche omnicanal se traduit par le développement de services. Dans l’alimentaire, par exemple, les distributeurs ne peuvent se passer du drive. Et dans le non-alimentaire, l’option Trouver un magasin se positionne aussi comme un incontournable. Les nouveautés portent sur la localisation des stocks pour un tiers des répondants, ainsi que sur l’ajout de bornes de commandes en rayons pour 20% des sondés, contre 11% pour les casiers.
Le développement de services, comme le drive ou le click & collect, pose également la question de la rentabilité. "Si un distributeur investit dans un nouveau service, sa rentabilité n’est pas immédiate ni certaine, comme le montre l’exemple des drives, détaille Xavier Mussard, principal chez Oliver Wyman. Aujourd’hui, encore plus qu’hier, une enseigne ne peut s’arrêter à un raisonnement à court terme." D’ailleurs, les budgets alloués pour ces développements passent en investissements déconnectés de la rentabilité immédiate.
Le juste stock
Si le digital se traduit par la création de services pour les clients finaux, les distributeurs y voient également un moyen d’améliorer la gestion des magasins. Particulièrement sur la gestion des approvisionnements et des ruptures produits. La quête du juste stock est un défi de chaque instant. D’autant que le manque de rapidité dans l’approvisionnement génère des effets très négatifs sur la relation client. Le consommateur qui découvre dans une publicité un nouveau produit veut le retrouver dans son magasin. Pour les distributeurs interrogés, ce sont les intermédiaires, de type
Google (34 %) et eux-mêmes (33%), qui profitent le plus du digital.
En revanche,
"ils en sous-estiment l’opportunité pour les industriels. Car ces derniers peuvent recréer du lien direct avec le consommateur final, estime
Christophe Schmitt, consultant senior chez Oliver Wyman.
En ce qui concerne les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), la menace est réelle. Certains, tel Amazon, ont commencé à investir les espaces privés avec des objets connectés, intervenant ainsi en amont des processus de décision d’achat." Les objets connectés leur permettent également d’obtenir des mines d’informations sur les modes de consommation. Des données qui étaient la prérogative des distributeurs…
Autre crainte, soulignée par les sondés, la création de magasin physique par les Gafam. Les distributeurs s’attendent à souffrir de cette concurrence. Mais la messe n’est pas dite. "Il n’y a pas de raison que l’évolution soit uniquement tirée par les géants du web, détaille Bernard Demeure. Face au risque d’être marginalisés et de perdre la relation avec le client, des volumes et des marges, les distributeurs ont tout intérêt à renforcer leurs investissements dans de nouveaux outils et technologies. Leur survie est à ce prix."